Affaire « Qatargate » : le Shin Bet reçoit des « informations corroborant » les liens entre le Qatar et des responsables du cabinet du Premier ministre
Si le bureau de Netanyahou est convaincu qu’il s’agit de fausses nouvelles, comme il le prétend, il devrait coopérer pleinement avec l’enquête du Shin Bet pour démentir ces allégations. • Son évitement de cette possibilité et sa contre-attaque suggèrent le contraire : les informations complémentaires reçues maintenant par le Shin Bet ne font que confirmer le soupçon qu’il y aurait le feu derrière l’écran de fumée.
Feldstein (dr), Premier ministre qatari, Urich (gch), Reuters. Le cabinet du Premier ministre a démenti les allégations selon lesquelles Feldstein aurait travaillé pour le Qatar . Photo : Yehoshua Yosef, Oren Ben Hakon, Reuters
Le Service de sécurité générale a reçu des « informations corroborant » les allégations selon lesquelles le Qatar aurait mené une opération d’influence au sein du cabinet du Premier ministre. C’est cette information qui a conduit à la décision d’ouvrir une enquête sur cette affaire, déjà surnommée « Qatargate ». La question sécuritaire va plus loin, consistant à savoir si de tels agissements ont contribué, par désinvolture, à laisser passer des informations cruciales concernant les préparations terroristes du Hamas à Gaza
Agent d’influence pro-Qatar et Conseiller militaire ?
La semaine dernière, le journaliste Ofer Hadad a publié sur la chaîne Channel 12 qu’Eli Feldstein travaillait à améliorer l’image du Qatar auprès des journalistes et des médias en Israël. Ceci, en parallèle avec son travail de porte-parole militaire au cabinet du Premier ministre. Pour rappel, Feldstein est également soupçonné du vol de documents classifiés de l’armée israélienne, dans le but de promouvoir divers intérêts du bureau de Netanyahu.
Feldstein devant le tribunal, photo : Yehoshua Yosef
Le bureau du Premier ministre a démenti les allégations selon lesquelles Feldstein aurait travaillé pour le Qatar, mais il s’avère désormais que le Shin Bet a reçu de nouvelles informations qui étayent cette affirmation. Pour rappel, Feldstein n’est pas le seul porte-parole du bureau de Netanyahu à avoir travaillé pour le Qatar : Jonathan Urich et Israel Einhorn ont également contribué à améliorer l’image du Qatar autour de la Coupe du monde que le Qatar a accueillie en 2022.
Le cabinet du Premier ministre a critiqué hier l’inspection, affirmant qu’il s’agissait d’une nouvelle mesure sélective visant Netanyahu. Il s’agit d’une affirmation étrange pour plusieurs raisons. La première raison est que le rôle du Shin Bet est d’enquêter sur les soupçons d’ingérence étrangère dans les affaires de l’État d’Israël.
Le Qatar a des intérêts en Israël
Dans le cas présent, on soupçonne le Qatar d’avoir manipulé en son nom une personne du bureau confidentiel et sensible du pays et, par son intermédiaire, d’avoir cherché à faire avancer ses intérêts. Une opération d’influence, comme son nom l’indique, vise à influencer l’opinion publique des pays qu’elle vise. Elle est parfois menée par des États et parfois par des organisations utilisant diverses méthodes, principalement pour tenter d’influencer le contenu des messages dans les médias traditionnels et sociaux et, à travers eux, d’influencer l’opinion publique dans la direction souhaitée par ceux qui mènent l’opération.
Ronen Bar, chef du Shin Bet. Selon le rapport, des « informations à l’appui » lui sont parvenues concernant les liens entre le Qatar et des responsables du cabinet du Premier ministre, Koko
Les Frères Musulmans tiennent Gaza et les otages
Plusieurs pays ont déjà mené des opérations d’influence en Israël, depuis l’Union soviétique à l’époque soviétique (et son successeur la Russie) jusqu’à l’Iran. Selon diverses publications, Israël aurait également produit des efforts visant à influencer les pays arabes dans le but de faire avancer ses intérêts.
Au cours du week-end, on a voulu affirmer que le Qatar n’avait « aucun intérêt » en Israël. C’est une erreur : le Qatar a de nombreux intérêts – depuis son soutien au Hamas (dans le cadre de l’alliance des Frères musulmans) et son désir de préserver son pouvoir à Gaza, en passant par son rôle de médiateur dans les efforts pour libérer les otages, jusqu’à son désir de demander l’aide d’Israël pour améliorer son image et son statut aux États-Unis, avec lesquels le Qatar a de nombreux intérêts politiques et économiques.
Quel parallèle avec l’affaire de la « Cinquième Dimension » ?
La deuxième raison concerne l’affirmation selon laquelle cette affaire fait l’objet d’une enquête, contrairement à l’affaire « Cinquième Dimension » – la société au sein de laquelle travaillaient, entre autres, les députés Benny Gantz et Ram Ben-Barak.
Dans la « Cinquième Dimension », « Cet appel d’offres équivalait à un montant de 50 millions de shekels d’argent public. Sur cette somme, Benny Gantz et son entreprise ont en perçu 4 millions, qui n’ont pas été retournés« , selon Binyamin Netanyahu. De plus, l’entreprise de Gantz est soupçonnée d’avoir cédé des informations confidentielles sur des citoyens israéliens à des sociétés étrangères.
« Ils ont présenté un produit qui n’existe pas, des clients qui n’existent pas » a martelé Netanyahu à l’encontre de Gants à l’époque de l’affaire.
Contrairement à ce qu’affaire pour sa défense le Bureau du Premier Ministre, la Police a enquêté sur la « 5è Dimension », mais là n’est pas l’essentiel : le Shin Bet n’enquête pas sur les questions financières ou fiscales, mais uniquement sur les soupçons d’atteinte à la sécurité de l’État. Dans l’affaire de la « Cinquième Dimension », il n’y avait ni soupçon ni inquiétude de ce genre ; dans le cas présent, on craint qu’un pays étranger n’interfère dans les affaires intérieures d’Israël .
Le Qatar a de nombreux intérêts en Israël, Photo : AP
Qatar : la zone grise d’un état ni ami ni ennemi désigné
La troisième raison concerne l’affirmation selon laquelle la police n’a ouvert aucune enquête contre le député Gilad Kariv, soupçonné d’avoir divulgué des informations de la commission des affaires étrangères et de la sécurité de la Knesset. Là aussi, il existe une différence fondamentale entre la prétendue fuite aux journalistes et l’action d’un pays étranger. D’ailleurs, plusieurs journalistes ont repris hier cette affirmation : on se demande depuis quand les journalistes s’attaquent aux leakers, lanceurs d’alerte, qui sont le pain et le beurre des médias.
La quatrième raison concerne l’affirmation selon laquelle le Qatar n’est pas défini comme un État ennemi et qu’il n’y a donc aucun obstacle à faire des affaires avec lui. Le Qatar n’est en effet pas défini comme tel (on peut se demander s’il fonctionne comme tel), mais ceux qui travaillent dans le bureau important du pays sont tenus au moins de faire des divulgations appropriées et de signer des documents de conflit d’intérêts afin que leurs supérieurs et autres entités autorisées soient au courant de leurs activités.
Quel incendie couve derrière l’écran de fumée ?
La cinquième et dernière raison concerne le cabinet du Premier ministre lui-même. Netanyahou est responsable de la sécurité nationale et, à ce titre, il aurait dû être le premier à exiger l’ouverture d’une enquête pour déterminer si quelqu’un ou un groupe a agi ainsi dans son bureau. De plus, il devait empêcher un individu n’ayant pas obtenu l’habilitation de sécurité (Feldstein) de se trouver dans sa proximité et exiger de son entourage qu’il applique strictement les consignes de sécurité. Dans ce contexte, Netanyahou s’engage à découvrir s’il savait que Feldstein était prétendument lié au Qatar : s’il ne le savait pas, quelqu’un de son entourage le mettrait en danger, lui et le secret de son bureau. S’il le savait, il devait annoncer qu’il a apporté son approbation et son autorité ) cette façon d’agir.
Il existe une différence fondamentale entre une prétendue fuite auprès des journalistes et l’action d’un pays étranger. Le député Gilad Kariv, photo : Oren Ben Hakon
Jusqu’où vont les intrigues du Qatar en Israël ?
Il est impératif de clarifier cela maintenant afin de comprendre l’étendue de l’implication du Qatar dans les affaires israéliennes et les dommages qui en ont résulté (le cas échéant), ainsi que les autres facteurs impliqués dans cette affaire.
En marge de la réunion, le bureau de Netanyahou a affirmé que le Shin Bet aurait ouvert cette enquête pour détourner l’attention de la responsabilité de l’organisation de sécurité intéreiure dans les graves manquements du 7 octobre et de son refus de révéler les résultats de ses investigations. C’est une affirmation étrange, car le Shin Bet a transmis tous les documents au Contrôleur de l’État il y a plusieurs mois, et son chef, Ronen Bar, a déclaré à plusieurs reprises qu’il soutenait la création d’une commission d’enquête de l’État. Alors que le bureau de Netanyahu s’abstient de transférer les documents et s’efforce de torpiller la création d’une commission d’enquête.
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