Une tribune écrite par Daniel Gravier, Directeur Général de XTB France
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En France, seules 10 % des entreprises déclaraient en 2024 utiliser l’IA, contre plus de 40 % dans les secteurs les plus gourmands en données comme l’information et la communication. Ce décalage montre que nous n’en sommes encore qu’aux prémices. Mais le mouvement est irréversible. Pour les investisseurs comme pour les entreprises, ignorer l’IA, c’est se priver d’un avantage compétitif déterminant.
De la fraude bancaire à l’analyse prédictive
L’IA n’a pas fait irruption dans la finance du jour au lendemain. Depuis des décennies, des algorithmes pilotent des stratégies de trading automatisé. Mais l’essor de l’IA « nouvelle génération », post-GPT, a d’abord été visible ailleurs : dans la prévention de la fraude bancaire. Les systèmes d’IA analysent aujourd’hui des millions de transactions en temps réel pour identifier des comportements suspects, détecter des schémas inhabituels et contrer des tentatives de fraude.
Peu après, les banques ont utilisé l’IA pour personnaliser leurs services : recommandations de produits financiers adaptés à chaque profil, suivi automatisé de conformité, gestion proactive des risques. C’est seulement dans un second temps que l’IA a commencé à s’imposer dans l’investissement. Elle y prend la forme d’analyses prédictives, capables de croiser des données économiques, financières mais aussi alternatives – allant des flux logistiques au trafic maritime, en passant par les réseaux sociaux ou la météo – pour tenter d’anticiper des tendances de marché.
Une asymétrie qui se transforme
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’IA ne met pas tout le monde sur un pied d’égalité. D’un côté, les grands acteurs institutionnels bénéficient d’un accès privilégié à des données alternatives extrêmement coûteuses, qu’ils exploitent avec des capacités de calcul hors de portée du grand public. Dans le trading haute fréquence, la vitesse d’exécution reste un avantage décisif que les particuliers ne peuvent égaler.
De l’autre, l’IA a incontestablement amélioré l’expérience utilisateur des investisseurs individuels. Les plateformes mettent à leur disposition des outils autrefois réservés aux professionnels : allocation automatisée, backtests simplifiés, détection automatique de patterns de marché, alertes intelligentes ou encore recommandations personnalisées. Certains robo-advisors construisent même des portefeuilles entiers en fonction du profil de risque de l’utilisateur. Cette démocratisation réduit l’asymétrie brute d’accès à l’information, mais elle ne gomme pas l’écart de moyens et de puissance entre particuliers et institutionnels.
Un outil d’augmentation, pas de substitution
Il faut garder à l’esprit que l’IA ne peut pas, aujourd’hui, piloter seule un portefeuille. Les algorithmes de trading restent conçus et supervisés par des humains, précisément parce que l’IA peut « halluciner » ou se tromper sur des signaux critiques. Dans un univers où un ordre mal interprété peut se chiffrer en millions, la vigilance humaine reste incontournable.
L’IA doit donc être envisagée comme une boussole augmentée : elle éclaire, mais ne trace pas la route. Elle rend les investisseurs plus efficaces, mais pas nécessairement plus compétitifs face aux institutions. Celles-ci disposent de moyens colossaux et d’une avance structurelle qui, à court terme, paraît difficile à combler.
Vers une finance augmentée, mais toujours humaine
Depuis 2022, la principale évolution n’a pas été une rupture dans les stratégies d’investissement, mais une transformation de l’expérience utilisateur. L’IA rend la finance plus accessible, plus personnalisée et plus rapide. Chaque alerte générée par un algorithme, chaque synthèse automatisée d’un rapport financier, chaque simulation prédictive partagée à un particulier contribue à élargir le champ des possibles.
Mais l’incertitude demeure : crises politiques, chocs géopolitiques ou innovations radicales échappent encore aux modèles, aussi sophistiqués soient-ils. C’est pourquoi l’avenir de l’investissement ne repose pas sur une substitution, mais sur une alliance. La finance restera humaine, car elle traduit des choix, des émotions, des visions du futur. L’IA, elle, vient prolonger et renforcer ces décisions en donnant aux investisseurs une capacité inédite à naviguer dans la complexité du monde.
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