«On a eu le cimetière juif de Carpentras, maintenant on a les viols de Mazan, reste plus qu’à vivre Mormoiron pour être tranquille… », ironise un jeune homme, assis à la terrasse d’un café du village vauclusien où vivait Dominique Pelicot, jugé avec 50 co-accusés pour avoir drogué et violé sa femme et l’avoir fait violer par des dizaines d’hommes recrutés sur Internet pendant dix ans.
Dans ce village provençal de 6.500 habitants établi au pied du mont Ventoux, l’affaire dite « des viols de Mazan » connaît forcément un fort retentissement. « Ce que je regrette surtout, c’est qu’on ait appelé ça « les viols de Mazan », alors que ce sont « les viols de Dominique Pelicot » », poursuit-on à la terrasse ombragée par deux vieux et massifs platanes.
Depuis que l’affaire a éclaté en septembre 2020, peu après que le septuagénaire s’est fait attraper par un vigile en train de filmer sous les jupes de femmes dans un hypermarché, et encore plus depuis l’ouverture du procès à Avignon en septembre de cette année, la presse s’est dépêchée au village.
« Franchement, c’est Disneyland »
« On a eu la BBC, CNN, la télévision espagnole, et j’en passe », s’agace le taulier qui s’est rendu au tribunal d’Avignon voir un peu le procès en cours. « Franchement, c’est Disneyland », avance-t-il, se référant au cirque médiatique, « aux applaudissements » de soutien à Giselle Pelicot chaque matin et soir d’audience. Et si « au début tout le monde parlait de l’affaire, ça s’est un peu tassé à présent », constate-t-il. « Qu’est-ce qu’il y a à dire de plus ? », interroge un compagnon de bar qui finit de vider son demi avant de se répondre : « On va attendre que les peines soient prononcées et c’est tout. »
Et côté business, « l’affaire des viols de Mazan » n’aide pas vraiment les affaires. « Avant Mazan était un village très recherché », avance une agente immobilière. « Mais aujourd’hui, je constate que pour deux maisons similaires, l’une située à Mazan et une autre dans un village voisin, nous recevons beaucoup plus d’appels pour la seconde, à l’inverse d’avant. » A cela s’ajoute « une appréhension à dire qu’un bien se situe à Mazan lorsqu’on appelle des clients pour un bien qui correspond à leurs recherches », ajoute-t-elle, préférant garder l’anonymat.
Une ambiance « lourde »
Un anonymat dont Claudette, 73 ans, se moque. Il faut dire, elle n’est pas de Mazan et a l’âge de Gisèle Pelicot. Avec un cellophane sur ses cheveux enrubannés d’algues, Claudette donne le change depuis le fauteuil du salon de coiffure de sa fille situé à Mazan. « Nous étions justement en train de parler des cinquante autres dont pas un n’est allé à la police », explique la septuagénaire dont la petite-fille s’est rendue au tribunal manifester son soutien à Gisèle.
« Il faut saluer le courage de cette dame, qui s’est doublement mis à nu pour nous, pour la société. Ce que ce procès montre, c’est que ce sont des gens de toutes catégories qui ont été mêlés à ça et qu’on vit entouré de malades. Ça fait peur pour nos enfants, nos petits-enfants », poursuit Claudette. Ailleurs dans Mazan, on préfère ne pas trop en parler : « Non merci », éconduit une commerçante. Une seconde : « Mon travail, c’est de vendre pas de parler. » « Ce n’était quand même pas vraiment des gens du village », préfère dire une troisième personne, puisque les Pelicot vivaient en région parisienne jusqu’au début des années 2000.
Notre dossier sur les viols de Mazan
Reste que des chez plus jeunes l’affaire des viols de Mazan, si elle n’occupe pas toutes les conversations, occupe bien les esprits. « Ça plane au-dessus du village et l’ambiance est lourde depuis », trouve une trentenaire qui a fait toute sa vie ici. « Et parfois, on se demande à qui on parle vraiment », conclut-elle alors qu’au moins une vingtaine d’hommes qui se sont rendus au domicile de Dominique Pelicot n’ont pas pu être identifiés.
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