Une querelle d’aéroport secoue deux alliés

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Une querelle d’aéroport secoue deux alliés

Le ton est monté très vite entre Accra et Jérusalem. En l’espace de quelques jours, le Ghana et Israël se sont retrouvés au cœur d’un bras de fer diplomatique peu courant : expulsions réciproques de citoyens, déclarations publiques musclées, rappels à la dignité nationale – avant une tentative de désescalade.

Tout commence le 7 décembre, à l’aéroport Ben Gourion. Sept ressortissants ghanéens sont retenus par les autorités israéliennes. Parmi eux figurent quatre membres du personnel parlementaire venus participer à une conférence internationale sur la cybersécurité à Tel-Aviv, ainsi que trois voyageurs en route pour un pèlerinage chrétien. Les premiers ne sont libérés qu’après plus de cinq heures de tractations diplomatiques ; les trois autres sont renvoyés au Ghana par le vol suivant, sans qu’aucune justification convaincante ne soit fournie, selon Accra.

Dans un communiqué au ton inhabituellement dur, le ministère ghanéen des Affaires étrangères dénonce un traitement « inhumain, traumatisant et humiliant » et affirme que les voyageurs ont été « délibérément ciblés ». Le gouvernement rejette comme « totalement irrecevable » l’argument avancé par la partie israélienne, qui évoque un supposé manque de coopération de l’ambassade du Ghana à Tel-Aviv dans la gestion du dossier. Pour Accra, la mission diplomatique a agi dans le cadre du droit international et l’incident porte atteinte à plus de soixante ans de relations cordiales entre les deux pays.

La riposte ne se fait pas attendre. Le 10 décembre, trois Israéliens arrivés à Accra sont à leur tour expulsés du Ghana, non pas pour un motif individuel, mais au nom d’un principe de réciprocité. Le ministre des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Ablakwa, l’assume pleinement dans les médias locaux : si Israël expulse trois Ghanéens, le Ghana expulsera trois Israéliens ; si le chiffre montait à dix, vingt ou cinquante, la réponse serait strictement proportionnelle. Il s’agit, insiste-t-il, de défendre la dignité des citoyens ghanéens et de montrer que le pays ne se considère pas comme un partenaire de seconde zone.

Dans le même temps, Accra convoque le chargé d’affaires de l’ambassade d’Israël, l’ambassadeur étant à l’étranger, pour lui signifier officiellement sa protestation et exiger des garanties contre la répétition de tels incidents. Selon le ministre ghanéen, le diplomate israélien a reconnu que les voyageurs expulsés disposaient de visas valides et n’avaient pas enfreint les conditions de séjour. Israël présente des excuses pour la façon dont l’affaire a été gérée et appelle à une désescalade.

Ce face-à-face s’inscrit dans une histoire bilatérale faite de rapprochements et de ruptures. Le Ghana a été l’un des premiers pays d’Afrique subsaharienne à nouer des relations diplomatiques avec Israël après son indépendance en 1957. La coopération a été intense dans les années 1960, avant que le pays ne rompe ses liens à la suite de la guerre du Kippour en 1973, comme une grande partie du continent africain. Les relations ont été progressivement rétablies à partir de 1994, avec la réouverture des ambassades et le développement d’échanges dans l’agriculture, la sécurité, le tourisme religieux et la haute technologie.

C’est précisément cette relation redevenue étroite qui rend l’épisode actuel particulièrement sensible. Pour le Ghana, la question dépasse le cas de sept voyageurs : il s’agit de rappeler que ses ressortissants doivent être traités avec le même respect que ceux de tout autre pays allié. Pour Israël, l’affaire touche à un domaine ultrasensible – le contrôle aux frontières et la sécurité de Ben Gourion – dans un contexte de menaces terroristes et de tensions régionales. Chaque État cherche donc à défendre ses principes sans franchir le seuil de la rupture.

Jeudi, un communiqué ghanéen a finalement fait état d’un « règlement à l’amiable » et d’une volonté partagée de tourner la page. Les expulsions réciproques, si spectaculaires soient-elles, n’ont pas débouché sur une crise ouverte ni sur une suspension des relations diplomatiques. Mais cet épisode laissera des traces : il rappelle combien les questions de dignité nationale, de mobilité des personnes et de sécurité aux frontières peuvent transformer en tempête diplomatique ce qui, à l’origine, n’est qu’un incident d’aéroport.

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