« Recommence-moi » : « Mes impudeurs ont su percer quelques impudiques », se réjouit Santa

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EDIT 9 septembre 2024 : Santa a fait sensation avec sa reprise de Vivre pour le meilleur de Johnny Hallyday lors de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Paris. A cette occasion, nous vous proposons de (re)découvrir cet entretien réalisé ce printemps.

Recommence-moi, le premier album studio solo de Santa, la chanteuse du groupe Hyphen Hyphen, est sorti le 24 mai. Il est entré directement à la troisième place des meilleures ventes. Quand 20 Minutes la rencontre mercredi en terrasse près des Buttes Chaumont (Paris 19e) où elle a ses habitudes, l’artiste dessine un grand sourire sur son visage, esquisse un geste de satisfaction et se dit « hypercontente ». Il faut dire que ce disque a failli ne pas exister. Santa l’avait conditionné au succès de la chanson Popcorn salé et celui-ci s’est fait attendre. Un vrai carton diesel : paru en mars 2022, le morceau est devenu un tube au fil des mois. Aujourd’hui, il est certifié disque de diamant. Sans doute faudrait-il laisser le temps à une chanson de trouver son public. Santa confie se battre contre « le caractère immédiat et éphémère » qui prévaut à notre époque. « J’essaie d’écrire des chansons pérennes. Si elles ne sont pas ancrées dans une mode, elles sont moins susceptibles d’être démodées », glisse-t-elle.

Quel a été le déclic qui vous a poussée à concevoir un album de variété française alors que le public vous connaît avec Hyphen Hyphen dans un registre pop anglophone ?

C’est une question que l’on me pose tout le temps et à laquelle je ne sais pas répondre. Cela devait être en moi. Les chansons ont été écrites de manière tellement urgente, comme de l’écriture automatique. Je n’ai pas analysé du tout ce qui m’arrivait. Mes amis du groupe m’ont dit qu’il fallait que je le fasse, sinon je n’aurais jamais osé. Dès lors, une fois que j’ai décidé de l’incarner, je me devais d’y aller. Quand je me lance dans quelque chose, je suis plutôt trop que pas assez.

Des personnes ont essayé de vous en dissuader ?

Non. J’ai souvent été dissuadée de faire certaines, choses. Des actes de voltige, notamment…

C’est-à-dire ?

Quand j’ai fait le concert à 40 mètres de haut avec mon piano suspendu à une grue [à Bruxelles, en juillet 2023], pas grand monde me croyait. Je n’ai pas été soutenue énormément. Alors, je suis allée trouver le soutien ailleurs, en Belgique. Parce qu’il y a là-bas une folie douce qui ne juge pas. En France, on dit que les Belges ont un second degré. Pas du tout : ils ont un premier degré dans la folie. Dans l’imaginaire collectif, ce pays est lié au surréalisme. Il y a quelque chose chez les Belges qu’on n’a plus ici. Chaque fois qu’on tente de me dissuader de faire quelque chose, je me dis que je suis sur la bonne voie.

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Votre album est souvent comparé à ceux de Véronique Sanson, Daniel Balavoine, Céline Dion… Cela ne vous fatigue pas ?

Jamais ! Déjà, ça ne me fatigue pas de les écouter. C’est un tel compliment d’être citée dans une même phrase à côté de ces noms ! J’accueille ça avec joie. Surtout là, dans mes premiers tremblements. Je vais dire les choses : j’ai le trac. Même si le disque est entré à la troisième place des ventes, je veux que ça continue. Honnêtement, j’ai vraiment envie que ça marche. Déjà parce que j’ai l’idée de ce que je veux faire et, pour ça, il faut du succès. Proposer de la musique est en soi intense, mais il faut aussi l’habiller. Moi, je m’amuse avec les mises en scène mais pour ça, il faut beaucoup d’argent…

Vous avez des envies de tournée avec une grande ambition scénique ?

Oui, je veux du spectacle. Je ne veux pas laisser à d’autres genres musicaux le côté spectaculaire. Je pense que la variété française a sa place dans ce registre. J’ai envie d’incarner ça, le fun.

Vous parliez à l’instant de l’esprit surréaliste des Belges, d’écriture automatique… Le surréalisme est un courant artistique qui vous parle particulièrement ?

Non, pas tant que ça. La place des femmes dans ce courant a été négligée. Je pense que je n’aurais pas été copine avec tous les acteurs de ce mouvement mais il y a quand même un élan, une urgence, de l’ironie, un aspect mine de rien très pop. Le L.H.O.O.Q. [œuvre de Marcel Duchamp], voilà, on s’amuse, il y a quelque chose de naïf que j’aime bien.

Il y a des œuvres ou des artistes qui vous inspirent pour transposer des idées visuelles sur scène ?

Clairement. Chez Magritte, il y a une poésie pop qui me parle. Je pense que le piano suspendu dans les airs, avec les nuages, c’était un clin d’œil inconscient. Côté cinéma, il y a la fin du Truman Show, avec cet escalier, qui me parle énormément. Ma génération a la chance et la malchance de devoir composer avec l’envie d’innover et le fait que l’innovation ne se fait que dans la juxtaposition des références. Ce n’est que dans la curation de ces références que l’on peut créer. En matière de sons, le nouveau va se faire dans l’artificiel. Quand j’écris une chanson, j’ai envie de créer des images. Cela peut rejoindre le pictural. Un Coucher de soleil de Rouault, j’ai ça en moi. Le beau, je le vois aussi… [Elle pose ses yeux sur le parc des Buttes Chaumont à proximité]. Quand je regarde la nature, parfois, je me dis « Mais qu’est-ce qu’on s’emmerde à peindre ? » Parce que le beau, il est là, dans le regard de celui qui sait le cueillir.

Vos chansons ont des images évocatrices. « Eva », par exemple, est une histoire en elle-même. Qu’est-ce qui vous l’a inspirée ?

Adam, mon meilleur ami [et membre de Hyphen Hyphen], qui m’a replongé dans une anecdote, une image qu’il a de moi. On est en maternelle et j’ai fui. Il me voit jeter mon cartable par-dessus le portail et escalader la grille. Adam m’en a reparlé alors que je ne m’en souvenais plus. Enfin, si, je me souviens avoir été ramenée par les policiers, mais mon souvenir n’est pas si concret. J’étais déjà dans un élan de fuite en avant. Dans cette chanson, il y a de moi, mais je laisse toujours une fenêtre pour que chacun puisse y mettre de soi, sinon, quel est l’intérêt ? J’ai la joie de pouvoir refuguer en chanson à chaque fois que j’interprète Eva. C’est une ode à la fuite, au courage.

Depuis la sortie de l’album et la promotion que vous en faites, avez-vous eu des retours surprenant du public ou des journalistes ?

Je suis très surprise de l’intensité des mots apposés à ma musique. J’ai rarement reçu des témoignages aussi intimes. Cela me pousse à croire que mes impudeurs ont su percer quelques impudiques – je parle des journalistes – et ça me plaît, ça fait comme un cercle vertueux. J’étais en Suisse récemment et j’ai vu des grands gaillards, bien costauds, qui ont fait preuve de tellement de sensibilité que ça m’a vraiment beaucoup émue. Que mes chansons touchent l’intime des gens, c’est ce que je souhaite : accompagner les vies.

Les festivals d’été se profilent à votre horizon. Vous les envisagez comme une répétition avant de concrétiser la tournée dont vous rêvez ?

Je me le souhaite. Là, vu que je suis un nouveau nom, j’ouvre les festivals. C’est une conquête, mais j’aime ça. Souvent, je vole la tête d’affiche, j’adore ça. L’envie de donner le maximum, ça vient du groupe aussi. On est parti avec le couteau entre les dents, en se disant qu’on allait donner le maximum pour que ce soit le feu et qu’on marque les esprits. Rien qu’en essayant de projeter la voix, j’essaye de transpercer quelques cœurs. Mais disons que je ne vois pas cela comme une répétition générale. Plutôt comme une découverte pour moi en même temps que les gens me découvrent.

Vous qui appréciez de relever des défis, représenter la France à l’Eurovision, cela vous tenterait ?

J’aime cette idée de challenge, mais pas trop de concours parce que c’est géopolitique et malheureusement, l’Eurovision, c’est parfois moins une chanson qui est jugée qu’une situation internationale. Mais quand je participe, j’aime gagner. Il faut déjà avoir une bonne chanson et je pense que dans mon cas c’est un peu prématuré parce qu’il faut que je me présente avant de représenter la France. Je suis très fière d’être française, d’ailleurs, je ne laisse pas le monopole du patriotisme aux fachos. Mais il faut quand même déjà incarner quelque chose de puissant et ce n’est pas encore mon cas. Il faut porter les couleurs fièrement. Fière, je le suis, même si c’est un terme complexe, mais il faut être beaucoup plus populaire, je crois.

Juin est surnommé le « mois des fiertés », car c’est celui des Pride et des Marches des fiertés mobilisant les personnes LGBTQIA +. En tant qu’artiste queer, avez-vous un message particulier pour cette communauté ?

« Tu feras la différence » [référence aux paroles de sa chanson La différence] et « résiste ». Je pense qu’on tend à croire que les acquis sont acquis et on voit dans la période actuelle, qui polarise beaucoup de gens et d’âmes peureuses, que la division est un outil beaucoup trop facile et utilisé. Moi, je suis fière. Tant qu’il y aura des drapeaux à porter fièrement et avec rage, je les porterai, car il y a encore beaucoup d’injustices et d’inégalités.

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