Tsahal face à la pénurie
Prolongation du service dans Tsahal : entre nécessité opérationnelle et grogne des soldats
Face à une pénurie sans précédent de soldats, l’armée israélienne multiplie les mesures d’urgence. La plus récente concerne les unités d’élite Egoz, Maglan et Duvdevan, dont les membres se voient désormais proposer – parfois sous forte pression – une prolongation obligatoire de leur engagement permanent à un an. Cette décision, prise dans le contexte d’un conflit prolongé depuis le 7 octobre 2023, suscite un mélange d’incompréhension, de frustration et de résignation dans les rangs de ces combattants aguerris.
Une guerre longue, un effectif diminué
Les combats soutenus contre le Hamas, les tensions au nord avec le Hezbollah et la perspective d’un conflit plus large avec l’Iran ont fortement sollicité l’appareil militaire israélien. Plus de 10 000 soldats ont été tués ou blessés en un an, affaiblissant significativement les forces opérationnelles. Pour y faire face, Tsahal mise sur ses unités les plus formées et expérimentées : les forces spéciales. L’idée est simple : rentabiliser l’investissement humain et logistique en étendant leur période de service opérationnel.
Alors que la durée du service militaire obligatoire a déjà été portée à 36 mois pour les hommes, l’État-major entend désormais instituer une année supplémentaire de service permanent pour certains soldats d’élite. La mesure est censée permettre une meilleure utilisation des compétences acquises durant des mois d’entraînement intensif.
Un volontariat sous pression
Officiellement, cette prolongation est présentée comme une opportunité : celle de constituer des équipes permanentes performantes, prêtes à opérer dans des zones sensibles comme la frontière libanaise ou en Judée-Samarie. Pourtant, sur le terrain, les témoignages abondent sur une pression sociale forte pour faire signer les jeunes soldats, bien souvent avant même la fin de leur service obligatoire.
Des soldats de Maglan ont confié que la nouvelle a été perçue comme une obligation déguisée. « On nous met face au fait accompli, alors qu’on avait prévu de faire quatre mois supplémentaires, pas douze », confie l’un d’eux. Dans les escadrons, ceux qui hésitent sont parfois regardés de travers, renforçant un sentiment de malaise. « Ce n’est pas que nous ne voulons pas continuer à servir – beaucoup d’entre nous le feront dans la réserve –, mais on ne peut pas simplement nous imposer un nouveau contrat au milieu de notre service », poursuit-il.
Des missions d’élite pour des tâches ordinaires
Une autre source de tension concerne l’emploi de ces unités d’élite. Déployées dans le nord du pays, certaines d’entre elles, comme Maglan, se retrouvent à remplir des missions classiques de bataillon d’infanterie, bien en deçà de leur entraînement spécialisé. Le commandement tente de justifier ce choix en arguant d’un besoin de soulager les forces de réserve déjà largement mobilisées, et assure que ces unités participent aussi à des opérations ciblées de haute qualité.
Mais la critique est là : pourquoi mobiliser des soldats d’élite pour des patrouilles standards ? Certains y voient un gaspillage de compétences, une manière d’occuper les effectifs sans tenir compte de leur niveau de formation.
Un modèle inspiré des unités d’élite existantes
Le haut-commandement affirme vouloir s’inspirer des modèles éprouvés de Sayeret Matkal ou de Shayetet 13, en stabilisant les équipes à long terme grâce à des détachements permanents. Cela permettrait d’économiser des mois d’instruction et d’augmenter l’efficacité opérationnelle. L’objectif à terme est aussi d’étendre cette logique à d’autres branches comme les unités de reconnaissance, d’artillerie et du génie de combat, ainsi que de créer une nouvelle division de réserve pour renforcer la frontière orientale.
Des critiques politiques virulentes
Cette décision n’a pas tardé à susciter de vives réactions politiques. L’opposant Yair Lapid a dénoncé une « trahison » des soldats de Tsahal, fustigeant un gouvernement qui exige des sacrifices d’un côté tout en faisant passer des lois sur l’insoumission militaire. Yair Golan, autre figure de l’opposition, dénonce quant à lui une inégalité criante, soulignant que des milliers de jeunes en bonne santé ne servent pas et n’envisagent pas de le faire, tandis que d’autres se voient imposer un effort supplémentaire.
Entre efficacité et tensions internes
Malgré les critiques, l’état-major insiste : ce dispositif permettra de renforcer l’efficacité des unités, d’optimiser l’expérience acquise sur le terrain et d’offrir une réponse mieux adaptée aux besoins sécuritaires du pays. Si certains combattants ont accepté avec enthousiasme ce prolongement, d’autres restent perplexes. Les décisions prises aujourd’hui dans l’urgence pourraient durablement influer sur la cohésion des unités et le moral des troupes.
Reste à voir si l’armée israélienne saura équilibrer ses besoins stratégiques avec le respect des engagements de ses soldats, sans créer une fracture dans le contrat moral qui les lie à la nation.
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