Cette offensive nordique intervient à un moment clé, en amont de la conférence parisienne « Choose Europe for Science », où le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen uniront leurs voix pour séduire les talents scientifiques internationaux, avec une attention particulière portée aux chercheurs américains.
La raison de cette soudaine attractivité européenne ? La réduction drastique des financements de la recherche outre-Atlantique, orchestrée par l’administration Trump, qui laisse planer une ombre menaçante sur la position de leader mondial des États-Unis en matière scientifique. Les conséquences redoutées vont au-delà de la simple perte d’emplois : un affaiblissement de la recherche pourrait ouvrir la voie à une désinformation galopante, un scénario alarmant pour l’avenir de la connaissance.
Quand la fuite des cerveaux devient une aubaine pour l’Europe
Lars Strannegard, le président de la Stockholm School of Economics, ne mâche pas ses mots : la recherche américaine fait face à une « attaque énorme » qui risque fort de s’intensifier. Il perçoit cette situation comme une « bataille » décisive pour l’avenir des États-Unis, une lutte qui se jouera au cœur même des universités. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une analyse récente de la revue Nature révèle une augmentation significative de 32 % du nombre de scientifiques américains postulant à des postes à l’étranger entre janvier et mars, comparé à la même période l’année précédente. Un exode intellectuel qui offre une occasion unique aux nations européennes désireuses de renforcer leur propre écosystème de recherche.
Dans cette compétition acharnée pour attirer les cerveaux américains, les pays nordiques misent sur une combinaison séduisante : l’excellence académique de leurs institutions, un niveau de vie élevé où l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle est une réalité, et des avantages sociaux souvent enviés. La Suède a déjà pris des mesures concrètes, avec le Conseil suédois de la recherche annonçant une subvention substantielle pour aider les universités à recruter des chercheurs internationaux. Deux millions de couronnes (environ 180 000 euros) sont mises sur la table pour couvrir les frais de recrutement et les salaires, un investissement stratégique pour attirer les meilleurs talents.
Les répercussions transatlantiques des coupes budgétaires
Karin Forsberg Nilsson, doyenne de la faculté de médecine du laboratoire Rudbeck de l’université d’Uppsala, souligne la nature intrinsèquement collaborative de la science. Pour elle, les coupes budgétaires aux États-Unis auront inévitablement des répercussions en Europe. « Si nos partenaires dans les laboratoires et les hôpitaux américains ne peuvent pas mener leurs recherches comme d’habitude parce que leur financement est interrompu ou que leurs employés sont licenciés, cela aura bien sûr aussi des répercussions sur les recherches que nous menons ici », explique-t-elle. L’impact se fera également sentir au niveau des « grandes bases de données et des ensembles de données partagés », des outils essentiels pour la progression de la connaissance scientifique.
Forte de cette prise de conscience, son département a déjà commencé à « publier de manière proactive des offres d’emploi » à l’intention des chercheurs américains. Elle estime que les jeunes chercheurs, moins ancrés dans leur situation actuelle, seront particulièrement sensibles aux avantages du système suédois, notamment en matière de garde d’enfants et de congé parental, des atouts majeurs pour ceux qui envisagent de fonder une famille.
Au-delà du salaire, un environnement de recherche stimulant
Anders Hagfeldt, vice-chancelier de l’université d’Uppsala, reconnaît que la compétition salariale avec les États-Unis est un défi de taille. « Le problème, c’est que nous n’offrons pas les mêmes salaires que les meilleurs chercheurs aux États-Unis. Nous avons donc du mal à rivaliser avec eux », concède-t-il. Cependant, il mise sur d’autres facteurs d’attractivité : « Mais les chercheurs cherchent généralement à mener des recherches passionnantes dans un environnement stimulant. Je pense que nous pouvons leur offrir cela. »
La Norvège emboîte le pas à la Suède. Le Conseil norvégien de la recherche a récemment annoncé un programme doté de 100 millions de couronnes (environ 9,6 millions de dollars) spécifiquement destiné à attirer les meilleurs chercheurs internationaux. Sigrun Aasland, la ministre norvégienne de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, met en avant la fragilisation de la liberté académique aux États-Unis : « La liberté académique est sous pression aux États-Unis, et la situation est imprévisible pour de nombreux chercheurs dans ce qui a été pendant des décennies la première nation mondiale en matière de recherche. »
Le Danemark n’est pas en reste. La Chambre de commerce danoise, en collaboration avec le syndicat The Danish Society of Engineers, a appelé la semaine dernière les responsables politiques du pays à intensifier leurs efforts pour mieux faire connaître le Danemark auprès des chercheurs américains ».
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