Les absents n’ont pas toujours tort, surtout quand il s’agit de diffuser du sport à la télé. La cote de popularité de Canal + auprès des fans de football n’a par exemple jamais été aussi grande qu’au climax de la crise DAZN/LFP l’année dernière. De la même manière, RMC Sport brille par son absence dans le cœur des puristes du tennis de table depuis le début des championnats d’Europe 2025 de ping diffusés par… La chaine L’Équipe (12-19 octobre).
Un phénomène qui s’explique autant par le vent frais soufflé par RMC dans sa couverture des compétitions du circuit international (WTT) sur sa chaîne Twitch que par le traitement des premiers jours de championnats d’Europe chez son concurrent, visiblement pas au goût des exigences de certains suiveurs passionnés. Ces derniers regrettent – liste non exhaustive – la longueur des pages de pubs engendrant par moments une diffusion en faux direct, quelques approximations dans le commentaire et une programmation étonnante : le premier match de l’équipe de France féminine est passé à la trappe.
Appels au boycott sur X
Des messages parfois virulents sur les réseaux de la part de membres d’une communauté à l’image pourtant bienveillante, qui se découvre agressive. « Un gars m’a mentionné en parlant de boycott de la chaîne, témoigne Ruben, suivi par près de 5.000 personnes sur sa chaîne YouTube »Parlons Ping ». Bon, je lui ai dit de se calmer, boycott est un bien grand mot. » Le sosie officieux de Bradley Wiggins a le recul des galériens de la première heure, ceux qui devaient se connecter sur un obscur site autrichien pour suivre les tournois. « Parfois on n’avait même pas les lives, seulement les scores en direct. Mais il y avait tout le circuit international, et tout le monde regardait le ping là-dessus. »
C’est en vertu de ce passé que le directeur de la rédaction de la chaine L’Équipe, Marc Las, réclame un peu d’indulgence. « Nous acceptons ces critiques, elles nous permettront d’avancer et nous améliorer. Mais je les trouve parfois aussi un peu dures. Car si on prend un tout peu de recul, diffuser les championnats d’Europe de tennis de table gratuitement, sachant que ce n’est pas un sport qui a été beaucoup vu à la télé en clair depuis 30 ans… On pourrait aussi se dire qu’on est au début de la relance de ce sport en clair. »
Les fans de tennis de table saoulés par la pub
La clémence de Ruben s’arrête là où commence l’un des écueils majeurs de ces débuts de championnats d’Europe à ses yeux. « On nous avait annoncé que la chaîne avait tous les droits de la compétition, sauf qu’au moment où l’équipe de France féminine jouait son premier match contre les Pays-Bas, on découvre qu’il n’y avait pas de retransmission. Une publication de la fédération tombe finalement et annonce que le match est regardable sur le site de l’ETTU (la fédération européenne). On était forcément déçus. »
Mathis, aux manettes du compte X (Twitter) « Cho Allez » tient quant à lui sa colère du combo pages de pub + léger différé. Son message de mécontentement a été retweeté par Simon Gauzy et ce n’est pas un hasard : le n°3 français a vu au moins deux de ses matchs sabrés sur l’autel du capital. « Quand tu vois le match de Simon Gauzy qui est coupé par une pub et qu’on ne peut même pas voir la belle contre un Espagnol… Il a eu le temps de la perdre avant la fin de la pub. C’est à ce moment qu’ils sont passés en différé. Moi en tant que petit média, j’essaye d’informer au plus vite les gens qui me lisent des résultats. Et finalement, je me rends compte que le match est loin d’être fini de leur côté. Donc l’engouement est mort. » Rebelote en 8e de finale contre la Slovaquie : la retransmission de la troisième manche de Gauzy a repris alors que neuf points avaient déjà été joués, avec un faux retour au direct, ni vu ni connu.
Le choix peut sembler cruel mais répond à une logique, comme l’expose Marc Las. « D’abord, nous sommes soumis à des lois Arcom : on ne doit pas dépasser les 12 minutes de pub par heure glissante. » Autrement dit, l’idée répandue selon laquelle il suffirait de compenser ailleurs ce que l’on rognerait sur les affiches de l’équipe de France est impossible. « De plus, quand vous ne savez pas combien de temps va durer un match, quand vous ne savez pas combien de temps va durer un set, qu’il y a des scénarios à rebondissement, il faut bien trouver des solutions Et les solutions que l’on a trouvées dans ce genre de situations, c’est d’être en très léger différé. Mais notre choix numéro un, ce n’est pas d’être en différé. »
Le ping, plus Twitch-compatible que TV-compatible ?
Lassés, certains fans ont lâché la chaine L’Équipe et cédé aux sirènes des VPN pour briser la barrière de la géolocalisation sur le site de l’ETTU et y suivre l’intégralité des rencontres – contre quelques miettes chez le diffuseur officiel. S’agit-il au fond d’un caprice de puriste sur des détails invisibles à l’œil nu pour le grand public ? Mathis en doute, bien qu’il reconnaisse l’utilité d’une diffusion plus large. « En soi, c’est évidemment une bonne chose que ce soit diffusé sur la chaine L’Équipe. Mais je ne pense pas que les gens qui vont découvrir le tennis de table cette année via cette compétition, avec les matchs qu’on a eus et la façon dont c’est diffusé, vont vraiment accrocher. »
Sans remettre en cause la pertinence de ces observations, on peut se demander si elles ne sont pas dirigées contre le mauvais coupable : le format des rencontres n’est-il tout simplement pas incompatible avec un modèle de diffusion TV en clair ? Qualité éditoriale mise à part, la réussite d’RMC Sport sur Twitch ne tient-elle pas justement à cette possibilité d’une diffusion continue que ne peut se permettre son concurrent et qui lui permet non seulement de ne rien rater, mais également de pouvoir vivre au plus près la relation coach-joueur ? « On aura des discussions après avec eux [les organisateurs des compétitions], en leur demandant si les coupures peuvent être un peu plus longues entre les matchs, annonce le directeur de la rédaction de la chaîne L’Équipe. Aujourd’hui, elles ne font que trois à quatre minutes, ce n’est pas assez pour pouvoir placer une publicité. Il y a des sports qui ont changé leur format ou leur façon de faire par rapport à ça. » Le ping suivra-t-il le mouvement ?
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