Tsahal face au mur budgétaire ; 60 milliards de trop ?
En Israël, une confrontation inédite se joue entre deux piliers de l’État : le ministère des Finances et le ministère de la Défense. En toile de fond, les conséquences économiques de la guerre contre l’Iran et l’opération militaire baptisée « Les Chariots de Gédéon ». Le cœur du conflit : un écart colossal dans l’évaluation des dépenses militaires. Alors que la Défense chiffre les coûts à 60 milliards de shekels, les Finances estiment que la facture réelle n’atteint pas 30 milliards — un différentiel de moitié, révélateur de tensions profondes entre efficacité budgétaire et impératifs sécuritaires.
Des achats militaires jugés excessifs
Pour le Trésor israélien, l’armée aurait profité de la situation de guerre pour procéder à des achats tous azimuts, sans priorisation ni encadrement. Un responsable du ministère des Finances, cité par la chaîne News 12, résume ainsi la situation : « C’est comme un “Happy Friday” qui dure deux ans », dénonçant un « shopping illimité » orchestré par le ministère de la Défense au détriment de l’équilibre budgétaire national.
Parmi les exemples les plus frappants, l’achat de 800 véhicules tout-terrain pour 700 millions de shekels est pointé du doigt. Aucune analyse préalable n’aurait été menée pour justifier cette acquisition ni démontrer son urgence. Le Trésor craint que ce type de dépense, décidé sans validation politique formelle, rogne des budgets essentiels dans d’autres secteurs comme la santé, l’éducation ou les infrastructures.
Le recrutement massif des réservistes critiqué
Autre motif de désaccord : la gestion des réservistes. Le ministère des Finances accuse l’armée d’avoir mobilisé des dizaines de milliers de soldats de réserve sans réelle nécessité opérationnelle. Une source évoque des cas où les réservistes sont « rémunérés comme s’ils étaient en activité régulière », générant un coût élevé sans plus-value sécuritaire évidente.
Pour les Finances, ce déploiement massif aurait pu être évité par une meilleure planification et une analyse plus fine des besoins sur le terrain. Le gaspillage des jours de réserve est présenté comme l’un des postes de dépense les plus lourds du budget actuel de la Défense.
Réouverture du budget 2025 en vue
Face à ces tensions, le ministère des Finances annonce qu’une révision du budget de l’État pour l’année 2025 est inévitable. Une rallonge de 15 milliards de shekels est déjà évoquée, les ajustements complémentaires devant être étalés sur plusieurs années. Toutefois, le ministère reste optimiste sur l’impact budgétaire global, en raison de prévisions fiscales plus favorables que prévu.
Mais derrière cette projection optimiste se cache une inquiétude plus large. Les Finances craignent que les pratiques actuelles, si elles se poursuivent, ne conduisent à une crise comparable à celle qui a suivi la guerre du Kippour en 1973 — marquée par une « décennie économique perdue » et des coupes sévères dans les services publics.
Des échanges musclés entre hauts responsables
La gravité du conflit entre les deux ministères s’est matérialisée par des échanges écrits virulents entre leurs directeurs généraux. Le général de division (réserve) Amir Baram, chef du ministère de la Défense, a accusé les Finances de bloquer des achats stratégiques essentiels, notamment le remplacement de drones abattus en Iran et le lancement retardé d’un plan de défense de 100 millions de shekels.
Dans sa lettre adressée au ministre des Finances Bezalel Smotrich, Baram déplore le recul d’un usage établi depuis des années : accorder à la Défense une compensation post-conflit pour rétablir ses capacités opérationnelles. Selon lui, refuser cette compensation revient à fragiliser durablement les capacités de Tsahal.
Un débat de fond sur le rôle de l’armée
Au-delà de la querelle comptable, le ministère des Finances pose une question de fond : Israël est-il un État qui possède une armée, ou une armée qui possède un État ? Pour les responsables du Trésor, il est impératif de définir des règles budgétaires claires, même en période de guerre, afin de préserver l’équilibre économique du pays.
Si la sécurité nationale reste une priorité incontestable, la manière de la financer devient, elle, un sujet de débat de plus en plus vif au sein des institutions israéliennes. Et ce débat, aux allures de confrontation, pourrait bien façonner les orientations politiques et budgétaires des prochaines années.
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