Quand le plan Trump se heurte au réel

Vues:

Date:

Le plan Trump se heurte au réel

Dans une série d’entretiens accordés à des médias européens, le roi Abdallah II de Jordanie a refroidi les attentes autour du plan américain visant à stabiliser Gaza. Le souverain a posé une ligne rouge nette : aucune armée arabe ne « courra en patrouille, armes à la main » dans l’enclave. À ses yeux, parler de « maintien de la paix » n’a de sens qu’à condition d’appuyer des forces palestiniennes légitimes et formées, pas d’imposer l’ordre par une présence étrangère. Ce cadrage, ferme et sans ambiguïté, complique l’un des piliers les plus commentés du dispositif américain : la création d’une force internationale de stabilisation après la neutralisation militaire du Hamas.

Le contraste est saisissant. Le plan en vingt points promu par Washington promet un cessez-le-feu durable, la libération des otages, la démilitarisation de Gaza et une reconstruction encadrée par des mécanismes internationaux. Sur le papier, l’architecture prévoit une « International Stabilization Force » (ISF) composée de partenaires arabes et internationaux, avec un mandat de sécurité intérieure — démantèlement des infrastructures terroristes, appui à une police palestinienne « vettée », sécurisation des axes humanitaires et des sites critiques. Les États-Unis, qui n’envisagent pas d’unités de combat déployées dans Gaza, discutent néanmoins de contributions de coordination et de formation avec plusieurs capitales. Mais la condition sine qua non demeure : un ancrage local crédible et l’acceptation régionale.

C’est précisément là que l’avertissement jordanien pèse. Amman et Le Caire se disent disposés à former, à grande échelle, des forces de sécurité palestiniennes — un travail de fond, graduel, où la responsabilité locale prime. En revanche, transformer des voisins en gendarmes d’une enclave dévastée et ultra-dense, sans consensus palestinien et sans règles d’engagement incontestées, serait politiquement intenable. La Jordanie, « trop proche politiquement » du dossier, refuse de devenir une partie prenante armée sur le terrain ; d’autres capitales arabes partagent cette prudence.

Pour les promoteurs du plan, l’obstacle n’est pas insurmontable si l’on distingue clairement les rôles. Une ISF pourrait, soutenue par des instructeurs et une chaîne de commandement multinationale, épauler des unités palestiniennes reconstituées et strictement encadrées, pendant que la démilitarisation — destruction de tunnels, collecte d’armements, assèchement des réseaux de financement — progresse par phases. La promesse de « zéro déplacement forcé » et l’objectif d’un espace « déradicalisé » sont conçus pour rassurer les États de la région. Mais sans volontaires pour l’exécution la plus sensible — contrôle de secteurs, fouilles, interposition —, l’ingénierie institutionnelle risque de rester théorique.

Du point de vue israélien, l’enjeu est clair : plus jamais Gaza ne doit redevenir une base offensive contre les civils. Toute formule soutenable doit donc garantir, avant tout, la neutralisation durable des capacités terroristes et des garanties de sécurité vérifiables. Les précédents régionaux invitent à la prudence : au Liban, la FINUL n’a pas empêché la reconstitution d’arsenaux sous son nez ; dans le Sinaï, la MFO fonctionne parce que son mandat est circonscrit, ses partenaires alignés et les frontières nettes. Gaza cumule l’inverse : densité extrême, urbanisation continue, gouvernance fragmentée, interférences de factions armées. Une « force internationale » y serait confrontée à la pire des combinaisons : mandat contesté, environnement hostile, exposition médiatique permanente.

La remarque d’Abdallah II agit donc comme un test de réalité. Elle rappelle que la stabilisation de Gaza ne peut pas être sous-traitée à des voisins au prix de leur propre stabilité intérieure, ni plaquée sans légitimité locale robuste. Elle souligne aussi que la « sécurité d’abord » — démantèlement des capacités du Hamas, police palestinienne professionnelle, contrôle des frontières et de la contrebande — exige du temps, des ressources et des règles d’engagement crédibles, plus que des logos sur les uniformes.

Reste une fenêtre pragmatique : si l’appui régional se concentre sur la formation, l’équipement, les réformes de chaîne de commandement et l’accompagnement civil (douanes, justice, gestion municipale), la charge de l’ordre public peut, pas à pas, revenir à des forces palestiniennes répondant à des standards vérifiables. Dans ce scénario, la composante internationale jouerait la discrétion plutôt que la démonstration, et le dispositif de sécurité se bâtirait « par le bas », au rythme des progrès tangibles sur la démilitarisation.

Pour Israël, démocratie confrontée à une menace persistante, la condition non négociable demeure la sécurité de ses citoyens. Les propos du roi de Jordanie rappellent que l’illusion d’une paix « imposée » par des patrouilles étrangères ne remplacera jamais une démilitarisation réelle ni des partenaires palestiniens responsables. Soutenir la formation et l’encadrement de forces locales, tout en maintenant des garanties strictes pour prévenir toute résurgence terroriste, offre une voie plus solide : elle protège Israël, responsabilise les acteurs palestiniens et évite aux voisins d’endosser un rôle explosif — exactement l’équilibre que la région doit rechercher.

Jforum.fr

La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

La source de cet article se trouve sur ce site

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

PARTAGER:

spot_imgspot_img
spot_imgspot_img