Québec: les médecins juifs victimes d’incidents antisémites

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Antisémitisme: près de la moitié des médecins juifs du Québec visés dans nos hôpitaux

D’influents médecins québécois sortent de l’ombre pour dénoncer la situation au Bureau d’enquête

Dr Lior Bibas, Association des médecins juifs du Québec Le 12 décembre 2024 BEN PELOSSE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL

Dr Lior Bibas, Association des médecins juifs du Québec Le 12 décembre 2024 BEN PELOSSE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL BEN PELOSSE / JDEM

ANNE CAROLINE DESPLANQUES

Près de la moitié des médecins juifs du Québec ont subi des incidents antisémites dans les hôpitaux québécois depuis les attaques du 7 octobre 2023 en Israël, au point que certains envisagent de quitter la province, d’après des données obtenues par le Bureau d’enquête.

«On fait face à une avalanche de cas, indique le Dr Lior Bibas. Il faut une prise de conscience, dans la société, qu’il y a un problème au Québec.»

Le cardiologue est président de l’Association des médecins juifs du Québec (AMJQ) qui fédère plus de 550 membres partout dans la province.

Dans un sondage, 45% des médecins interrogés indiquent avoir subi des incidents antisémites dans le milieu hospitalier depuis le 7 octobre, contre 34% auparavant. 30% déclarent subir des remarques antisémites toutes les semaines.

Ces remarques ressassent souvent de vieilles rengaines hostiles aux Juifs. Par exemple, un gynécologue relate qu’une patiente lui a asséné qu’elle souhaitait faire un pèlerinage à la Mecque avant sa chirurgie pour prier afin que «les Juifs cessent de contrôler le monde».

Choqué, le médecin qui a requis l’anonymat plaide que son identité n’a aucune influence sur les soins qu’il donne, mais que de telles remarques ont inévitablement un impact sur la santé mentale.

«Toute forme de discrimination, c’est un enjeu de santé publique, prévient le Dr Bibas. Ça prend des gens en bonne santé mentale et physique pour bien s’occuper des patients.»

Le malaise est encore plus fort dans les facultés de médecine. Les étudiants qui se sont confiés sous couvert de l’anonymat au Bureau d’enquête ont indiqué se sentir de plus en plus ostracisés, forcés de se regrouper entre eux pour éviter les commentaires haineux ou de retirer leur kippa pour passer inaperçus.

À McGill, les étudiants juifs ont peur

Une étudiante a même fait l’objet d’une campagne de dénigrement au département de médecine de l’université McGill parce qu’elle a partagé son deuil sur les réseaux sociaux après avoir perdu des proches dans l’attaque du 7 octobre.

Le campement propalestinien sur le terrain de l’Université McGill le 1 mai 2024. PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI

Le campement propalestinien sur le terrain de l’Université McGill le 1 mai 2024. PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI 

Cette université est devenue particulièrement hostile, selon l’AMJQ. D’après son sondage, les incidents antisémites modérés à graves concernent 15% des répondants de McGill, contre 9% de ceux des facultés de médecine francophones.

«Les étudiants ont peur pour leur sécurité physique», s’inquiète le Dr Gerald Batist, directeur du département d’oncologie de l’institution anglophone, qui rapporte avoir lui-même été attaqué alors qu’il tentait d’ouvrir le dialogue avec des étudiants propalestiniens.

Le campus a hébergé pendant plusieurs semaines un campement propalestinien où des banderoles glorifiaient le Hamas. Le lendemain de l’attaque du 7 octobre, Arij Soufi, alors co-présidente de l’Association des étudiants musulmans en médecine de McGill, l’a elle-même vantée sur Instagram comme «une attaque héroïque».

L’université assure rejeter «toute forme de discrimination». «Tous les membres de notre communauté ont le droit d’être traités avec égalité, dignité et respect», dit-elle.

Le cessez-le-feu ne règle rien

Le Dr Bibas prévient que le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ne règle rien, car l’antisémitisme s’exprime maintenant de façon décomplexée dans l’indifférence des autorités.

Les groupes qui font l’apologie de la violence armée restent mobilisés dans les rues partout au pays. Et à McGill, ils continuent de passer de classe en classe pour appeler à manifester et placardent encore le campus d’affiches hostiles, rapporte le Dr Batist.

«Du côté francophone, on est encore préservé. Mais il ne faudrait pas que ça s’étende», plaide le Dr Jacques Kadoch, fondateur de la clinique de fertilité Ovo.

C’est l’antisémitisme en France qui l’a poussé à venir s’installer ici en 2003 avec sa famille. Aujourd’hui, «on se retrouve à Montréal dans des conditions qui nous rattrapent», déplore-t-il.

Comme le gouvernement fédéral et 34 autres pays, le gouvernement du Québec a adopté en 2021 la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, selon laquelle il est antisémite de décrire Israël comme une «entreprise raciste» ou de comparer ses politiques à celles des nazis.

Le Dr Batist réclame que son université y adhère elle aussi. Mais McGill indique que cette définition ne fait pas partie de ses politiques dans lesquelles elle «ne définit aucune forme d’oppression sociale ou de discrimination».

Dr Karl Weiss le 14 septembre 2021. PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI.

Dr Karl Weiss le 14 septembre 2021. 

Pour le Dr Karl Weiss, chef du département de microbiologie et d’épidémiologie de l’Hôpital général juif, l’université anglophone a montré qu’elle ne respecte pas les valeurs de la société québécoise.

«On est au Québec, dans une société laïque, et on ne devrait pas avoir peur d’aller dans une université qui doit respecter les valeurs de la société québécoise», gronde-t-il.

ANTISÉMITISME EN SANTÉ AU QUÉBEC EN CHIFFRES

– 45% ont subi des incidents antisémites dans le milieu hospitalier depuis octobre 2023

-30% rapportent des remarques antisémites hebdomadaires, voire plus fréquemment

-55% des incidents signalés dans les milieux universitaires sont dits modérés à graves
-24% envisagent de quitter le Québec pour fuir un environnement devenu hostile.

Source : sondage de l’AMJQ réalisé en ligne auprès de 217 répondants

JForum.fr avec www.tvanouvelles.ca

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Une étudiante de l’Université McGill a dit qu’elle a entendu des slogans qui «déshumanisent les juifs».

La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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