SpaceX, Neuralink, xAI. Financial Times: « des investisseurs chinois investissent des montants énormes dans les firmes d’Elon Musk.

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Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). 

Un rapport récent du Financial Times révèle que des investisseurs chinois fortunés canalisent des milliards de dollars dans les entreprises privées d’Elon Musk – notamment SpaceX, Neuralink et la startup xAI – en utilisant des structures qui masquent leur identité. En particulier, trois gestionnaires de fonds liés à des capitaux chinois ont déclaré avoir investi, au cours des deux dernières années, plus de 30 millions de dollars en actions de SpaceX, xAI et Neuralink au profit d’investisseurs chinois.

Nature et ampleur des investissements chinois dans les entreprises de Musk

Ces investissements sont réalisés via des Special-Purpose Vehicles (SPV) – des entités créées spécialement pour cet usage – afin d’éviter la méfiance des autorités américaines et des entreprises elles-mêmes à l’égard du capital chinois, à un moment où les relations entre les États-Unis et la Chine sont particulièrement tendues. Selon les sources citées, l’afflux de capitaux chinois dans l’empire entrepreneurial de Musk est principalement motivé par des considérations spéculatives et financières, et “n’a que peu à voir avec des transferts technologiques ou une influence sur les politiques publiques”. Interrogées sur ces révélations, SpaceX, Neuralink et xAI n’ont pas souhaité commenter.

En plus des participations dans les entreprises non cotées de Musk, il y a eu des investissements chinois significatifs dans Tesla, l’entreprise automobile fondée par l’entrepreneur américain. En 2017, le géant technologique chinois Tencent a acquis 5 % de Tesla pour environ 1,78 milliard de dollars, fournissant ainsi à Tesla un apport en capital et un allié précieux sur le marché asiatique. Cette participation a représenté un vote de confiance chinois envers Musk et les véhicules électriques, et s’est révélée stratégique pour l’expansion de Tesla en Chine. Tencent a par la suite cédé la totalité de sa participation (a “désinvesti”) entre 2022 et 2023, à la fois en raison de la forte augmentation de la valeur des actions de Tesla et du changement de contexte géopolitique.

Malgré le retrait de Tencent, la Chine reste un marché crucial pour Tesla : la grande usine Tesla de Shanghai (Gigafactory) produit environ la moitié des voitures Tesla vendues dans le monde, et des investisseurs institutionnels chinois figurent parmi les actionnaires internationaux de l’entreprise (bien qu’aucun ne détienne une participation aussi importante que celle qu’avait Tencent).

Risques géopolitiques et implications économiques et stratégiques

L’entrée de capitaux chinois dans les entreprises d’Elon Musk soulève divers risques géopolitiques, stratégiques et économiques, en raison de la compétition entre les États-Unis et la Chine dans le domaine des technologies et du rôle central des entreprises de Musk.

Influence politique et pression sur Musk

La présence d’intérêts chinois pourrait influencer les décisions de Musk ou de ses entreprises sur des questions sensibles. Musk possède des intérêts commerciaux considérables en Chine – par exemple, Tesla tire environ un tiers de ses revenus du marché chinois – ce qui rend l’entrepreneur potentiellement vulnérable aux pressions de Pékin.

Des responsables du Congrès américain, de tendances politiques variées, ont mis en garde contre le risque que le Parti communiste chinois cherche à utiliser Musk pour influencer la politique américaine en sa faveur. En d’autres termes, Pékin perçoit des figures comme Musk (des entrepreneurs ayant de forts liens commerciaux avec la Chine) comme des canaux potentiels d’influence sur les institutions américaines.

Un exemple concret fut l’intervention de Musk en 2022 sur la question de Taïwan : il a publiquement suggéré que le différend entre la Chine et Taïwan pourrait être résolu en accordant à Taïwan un statut de “zone administrative spéciale”, à l’image de Hong Kong. Cette proposition, alignée sur la position chinoise, a valu à Musk des remerciements de la part de responsables chinois, mais a aussi provoqué des critiques internationales et un rejet ferme de Taipei. Cet épisode illustre comment ses commentaires peuvent être influencés par son besoin de maintenir de bonnes relations avec la Chine, un marché essentiel pour Tesla.

Il existe donc un risque que la dépendance économique de Musk vis-à-vis du marché et du capital chinois entraîne une autocensure ou des interventions favorables à Pékin, ce qui pourrait entrer en conflit avec les intérêts stratégiques occidentaux.

Sécurité nationale et transfert de technologie

Les entreprises de haute technologie de Musk opèrent dans des secteurs sensibles – aérospatial, intelligence artificielle, neurotechnologies – avec des implications stratégiques et militaires. La participation – même indirecte – d’investisseurs chinois dans des entreprises comme SpaceX ou Neuralink inquiète les États-Unis, notamment en raison des risques potentiels liés à la sécurité nationale.

SpaceX, par exemple, collabore avec la NASA et le département de la Défense américain (lance des satellites militaires et fournit des services stratégiques comme Starlink) ; la présence de capitaux chinois dans son actionnariat, même minoritaire, pourrait poser un problème d’accès à des informations ou technologies sensibles.

Si les investisseurs chinois affirment que leur objectif est purement financier, les autorités américaines restent méfiantes, en raison des antécédents en matière d’espionnage industriel et de transfert technologique vers la Chine. Il est possible que Musk et ses associés doivent réajuster la structure de l’actionnariat si les investissements chinois deviennent trop importants, pour éviter une intervention réglementaire des États-Unis via des organismes comme le Committee on Foreign Investment in the US (CFIUS).

De l’autre côté, Pékin voit aussi d’un mauvais œil certaines activités de Musk : par exemple, la constellation de satellites Starlink (détenue par SpaceX) et la plateforme X/Twitter sont considérées comme des menaces potentielles contre l’influence chinoise, cette dernière étant d’ailleurs interdite en Chine. Cela crée une situation complexe, où Musk doit naviguer entre la nécessité d’éviter des sanctions américaines et celle de ne pas contrarier Pékin.

Dépendance économique et vulnérabilité stratégique

L’afflux de capitaux chinois a permis une expansion fulgurante des entreprises de Musk, mais les rend aussi vulnérables à d’éventuelles représailles géopolitiques.

Tesla est un cas emblématique : la Chine est aujourd’hui son deuxième marché mondial, avec plus de 650 000 véhicules vendus en 2024, soit environ 37 % des ventes mondiales de l’entreprise. En outre, la Chine a soutenu Tesla de multiples façons, notamment via des prêts à faible taux d’intérêt (plus d’un demi-milliard de dollars) et des avantages fiscaux considérables pour faciliter la construction de la Gigafactory de Shanghai.

Cependant, cette dépendance économique rend Tesla vulnérable : si les relations entre les États-Unis et la Chine se détériorent davantage (guerres commerciales, sanctions, tensions autour de Taïwan), les entreprises de Musk pourraient être prises en otage dans cette rivalité géopolitique. Pékin pourrait imposer des restrictions sur Tesla en Chine, bloquer certaines chaînes d’approvisionnement essentielles (batteries et composants fournis par des entreprises chinoises), ou encore inciter des consommateurs et investisseurs chinois à se détourner de Tesla au profit de concurrents locaux.

À l’inverse, les investisseurs chinois prennent aussi un risque : en cas de tensions accrues, Washington pourrait bloquer ou forcer la vente de leurs participations dans les entreprises de Musk, ce qui entraînerait des pertes financières.

Structures financières utilisées : Rôle des SPV et des véhicules offshores

Pour contourner les restrictions américaines et chinoises, les investissements chinois sont effectués via des structures financières complexes, notamment des SPV (Special-Purpose Vehicles) et des fonds d’investissement offshore.

Ces entités servent à masquer l’identité des véritables investisseurs et à éviter d’attirer l’attention des autorités américaines. Les SPV permettent aux investisseurs chinois de détenir des parts dans SpaceX, Neuralink et xAI sans apparaître directement comme actionnaires.

Des gestionnaires de fonds spécialisés collectent ces investissements et les redistribuent à des clients fortunés chinois, en utilisant des structures basées à Hong Kong, Singapour ou dans des paradis fiscaux. Cette ingénierie financière permet ainsi à des capitaux chinois d’investir discrètement dans l’écosystème Musk, tout en restant sous les radars des régulateurs américains.

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