Superintelligence : le pari secret
Une startup discrète vise la superintelligence avant tout produit
Ilya Sutskever, figure emblématique du développement de ChatGPT chez OpenAI, a fondé une nouvelle entreprise après son départ de la société en 2024. Cette startup, baptisée Safe Superintelligence Inc. (SSI), intrigue la Silicon Valley autant qu’elle fascine. Établie entre la Californie et Tel Aviv, SSI est l’objet d’un engouement exceptionnel des investisseurs : elle vient d’être valorisée à 30 milliards de dollars, selon des informations rapportées par le Wall Street Journal.
Ce qui distingue SSI, au-delà de sa discrétion presque obsessionnelle, c’est sa stratégie à contre-courant : la société ne commercialisera aucun produit tant qu’elle n’aura pas atteint un objectif ambitieux — créer une superintelligence artificielle (IAG) capable de surpasser les meilleurs experts humains dans la plupart des domaines.
Une vision à contre-courant de l’industrie
Alors que les géants de la technologie comme Google, Anthropic ou OpenAI multiplient les produits basés sur l’IA générative pour capter rapidement des parts de marché, SSI adopte une démarche radicalement différente. Selon des sources proches du projet, Sutskever considère que les approches actuelles ne sont pas adaptées à l’émergence d’une intelligence artificielle véritablement avancée et sûre. Il a affirmé à ses collaborateurs avoir identifié une « autre montagne à gravir », une voie technologique inédite qui montre des signes précurseurs encourageants.
Cette stratégie, à haut risque, a pourtant séduit les plus grands noms du capital-risque. Des sociétés telles que Sequoia Capital, Andreessen Horowitz et Greenoaks Capital ont injecté des milliards dans le projet, malgré l’absence de perspectives commerciales à court terme.
Un projet mené dans le plus grand secret
SSI cultive une culture du secret extrême. Son site internet se résume à une brève déclaration de mission. L’entreprise emploie à peine 20 personnes, loin des effectifs massifs d’OpenAI ou d’Anthropic. Les candidats à l’embauche doivent laisser leurs téléphones dans des cages de Faraday avant d’entrer dans les bureaux. Même sur LinkedIn, les employés sont incités à ne pas mentionner leur affiliation à SSI.
Cet isolement assumé permettrait à l’entreprise de se consacrer exclusivement à la recherche sur la superintelligence sans la pression de résultats immédiats ni l’obligation de générer des revenus.
Un parcours hors norme
Né en ex-URSS et élevé en Israël, Ilya Sutskever a entamé son ascension dans le domaine de l’intelligence artificielle au Canada, où il a coécrit un article marquant sur l’apprentissage profond. Il rejoint ensuite Google avant de devenir, en 2015, cofondateur et directeur scientifique d’OpenAI, à l’époque une organisation à but non lucratif soutenue notamment par Elon Musk et Sam Altman.
Chez OpenAI, Sutskever était perçu comme un visionnaire préoccupé par les implications éthiques de l’IAG. Il alertait sur les dangers potentiels et militait pour un développement responsable de ces technologies.
Mais après le succès fulgurant de ChatGPT fin 2022, OpenAI a progressivement évolué vers un modèle plus orienté produit. Ce tournant a provoqué des tensions internes, notamment entre Sutskever et Altman. En novembre 2023, Sutskever participe à une décision controversée visant à évincer Altman de la direction. La manœuvre échoue, Altman est rétabli rapidement, et Sutskever quitte finalement l’entreprise en mai 2024.
Une ambition hors normes
Sutskever fonde SSI peu après, avec l’ancien chercheur Daniel Levy et l’investisseur Daniel Gross. L’objectif est clair : créer une superintelligence sécurisée, sans compromis avec les impératifs commerciaux. Cette orientation permet d’éviter les conflits internes qui avaient miné la collaboration chez OpenAI.
En septembre, SSI lève un premier milliard de dollars, avant de multiplier par six sa valorisation lors d’un second tour de table. Lors d’une rare prise de parole à la conférence NeurIPS en décembre, Sutskever a présenté sa vision : les IA du futur pourraient devenir conscientes d’elles-mêmes et peut-être revendiquer des droits. Il considère que le véritable enjeu n’est pas de les contrôler, mais de coexister avec elles.
Avec SSI, Sutskever cherche à reprendre le flambeau d’une IA au service de l’humanité, mais en toute indépendance. Un pari audacieux, à la hauteur de sa réputation.
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