Trump redéfinit les marges d’Israël

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Trump redéfinit les marges d’Israël

Au Moyen-Orient, les lignes rouges bougent à grande vitesse. En quelques jours, huit puissances musulmanes – Arabie saoudite, Égypte, Jordanie, Émirats arabes unis, Qatar, Turquie, Pakistan et Indonésie – ont affiché une position commune sur le dossier palestinien et, surtout, sur les projets israéliens à Gaza et en Cisjordanie. Cette « coalition des huit » dénonce l’idée d’ouvrir unilatéralement le passage de Rafah pour permettre aux habitants de Gaza de sortir vers l’Égypte, y voyant le risque d’un déplacement forcé et irréversible de population.

Ce front diplomatique est inédit : plusieurs de ces capitales étaient récemment encore concurrentes, voire rivales, et entretenaient des relations très différentes avec Israël. Désormais, elles parlent d’une seule voix pour exiger que Rafah reste un point de passage bidirectionnel, que les habitants de Gaza puissent circuler librement et que tout schéma politique respecte le principe d’un État palestinien viable. Leur message est aussi adressé à Washington : la nouvelle architecture régionale ne pourra pas faire l’économie d’un règlement politique.

Les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump revenu à la Maison-Blanche, ont saisi l’occasion pour reprendre la main. La menace de voir Israël avancer vers une annexion de fait de parties de la Cisjordanie – notamment en Judée-Samarie et autour de Maale Adoumim – a été stoppée net par un avertissement public : pas de souveraineté unilatérale sans mettre en péril le soutien américain. Le vice-président J.D. Vance a qualifié le vote à la Knesset de « manœuvre politique », signifiant que Washington ne laisserait pas ce geste symbolique se transformer en réalité juridique.

Sous cette pression, Benyamin Netanyahou a ordonné la suspension des initiatives législatives sur l’extension de souveraineté. L’épisode rappelle crûment que, pour Israël, la marge d’autonomie se réduit dès que la Maison-Blanche brandit la menace d’un désengagement diplomatique ou militaire. La relation privilégiée avec Washington reste vitale, mais elle s’inscrit désormais dans un jeu triangulaire où les grandes capitales sunnites ont acquis leur propre canal direct vers le Bureau ovale.

C’est précisément ce qui affaiblit l’un des principaux atouts stratégiques d’Israël depuis des décennies : servir de « relais » vers les États-Unis. Riyad, Abou Dhabi, Doha ou Ankara n’ont plus besoin de passer par Jérusalem pour influer sur la politique américaine. Le poids de ces partenaires dans la mise en œuvre du plan Trump pour Gaza – trêve, force internationale de stabilisation, reconstruction – donne à leurs positions un pouvoir de blocage réel. Le levier israélien se rétrécit au moment même où se dessinent d’ambitieuses perspectives de coopération régionale.

Au centre de ce tableau se trouve l’Indonésie, premier pays musulman du monde et 17e économie mondiale. Jakarta dispose d’atouts qui intéressent directement Israël : ressources massives de nickel pour les batteries, marché gigantesque pour les technologies agricoles et l’eau, potentiel dans l’intelligence artificielle et la cybersécurité. Sur le papier, un partenariat économique et technologique pourrait être mutuellement gagnant.

Mais la politique intérieure indonésienne ferme presque toutes les portes. L’opinion publique est profondément attachée à la cause palestinienne, et le pays ne reconnaît pas Israël. Ces dernières années, Jakarta a accepté de perdre des événements sportifs majeurs plutôt que de recevoir des athlètes israéliens, assumant un coût diplomatique et économique afin de rester aligné sur cette ligne rouge. Le gouvernement redoute qu’une normalisation, même limitée, soit perçue comme une trahison de la solidarité avec les Palestiniens.

La question d’un déploiement indonésien à Gaza illustre parfaitement ces contraintes. Jakarta annonce avoir préparé jusqu’à 20 000 militaires pour une éventuelle mission internationale, mais insiste sur un rôle essentiellement civil : santé, ingénierie, logistique. Dans les scénarios de travail, il n’est plus question d’une force de combat, seulement de quelques centaines ou milliers de personnels non armés, déployés sous mandat international strict et avec l’accord explicite des Palestiniens. L’Indonésie veut contribuer à la stabilisation de Gaza sans être vue comme un maillon d’un dispositif sécuritaire favorable à Israël.

De l’Arabie saoudite à l’Indonésie, le message convergent est clair : sans signal politique tangible en faveur d’un règlement de la question palestinienne, il n’y aura ni normalisation spectaculaire ni « saut quantique » économique pour Israël. Le pays doit arbitrer entre la poursuite d’une stratégie de contrôle territorial et la volonté de saisir une fenêtre dorée de coopération régionale. En face, les dirigeants arabes et musulmans devront prouver que leur nouvelle unité sert aussi la stabilité et la prospérité, et pas seulement la rhétorique de fermeté.

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