Quand Tsahal reconnaît une série d’erreurs graves
Le 23 mars dernier, un événement dramatique s’est produit à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, lorsqu’une opération militaire israélienne a entraîné la mort de 14 médecins affiliés au Croissant-Rouge, et blessé grièvement un autre. Ce drame, l’un des plus graves signalés depuis le début du conflit actuel, a suscité une réaction immédiate de l’armée israélienne, qui a reconnu une série d’erreurs et pris des mesures disciplinaires internes.
L’armée a ainsi annoncé le limogeage d’un commandant adjoint de l’unité d’élite Sayeret Golani, ainsi que la censure officielle du chef de la brigade 14, désigné sous le nom de « colonel T ». Le commandant de brigade est accusé de ne pas avoir inculqué à ses hommes les compétences et les valeurs nécessaires pour opérer dans des environnements sensibles, même s’il n’était pas physiquement présent lors de l’incident.
Une enquête approfondie, menée par le général de division réserviste Yoav Har-Even, a révélé que les premiers rapports militaires fournis par les soldats sur le terrain étaient en grande partie inexacts. Ces inexactitudes concernaient notamment des détails cruciaux, tels que l’allumage des phares des ambulances ou encore l’identification des véhicules impliqués. Ces erreurs ont été formellement corrigées dans un rapport intermédiaire publié le 5 avril.
Le rapport final a divisé l’événement en quatre incidents distincts. Le premier concernait une ambulance prise à tort pour une menace ; le second impliquait plusieurs véhicules médicaux visés de la même manière. Le troisième, jugé le plus grave, relatait le tir volontaire contre un véhicule de l’ONU, bien que les soldats aient su qu’il s’agissait d’un transport humanitaire. Leur objectif, selon les enquêteurs, était d’inciter le véhicule à quitter une zone considérée comme dangereuse, ce qui allait à l’encontre des règles d’engagement en vigueur. Enfin, des erreurs ont également été commises lors de la manipulation des corps après l’attaque.
L’incident s’est déroulé dans un contexte d’embuscade tendue, déclenchée à 4h30 du matin par la brigade Golani contre des membres présumés du Hamas. Après une première phase d’affrontements, des ambulances ont traversé la zone sans incident. Mais vers 6 heures, d’autres véhicules médicaux ont été pris pour des menaces, notamment à cause de signaux émis par un drone militaire, du comportement jugé suspect des occupants sortant des véhicules, et d’une visibilité réduite pour le commandant adjoint de Golani.
Ce dernier a été le premier à ouvrir le feu, déclenchant une salve collective de tirs pendant environ quatre minutes. Une fois la zone sécurisée, les soldats ont découvert qu’ils avaient ciblé des médecins non armés. Un filet de sable a été utilisé pour enterrer temporairement les corps, afin de les protéger des animaux, en attendant leur récupération.
L’ONU a été informée le jour même, mais les combats ont empêché l’accès immédiat à la zone. Lorsqu’une première tentative de récupération a été effectuée quatre jours plus tard, un seul corps a été retrouvé. Ce n’est que le 30 mars que les restes des autres victimes ont pu être localisés et extraits. Selon Tsahal, cette difficulté proviendrait d’un manque d’informations fournies à l’ONU sur la profondeur d’enfouissement des corps.
Une autre dimension de l’enquête concerne les liens présumés entre certains médecins et le Hamas. Sur les 15 victimes, six auraient appartenu à l’organisation islamiste, mais cette information ne justifie pas l’ouverture du feu selon les conclusions de l’enquête, car les soldats ne pouvaient pas savoir à l’avance leur affiliation, et aucune arme n’a été retrouvée sur eux.
Le général Har-Even, qui supervise environ 350 enquêtes similaires liées à la guerre en cours, a transféré plus de 90 d’entre elles à la division juridique militaire. Toutefois, malgré la gravité des faits, il s’est opposé pour l’instant à des poursuites pénales, estimant que le contexte opérationnel devait être pris en compte. Le dernier mot revient à l’avocate générale militaire, Yifat Tomer Yerushalmi, qui n’a pas encore pris de décision à ce sujet.
Cet incident reste un point noir majeur pour l’armée israélienne, d’autant que les véhicules médicaux visés portaient clairement les symboles du Croissant-Rouge. Il soulève de nombreuses questions sur les règles d’engagement, les conditions de visibilité, le contrôle du feu dans des contextes de guerre urbaine, ainsi que sur la gestion des conséquences humanitaires de telles erreurs.
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