Le « Père Noël » serait apparemment en Arctique, et se dit dans « un bon état d’esprit ». Après plus de vingt jours de disparition qui ont inquiété ses proches et les pays occidentaux, l’opposant russe Alexeï Navalny a finalement donné signe de vie ce lundi 25 décembre. Ses proches ont annoncé avoir retrouvé sa trace dans la colonie pénitentiaire de Kharp, dans la région de Iamalo-Nénétsie, située au-delà du cercle polaire arctique.
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Si Navalny a préféré ironiser sur les réseaux sociaux sur sa nouvelle « barbe » qui a poussé pendant son long trajet et ses nouveaux habits d’hiver un peu plus adaptés aux températures polaires, son nouveau quotidien dans cet établissement pénitentiaire n’aura rien d’un téléfilm de Noël. Surnommée le « Loup polaire », la prison de Kharp n’est rien d’autre qu’un établissement héritier du Goulag soviétique. Elle a été fondée en 1961 sur les vestiges du 501e camp de travail forcé de l’époque stalinienne, le chemin de fer Salekhard-Igarka. Aussi surnommée la « route de la mort », elle avait vu plusieurs milliers de prisonniers russes périr dans la construction d’une voie ferrée visant à désenclaver l’est de l’URSS, finalement jamais achevée.
Jusqu’à -30 degrés en hiver
Si les détenus travaillent désormais au tannage et à la couture de peaux de rennes utilisées par les populations autochtones locales, les conditions d’emprisonnement ont gardé la réputation d’être parmi les plus difficiles en Russie. Située à 1900 kilomètres au nord de Moscou, le froid est notamment particulièrement violent, avec des hivers où les températures peuvent approcher les -30 degrés.
Plusieurs anciens détenus cités par le journal indépendant russe The Moscow Times racontent des conditions très rustres malgré le froid polaire, avec des vêtements usés et inadaptés, des besoins vitaux loin d’être assurés ainsi que des violences physiques et psychologiques fréquentes contre les prisonniers. Même les autorités judiciaires russes, dont le degré d’indépendance ne fait plus trop de doute aux yeux du monde entier, ont plusieurs fois critiqué les manquements sanitaires de cette prison. Le procureur de la région, quant à lui, a pointé deux fois depuis l’année dernière le non-respect du « Loup polaire » avec la législation sur la protection du travail, sur la sécurité incendie et les normes sanitaires.
Condamné à 19 ans de prison
Navalny va donc désormais découvrir « IK-3 » à Kharp, du nom de la troisième colonie pénitentiaire russe. Car depuis son arrestation en janvier 2021 et sa condamnation à 19 ans de prison pour « extrémisme », Navalny doit purger sa peine dans des prisons à « régime spécial », la catégorie d’établissements où les conditions de détention sont les plus rudes et qui sont d’ordinaire réservés aux condamnés à perpétuité et aux détenus les plus dangereux.
Il était auparavant détenu dans la prison de Vladimir, à 250 kilomètres à l’est de Moscou. Avant de disparaître début décembre, ce qui signifiait donc son probable transfert vers un autre établissement. Avec une particularité en Russie pour de tels voyages : ceux-ci se font en train et prennent souvent des semaines, en plusieurs étapes afin de brouiller les pistes, les proches des détenus restant sans nouvelles pendant cette période.
« Quoi qu’il en soit, ne vous inquiétez pas pour moi »
De quoi rendre particulièrement inquiets ses proches, qui n’ont pas été particulièrement rassurés de découvrir son nouveau lieu de détention. « Cette prison sera bien pire que la précédente. Ils essaient de lui rendre la vie aussi insupportable que possible », a déclaré à Reuters la porte-parole de Navalny Kira Yarmysh. L’un de ses proches collaborateurs, Ivan Jdanov, a quant à lui accusé les autorités russes de vouloir l' »isoler » à l’approche de l’élection présidentielle. Selon lui, Alexeï Navalny est détenu dans « l’une des colonies les plus septentrionales et les plus éloignées » de Russie, où les conditions sont « difficiles ».
Les pays occidentaux se sont également inquiétés. « Le secret gardé pendant près de dix jours par la Russie sur la situation d’Alexeï Navalny et son transfèrement vers un lieu de détention particulièrement isolé, pour le couper encore davantage de ses proches alors que son état de santé s’est gravement détérioré depuis son incarcération, constituent de nouveaux développements inacceptables et des violations patentes des droits de l’homme », a réagi en France une porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « Nous nous réjouissons des informations selon lesquelles M. Navalny a été localisé », a déclaré un porte-parole de la diplomatie américaine. « Cependant, nous restons profondément inquiets du sort de M. Navalny et de ses conditions de détention injustes », a-t-il indiqué dans un communiqué.
Mais comme toujours, Navalny a préféré ironiser et rassurer sur sa situation, comme s’il ne voulait pas laisser le plaisir au Kremlin d’exprimer sa très probable usure et souffrance. « Quoi qu’il en soit, ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais bien. Je suis soulagé d’être enfin arrivé », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux. Les raisons d’être inquiets sont pourtant nombreuses, à quatre mois de l’inéluctable réélection de Vladimir Poutine à la tête de la Russie. Avec une opposition matraquée comme jamais.
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