Une souveraineté israélienne en Judée Samarie
La Knesset a franchi une étape politique à forte charge symbolique en approuvant en première lecture, par 25 voix contre 24, un projet de loi visant à appliquer la souveraineté israélienne aux zones de peuplement en Judée-Samarie. Le texte, porté par le député Avi Maoz (Noam) et intitulé « Application de la souveraineté israélienne en Judée et Samarie, 2025 », stipule que les lois, l’administration et le système judiciaire israéliens s’appliqueraient aux implantations. Il doit encore passer en commission des Affaires étrangères et de la Défense, puis revenir pour deux lectures supplémentaires avant une éventuelle adoption définitive.
Le vote s’est déroulé au terme d’un débat houleux, révélant un paysage politique fracturé jusque dans la coalition. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait tenté de repousser l’examen, sans succès. Dans l’hémicycle, le ministre de l’Éducation Yoav Kisch a salué un gouvernement « le plus favorable au mouvement de colonisation », tandis que l’opposition a dénoncé une initiative susceptible d’embraser la scène internationale. Dans le même temps, un texte distinct d’Avigdor Liberman visant à appliquer la souveraineté à la ville de Ma’ale Adumim a obtenu un feu vert plus confortable en lecture préliminaire (32 voix contre 9), signe qu’un consensus plus large existe autour de cette grande ville proche de Jérusalem.
La concomitance de ce vote avec la visite à Jérusalem du vice-président américain JD Vance donne à l’épisode une résonance diplomatique particulière. Washington s’efforce de maintenir une coordination stratégique étroite avec Israël tout en plaidant, dans le cadre plus large des efforts de stabilisation régionale, pour éviter des gestes unilatéraux susceptibles de compliquer la relance d’un horizon politique. La séquence intervient après l’adoption cet été d’une motion non contraignante soutenant l’idée d’étendre la souveraineté en Cisjordanie — une déclaration de principe qui, à l’époque, n’avait pas de portée juridique.
Sur le plan du droit interne israélien, le statut actuel de la Cisjordanie (à l’exception de Jérusalem-Est) demeure celui d’une « occupation belligérante temporaire », administrée par le commandant du commandement central de Tsahal. Depuis les accords d’Oslo, le territoire est réparti entre les zones A (contrôle civil et sécuritaire de l’Autorité palestinienne), B (contrôle civil palestinien et sécuritaire israélien) et C (contrôle civil et sécuritaire israélien), cette dernière abritant la majorité des quelque 500 000 résidents israéliens. C’est précisément dans ces zones C que le projet de loi entend harmoniser le cadre légal israélien, afin de réduire le chevauchement entre ordonnances militaires et droit civil.
La bataille juridique internationale n’en serait pas moins relancée. En juillet 2024, la Cour internationale de justice a rendu un avis consultatif considérant illégale la présence prolongée d’Israël dans les territoires occupés depuis 1967, enjoignant les États à ne pas reconnaître comme licite cette situation. Si cet avis n’est pas contraignant, il pèse lourd dans les argumentaires diplomatiques. Plusieurs capitales ont déjà exprimé leur préoccupation, à commencer par Abou Dhabi, qui a prévenu qu’une annexion formelle affaiblirait gravement l’esprit des accords d’Abraham et pourrait entraîner un réexamen du niveau des relations. Cette ligne rouge émiratie, réitérée ces dernières semaines, place les acteurs régionaux devant un choix difficile : préserver les acquis de la normalisation ou marquer une inflexion face à une évolution juridique controversée.
Pour les promoteurs du texte, l’enjeu est inverse : solder une « erreur historique » en fournissant un cadre cohérent et pérenne aux populations israéliennes installées de longue date, tout en clarifiant la chaîne d’autorité administrative et judiciaire. Ils font valoir que les citoyens n’ont pas été « transférés » par l’État et que le territoire n’était pas souverainement attribué avant 1967, plaidant pour une lecture différente du droit international humanitaire. Pour les opposants, au contraire, la mesure consacrerait une annexion de facto, éloignant toute perspective de compromis politique et exposant Israël à des frictions accrues avec ses partenaires.
Reste que le processus législatif est loin d’être achevé. Les prochaines discussions en commission testeront la solidité de la majorité au-delà du symbole, tandis que l’équation diplomatique — États-Unis, monde arabe modéré et partenaires européens — pèsera sur le tempo et la rédaction finale. Dans ce contexte, l’adoption parallèle du texte sur Ma’ale Adumim pourrait servir de ballon d’essai : si ce périmètre restreint passe les étapes suivantes, il créerait un précédent concret dont la portée dépasserait le seul tracé municipal.
Du point de vue israélien, l’extension de la souveraineté vise à apporter sécurité juridique et continuité administrative à des communautés déjà intégrées aux réseaux économiques et sécuritaires du pays. Poursuivre ce cap, en l’adossant à un dialogue stratégique avec les alliés et à des garanties de stabilité sur le terrain, peut renforcer la sécurité d’Israël et clarifier des zones de flou normatif sans renoncer à une négociation future sur le statut final. L’essentiel est que la souveraineté s’accompagne d’un ordre public robuste, de mécanismes de désescalade et d’une coordination internationale vigilante — au service, d’abord, de la sécurité d’Israël.
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