Quand le gouvernement verrouille l’arène électorale

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Quand le gouvernement verrouille l’arène électorale

Le Comité ministériel des affaires législatives a donné son feu vert à une proposition surnommée « loi Bennett », dont l’objectif déclaré est d’empêcher qu’un chef de parti recrée une formation politique tout en laissant derrière lui des dettes impayées. Concrètement, si le président d’un nouveau parti a dirigé une formation dissoute au cours des dernières années, les fonds de campagne du nouveau mouvement seraient d’abord affectés au remboursement des dettes de l’ancien, avant tout autre usage. L’exposé des motifs précise que la mesure vise les dettes issues d’irrégularités relevées par les autorités de contrôle, afin de préserver l’intégrité de l’argent public et la confiance des électeurs.

Pour ses promoteurs, la logique est simple : un dirigeant ne devrait pas pouvoir « effacer » le passif financier en changeant d’enseigne politique. Le député Avichaï Boaron, à l’origine du texte, argue qu’il s’agit d’une règle de probité : d’abord payer ce qui est dû, ensuite concourir à armes égales. Il assure que la loi n’empêche personne de se présenter ; elle conditionne seulement l’accès effectif au financement de campagne à l’apurement des comptes. Dans son viseur, au-delà du seul Naftali Bennett, figurent d’autres formations ayant laissé des arriérés.

L’opposition y voit au contraire une manœuvre politique, ciblée et antidémocratique. Naftali Bennett, ancien Premier ministre, accuse la coalition de chercher à l’écarter de la compétition plutôt que de le confronter dans les urnes. Selon lui, la règle serait inconstitutionnelle et retirerait aux citoyens la liberté de recomposer le paysage politique après des fractures internes ou des échecs électoraux. L’argument n’est pas anodin : la vie partisane israélienne est faite d’alliances mouvantes, de scissions et de refondations. Mettre des « barrières financières » au redémarrage d’un courant peut peser sur l’offre électorale.

Sur la forme, la discussion au comité a été vive. Des représentants juridiques ont rappelé les risques d’une application rétroactive et la nécessité de cibler précisément les cas où une mauvaise gestion, et non une simple déroute électorale, a créé la dette. Plusieurs ministres, eux, ont insisté sur la protection du contribuable : laisser des « dettes orphelines » reviendrait à faire payer le public pour des fautes partisanes. En filigrane, c’est l’éternel équilibre entre pluralisme politique et responsabilité financière qui se joue.

Parallèlement, le même comité a examiné une autre initiative hautement sensible : une proposition susceptible de retarder des procédures pénales visant des responsables en fonction. Selon le secrétariat du gouvernement, le Premier ministre s’opposerait à ce que ce mécanisme s’applique à son propre procès, ce qui a conduit à temporiser. Là encore, le débat mêle principe de séparation des pouvoirs et stabilité institutionnelle, sur fond de calendrier judiciaire déjà très scruté.

Pour mesurer la portée de la « loi Bennett », il faut rappeler deux éléments de contexte. D’abord, la procédure : l’aval du Comité ministériel n’est qu’un premier jalon. Le texte devra franchir les lectures à la Knesset et le travail en commission — autant d’étapes où son périmètre peut évoluer. Ensuite, le cadre de financement : en Israël, l’essentiel des campagnes repose sur des allocations publiques strictement encadrées, supervisées et auditées. Toute modification des règles de fléchage des fonds a donc un effet immédiat sur la compétition électorale, en particulier pour des partis émergents ou recomposés.

Les effets concrets d’une telle loi dépendront de son écriture finale : durée pendant laquelle l’obligation s’appliquerait (plusieurs années après la dissolution de l’ancien parti), définition des « dettes issues d’irrégularités », modalités de contrôle et de recours. Mal calibrée, la règle pourrait devenir une arme dissuasive contre la recomposition politique ; bien ciblée, elle renforcerait la probité sans priver les électeurs d’alternatives.

Dans une démocratie sous forte pression sécuritaire et institutionnelle, l’exigence doit être double : assainir les pratiques financières et préserver un pluralisme réel. C’est dans cet esprit que cette réforme sera jugée.

Renforcer la responsabilité financière des partis, sans étouffer l’alternative politique, sert d’abord l’intérêt d’Israël : un système électoral plus intègre, des campagnes plus transparentes, une compétition plus loyale. En fixant des garde-fous clairs, l’État protège l’argent public, consolide ses institutions et garantit aux citoyens une offre politique sincère et responsable — conditions indispensables à la sécurité et à la résilience du pays.

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1 COMMENTAIRE

  1. J’aimerais voir de telles mesures prises dans toutes nos démocraties donneuses de leçons !
    Ce n’est jamais qu’une question de probité, d’honnêteté !

    Et pour ce qui est des « dettes issues d’irrégularités », j’estime que toutes les dettes devraient être apurées, même les « dettes régulières » car tous les fournisseurs ont le droit d’être payés !

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