«Une ode à la liberté de la presse et au pluralisme. » Dans un portrait mielleux pour le JDNews, appendice du Journal du Dimanche, on découvre Xenia Fedorova, nouvelle égérie prorusse de la galaxie Bolloré, ses inspirations littéraires, son amour pour le jardin du Luxembourg, mais aussi « l’acharnement politique » qu’elle aurait subi.
Ancienne directrice de Russia Today France, chaîne de propagande prorusse interdite en 2023, la journaliste a conservé de ces années les éléments de langage du Kremlin, et retrouve étonnamment une place de choix au cœur du système médiatique français, notamment grâce à l’appui des médias de Vincent Bolloré.
Fedorova, symbole du revirement prorusse des médias Bolloré
Depuis quelques semaines maintenant, Xenia Fedorova est partout : Tribunes dans le JDNews, passages dans « l’Heure Inter » de CNews et un livre Bannie aux éditions Fayard. Trois entités possédées par Vincent Bolloré, qui font la part belle à la « journaliste ». Partout où on lui donne la parole, elle fait entendre « la voix de la Russie » et sa propagande. Elle affirme notamment sur ses réseaux sociaux que c’est l’Ukraine qui aurait déclenché la guerre avec la Russie en 2014 en bombardant le Donbass.
Son retour sur le devant de la scène, symptomatique d’un vent prorusse dans les médias d’extrême droite, est assumé, soutenu même par les têtes d’affiche comme Pascal Praud, qui voit en elle « une voix différente, qui défend le point de vue russe ».
L’extrême droite a toujours été prorusse ?
Pour Patrick Eveno, historien des médias, inviter Xenia Fedorova n’a rien à voir avec le pluralisme ou la liberté d’expression : « Quand elle est invitée dans le JDD, que ces médias font la promotion de ses ouvrages, c’est simplement parce qu’ils sont d’accord avec elle. »
Ce qu’on appelle le revirement prorusse des médias d’extrême droite n’en serait donc pas un. Dans cette nouvelle ligne éditoriale se cache selon lui la simple « continuité » des idées autoritaires, anti-européennes, anti-woke, qui sont communes à Poutine et à l’extrême droite. « Cette pensée est à géométrie variable et est prête à soutenir n’importe qui qui défendrait ces idées » assure l’historien.
Des concordances idéologiques, mais qui n’expliquent pas à elles seules pourquoi les parias pro-russes se retrouvent d’un coup tout en haut de l’affiche. « Même si ces médias étaient d’accord avec beaucoup d’idées russes, ils se retenaient, avance Patrick Eveno, notamment à cause des Etats-Unis. » L’arrivée de Donald Trump et de son comparse Elon Musk, défenseurs de l’anti-wokisme, de la xénophobie, et du conservatisme, aurait « libéré » l’extrême droite européenne.
Des relais parmi les politiques français
Un argument que valide Paul Gogo, journaliste et ancien correspondant en Russie, qui a vu de près le Russia Today de Xenia Fedorova à l’œuvre : « En reprenant les éléments de langage du Kremlin, Donald Trump donne raison aux Russes. » Une réécriture de l’Histoire constante qui libère la parole des médias Bolloré, et leur donne de la matière pour « défendre leurs idées ».
Une propagande qui trouve même des relais dans la politique française comme Nicolas Dupont-Aignan, qui parle de la menace russe comme d’un « délire inventé par le président de la République » ou encore de François Fillon, qui a longtemps siégé au conseil d’administration de plusieurs entreprises russes, et qui balaye dans Valeurs Actuelles la menace russe d’un revers de la main en affirmant que l’islamisme par exemple est un plus grand danger pour la France.
Pour Paul Gogo, l’ère des « usines à troll et de Russia Today » est derrière nous, quand « une internationale nationaliste adhère elle-même à l’idéologie du Kremlin. »
Comme sur l’immigration, installer la peur de la guerre
La galaxie Bolloré fait du prorusse comme elle fait de l’anti-immigration et de l’anti-Europe : en jouant sur la peur. « Ils affirment que si on ne négocie pas la paix maintenant, on va être obligés de faire la guerre, explique Patrick Eveno, donc ce sont Emmanuel Macron et la guerre qui font peur. »
Une posture de pacifisme assez facile à endosser après plusieurs années de guerre, mais qui cache selon Paul Gogo les ressorts de la propagande russe. Comme pour l’immigration, l’objectif est de s’installer, « de mettre d’autres points de vue en tête, de faire douter ».
En témoigne la dernière couverture du JDD, titrée « Guerre en Ukraine : La surenchère de la peur » accompagnée du portrait du président de la République. Dans le papier correspondant, on apprend que le chef de l’Etat chercherait à « faire peur » aux Français avec la possibilité d’une guerre, des propos qui ont obligé l’Elysée à démentir, appelant à « l’unité nationale ». Pas étonnant pour Patrick Eveno : « Ils sont prêts à dire n’importe quoi, comme pour Trump et Poutine, la vérité ne compte pas. »
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