Premier ministre : Face à l’attente hors normes, pourquoi les Français n’ont-ils pas battu le pavé ?

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Que retiendra-t-on de la séquence politique de cet été, durant laquelle la France s’est retrouvée sans Premier ministre et avec un gouvernement démissionnaire pendant plus de 50 jours ? La paralysie politique ou l’inaction de la rue ? Souvent présenté en peuple révolutionnaire et toujours prêt à faire grève au moindre contretemps, le Français n’aura que très peu contester ce temps suspendu. Aucune manifestation, nulle grève, pas le moindre mouvement social n’a émergé. Le peuple s’est retrouvé comme Matignon : inerte et figé.

« L’été se prête peu aux manifestations, et cette année encore moins avec l’organisation des Jeux olympiques, où il était littéralement interdit de manifester dans Paris », rappelle Eddy Fougier, politologue et spécialiste des mouvements contestataires. Le caractère inédit de la séquence explique également, selon l’expert, l’encéphalogramme plat côté pavé : « on n’a jamais connu un tel moment politique, et c’est normal d’être un peu déboussolé au moment de savoir comment réagir. »

« Plus facile de manifester contre un nom que sur du vide »

D’autant plus que pour motiver les foules à sortir les fourches, il y a plus motivant que l’absence d’un Premier ministre. « C’est plus facile de manifester contre un nom précis ou une personne que sur du vide et de l’attente », rappelle Eddy Fougier. Autre raison, la durée de la séquence : « il y a eu une impossibilité de mettre des actions en place car personne ne savait combien de temps cela allait durer. Le président n’a fait que repousser l’échéance, sans annoncer directement qu’il n’y aurait toujours pas de Premier ministre début septembre. »

Pas plus qu’il y avait juste là un adversaire contre lequel se mobiliser, il n’y a pas eu non plus un héraut à défendre, explique Maxime Quijoux, sociologue et politiste, chargé de recherche au CNRS : « pour la gauche, le profil désigné, Lucie Castets, n’est pas très connu. Les autres partis n’en ont pas proposé. C’est bien de demander à la population de se mobiliser, mais se mobiliser pour quoi ou pour qui ? »

« La politique fonctionne en vase clos »

Sans compter un certain désintérêt : « les intrigues de Matignon semblent loin des préoccupations quotidiennes des Français. On a vu une très forte mobilisation contre la réforme des retraites, car elle concernait directement la population et que la cible était identifiée. »

« Depuis vingt ans, la politique fonctionne en vase clos et les dirigeants semblent prendre des décisions indépendamment du vote des gens, de leur vie, de leurs soucis, poursuit Maxime Quijoux. Cela s’est accentué sous Emmanuel Macron, aucun évènement ne semble avoir de l’emprise. Les émeutes des  »gilets jaunes », les manifestations contre la réforme des retraites, et désormais même le résultat des élections. »

Au point d’obtenir « une résignation très forte de la population. Il y a une dépolitisation et un refus d’investir le champ politique, avec la croyance que cela ne changera rien. Sans compter la répression violente des précédents mouvements… » De quoi expliquer la torpeur ambiante. « S’il n’y a pas plus d’agitation, c’est parce que la majorité des Français ne s’estiment pas lésés. Si la population considérait qu’il y avait un vol démocratique majeur, JO ou pas, été ou non, il y aurait eu des mobilisations fortes. »

« Très dur de dire que les Français ont été dociles »

Sauf que ce jeudi Michel Barnier est devenu le nouveau Premier ministre. De quoi réveiller le peuple qui dort ? « Pour le moment, on était dans une  »drôle de guerre ». Il ne se passait rien dehors car il ne se passait rien en politique, analyse Eddy Fougier. Maintenant que le profil est connu, des mobilisations peuvent se mettre en place. » Idem, la période de la rentrée se prête plus aux mouvements, rappelle l’expert. Preuve en est, avant même qu’un nom ne sorte enfin, une manifestation organisée par La France insoumise était prévue ce samedi, tandis que la CGT appelait à une riposte sociale le 1er octobre.

« Au vu de toutes ces conjonctures, il me semble très dur de dire que les Français ont été dociles, conclut Maxime Quijoux. Et rien ne se perd. C’est rare qu’une mobilisation démarre à la première colère. La frustration s’emmagasine, se cumule, pour s’exprimer plus tard. » Fin du calme, début de la tempête ?

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