Sdé Teiman : la fuite révèle une méthode !

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La procureure militaire en chef (MAG), Yifat Tomer-Yerushalmi, a démissionné après avoir reconnu avoir autorisé la diffusion aux médias d’une vidéo tournée à Sdé Teiman montrant des violences sur un détenu ; elle doit être entendue sous caution dans l’enquête pénale.

L’avocate générale de l’État, Gali Baharav-Miara, a ordonné une enquête criminelle confiée à la police et au parquet de l’État (et non à l’armée), après réception d’éléments nouveaux identifiant l’origine de la fuite de ces informations, via d’une vidéo.

Dans des réponses antérieures transmises à la Cour suprême, l’appareil juridique avait indiqué n’avoir aucune indication sur la source de la fuite, après une vérification interne menée au sein du parquet militaire — un point aujourd’hui contesté à la lumière des aveux de cette personne.

Cinq réservistes ont été inculpés en février 2025 pour violences graves ; l’accusation de viol initialement évoquée n’a pas été retenue dans l’acte d’inculpation. ()
Le président de la Knesset, Amir Ohana, a dénoncé une « méthode » — « la prosecution dans la prosecution » — pointant un système de protection interne.

Sdé Teiman : au-delà de la fuite, la mise à nu d’un système qui se protège lui-même

La crise dite de Sdé Teiman n’est plus seulement un dossier disciplinaire ou pénal : c’est un miroir tendu à l’appareil judiciaire militaire et, par ricochet, à la confiance du public. En reconnaissant avoir autorisé la transmission d’une vidéo sensible à la presse, la procureure militaire en chef, Yifat Tomer-Yerushalmi, a provoqué un électrochoc. Mais c’est surtout l’architecture institutionnelle autour d’elle — procédures internes, canaux d’information, réponses officielles — qui se retrouve sur la sellette.

Le cœur de l’affaire tient en trois temps. Premier temps : la fuite. La diffusion d’images tournées à Sdé Teiman, montrant de graves sévices infligés à un détenu palestinien, enclenche scandale public et enquêtes. Deuxième temps : l’autocontrôle. Une vérification est d’abord menée au sein du parquet militaire lui-même, laquelle conclut qu’il est impossible de déterminer l’origine de la fuite. Cette position est relayée jusqu’à la Cour suprême. Troisième temps : le démenti des faits. De nouveaux éléments, puis les aveux de la MAG, contredisent cette version. Le récit change : ce n’est plus l’énigme d’une fuite indétectable, mais l’aveu d’une autorisation donnée au nom d’un impératif de « transparence ».


C’est ici que se cristallise le point central : l’existence d’un système de protection interne, où les plus hauts responsables disposent des outils pour s’auto-couvrir — ou, du moins, donner cette impression. Lorsque l’organe qui poursuit enquête sur une fuite provenant potentiellement de ses propres rangs, la tentation du « parquet dans le parquet » s’impose comme critique politique, et devient un problème démocratique. Car la justice ne s’apprécie pas seulement aux sanctions qu’elle prononce, mais à la distance qu’elle met entre l’enquêteur, le décideur et le communicant.

Sur le terrain pénal, une clarification importante a cependant été opérée. À l’issue des investigations, cinq réservistes ont été renvoyés pour violences graves ; les qualifications de viol initialement agitées n’ont pas été retenues au stade de l’acte d’inculpation. Il ne s’agit pas d’édulcorer la gravité des faits — blessures lourdes, humiliations, manquements à l’éthique militaire —, mais d’illustrer un principe fondamental : on juge sur pièces. En ce sens, l’État de droit résiste mieux que la rumeur.

Institutionnellement, l’enjeu est désormais de refermer la brèche de confiance. La décision de confier l’enquête à la police nationale, sous l’égide du parquet civil, va dans le bon sens : elle retire au parquet militaire la position délicate de juge et partie. Mais il faudra aller plus loin : audit indépendant des accès aux preuves sensibles ; traçabilité renforcée ; séparation organique stricte entre les fonctions d’enquête, d’accusation et de communication ; règles claires de recours aux médias quand l’intérêt public l’exige, afin d’éviter qu’une « pédagogie » mal encadrée ne devienne un outil d’influence.


Politiquement, le dossier réveille des fractures anciennes. Les uns dénoncent une campagne destinée à calomnier les soldats ; les autres y voient la preuve qu’une partie de l’appareil judiciaire s’autorégule mal. Le rôle des responsables publics est alors d’imposer une ligne d’équilibre : protéger l’honneur des combattants qui se conforment à la loi, sanctionner les abus avérés, isoler les manquements sans les généraliser à toute l’institution. C’est ce cap, et lui seul, qui permet à la fois la cohésion interne et la crédibilité externe.

Il en va aussi de la guerre de l’image. Dans un conflit asymétrique, chaque vidéo devient projectile. Pour un État démocratique, l’éthique opérationnelle n’est pas un luxe : c’est un atout stratégique. Elle protège la majorité des soldats contre le soupçon globalisant, renforce la résilience nationale et consolide la position d’Israël quand il plaide, à juste titre, la légitime défense face au terrorisme.

En exposant ses failles et en les corrigeant, Israël réaffirme ce qui fonde sa force : une sécurité adossée à la loi. Briser la « méthode » de l’entre-soi judiciaire, confier les enquêtes sensibles à des instances extérieures, juger vite et justement — voilà la voie la plus exigeante, mais aussi la plus israélienne : ferme, lucide et fidèle à l’État de droit.

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