Un témoin se suicide et le scandale s’amplifie

Vues:

Date:

Un témoin se suicide et le scandale s’amplifie

Un témoin clé dans l’immense affaire de corruption qui secoue la Histadrout, principale centrale syndicale israélienne, s’est donné la mort dimanche. Selon les premières informations, cet inspecteur du bâtiment avait supervisé les travaux de construction de la résidence du président de la Histadrout, Arnon Bar-David, et de son épouse Hila. Il avait été entendu par l’unité anticorruption Lahav 433 comme témoin, sans être placé en garde à vue, ce qui renforce le choc suscité par son geste au sein des enquêteurs comme de l’opinion.

L’enquête, baptisée « Yad Lo’hetset Yad » – « Une main en serre une autre » – a éclaté publiquement il y a deux semaines, mais elle était préparée depuis près de deux ans par Lahav 433, parfois surnommée le « FBI israélien ». Les autorités décrivent l’affaire comme l’une des plus vastes enquêtes de corruption publique jamais menées en Israël. Plus de 260 personnes ont déjà été interrogées, et la liste pourrait atteindre environ 350 témoins et personnes entendues sous caution. Parmi eux, une trentaine de suspects, dont de hauts responsables syndicaux, des élus municipaux et des cadres d’organismes publics.

Au centre de ce système présumé se trouvent Arnon Bar-David, président de la Histadrout, et l’agent d’assurance Ezra Gabay, militant de longue date du Likoud. D’après les soupçons, Gabay aurait mis en place un vaste réseau d’échanges de faveurs : d’un côté, des espèces, des billets d’avion, des repas dans des restaurants de luxe et d’autres avantages accordés à Bar-David, à son épouse et à certains responsables ; de l’autre, l’obtention de contrats d’assurance couvrant des milliers d’employés au profit de son agence. Les familles des deux hommes sont également visées : l’épouse du dirigeant syndical et le fils de l’agent d’assurance ont été arrêtés, soupçonnés d’avoir pris part à ce mécanisme. Tous contestent fermement les allégations et insistent sur le caractère amical et ancien de leurs liens.

L’onde de choc dépasse largement les murs de la centrale syndicale. Les perquisitions ont visé non seulement le siège de la Histadrout, mais aussi des sociétés publiques et des collectivités locales à travers le pays : Israel Railways, El Al, le KKL-JNF, l’institut Wingate, ainsi que plusieurs municipalités comme Rishon LeZion, Ashdod, Kiryat Bialik, Harish, Rosh HaAyin ou Kiryat Gat. Au total, des dizaines de perquisitions coordonnées ont été menées à l’aube. Les enquêteurs évoquent treize sous-dossiers distincts, reliés entre eux par un même schéma présumé de pots-de-vin, de nominations arrangées et de détournements de fonds publics à hauteur de plusieurs millions de shekels.

L’affaire commence aussi à frôler la sphère gouvernementale. Des ministres du Likoud – notamment en charge des Affaires étrangères, de la Culture ou de la Justice – pourraient être convoqués à titre de témoins afin d’éclairer d’éventuels liens entre le réseau présumé et certains appareils ministériels. À ce stade, il n’est pas question de les considérer comme suspects, et la police insiste sur le caractère préliminaire et sensible de ces vérifications. Tous les protagonistes bénéficient de la présomption d’innocence tant qu’aucune condamnation n’a été prononcée.

La gravité de l’enquête tient aussi au rôle historique de la Histadrout dans la société israélienne. Fondée en 1920, elle a longtemps été l’un des piliers économiques et sociaux du pays, à la fois syndicat, employeur, acteur de la santé et conglomérat économique. Même si son pouvoir s’est réduit au fil des décennies, la centrale représente encore des centaines de milliers de salariés et reste un interlocuteur majeur dans la négociation des conventions collectives. Voir une institution de cette envergure au centre d’un dossier de corruption d’une telle ampleur alimente un sentiment de méfiance vis-à-vis des grandes organisations publiques.

Dans ce contexte déjà explosif, le suicide du témoin, qui n’était pas lui-même mis en cause, pose avec acuité la question de la pression psychologique exercée sur les acteurs d’affaires très médiatisées. Certains juristes s’inquiètent du climat de soupçon généralisé et de la violence des révélations publiques, qui peuvent briser des carrières et des vies avant même toute décision de justice. D’autres estiment au contraire que seule une enquête menée jusqu’au bout, sans égard au rang des personnes concernées, permettra de restaurer la confiance dans les institutions syndicales et publiques.

Pour l’instant, l’enquête se poursuit, la Histadrout affirme coopérer pleinement avec les autorités, et les tribunaux continuent d’examiner les demandes de prolongation de détention des principaux suspects. Entre exigence de transparence, protection des témoins et respect de la présomption d’innocence, l’affaire « Yad Lo’hetset Yad » met à l’épreuve l’équilibre délicat entre lutte anticorruption et stabilité des institutions qui structurent le monde du travail en Israël.

Jforum.fr

La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

La source de cet article se trouve sur ce site

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

PARTAGER:

spot_imgspot_img
spot_imgspot_img