Pourquoi L’Égypte se rapproche de la Chine ?
L’Égypte se rapproche de la Chine sans rompre avec les États-Unis
Alors que l’Égypte reste un partenaire militaire privilégié des États-Unis depuis des décennies, ses relations avec la Chine prennent une ampleur nouvelle, portée par des investissements massifs, des projets structurants et une coopération sécuritaire discrètement croissante. Cette évolution illustre une volonté stratégique de diversification dans un contexte de rivalité croissante entre Washington et Pékin sur la scène mondiale.
Selon des observateurs régionaux, Le Caire ressent de plus en plus les limites de son partenariat avec les États-Unis. L’ancienne puissance tutélaire semble, aux yeux de certains responsables égyptiens, s’éloigner de ses priorités historiques au Moyen-Orient. Des choix politiques récents, notamment ceux de l’administration Trump, ont pu être perçus comme marginalisant l’Égypte dans des dossiers régionaux cruciaux, tels que la médiation dans le conflit israélo-palestinien.
Dans ce contexte, la Chine apparaît comme une alternative crédible. À la différence de Washington, Pékin privilégie une approche axée sur l’investissement économique, la stabilité et la non-ingérence politique. Cette stratégie patiente s’inscrit dans une logique d’influence douce, que certains analystes qualifient de « diplomatie par les infrastructures ».
L’exemple emblématique de cette coopération est la participation chinoise à la construction de la nouvelle capitale administrative de l’Égypte, un projet titanesque situé à l’est du Caire. Contrairement à ses pratiques habituelles dans d’autres pays, la Chine ne s’est pas limitée à accorder des prêts : elle y a directement investi. Ce choix témoigne de la place particulière que l’Égypte occupe dans sa stratégie régionale. Pour Alicia García-Herrero, économiste et chercheuse, cet engagement illustre une volonté claire de Pékin d’ancrer sa présence au cœur du Moyen-Orient.
Historiquement, les liens sino-égyptiens remontent à la crise du canal de Suez dans les années 1950, lorsque Pékin avait soutenu Le Caire contre les puissances coloniales. Ce passé explique aussi l’intérêt continu de la Chine pour les infrastructures autour du canal, un axe stratégique majeur pour le commerce mondial.
Si les relations sino-égyptiennes ont d’abord été économiques, des signes récents laissent entrevoir un début de coopération militaire. Bien qu’aucun accord de défense officiel n’ait été annoncé, plusieurs sources font état d’entraînements de pilotes égyptiens sur des avions chinois. Ce développement est suivi de près par Israël et d’autres acteurs régionaux, dans un climat où les équilibres militaires sont particulièrement sensibles.
Pour certains analystes, l’intérêt croissant de l’Égypte pour l’armement chinois s’explique aussi par la flexibilité de Pékin en matière de conditions d’exportation. Contrairement aux pays occidentaux, la Chine n’assortit généralement pas ses ventes d’armes de restrictions politiques ou de critères de respect des droits humains. Cette posture attire des gouvernements à la recherche d’autonomie stratégique.
Pour autant, la Chine n’a pas encore établi de base militaire officielle en Égypte, comme elle l’a fait à Djibouti. Toutefois, sa présence économique dans la zone industrielle du canal de Suez pourrait constituer une étape intermédiaire vers un partenariat sécuritaire plus poussé. García-Herrero souligne que Pékin utilise souvent ce modèle hybride : une implantation d’abord logistique, suivie éventuellement d’un soutien militaire indirect via la fourniture de technologies.
Cette stratégie correspond à la vision chinoise d’une influence régionale durable, fondée sur la neutralité politique et une diplomatie de long terme. Cette approche a déjà porté ses fruits ailleurs : la médiation réussie entre l’Arabie saoudite et l’Iran, conduite par la Chine plus tôt cette année, en est un exemple. Pour certains, ce succès a renforcé la crédibilité de Pékin comme acteur diplomatique stable dans une région souvent instable.
Toutefois, les relations sino-égyptiennes ne sont pas sans déséquilibres. Le commerce reste fortement asymétrique : les importations en provenance de Chine explosent, tandis que les exportations égyptiennes peinent à suivre. Ce déséquilibre structurel pourrait poser problème à terme, si aucune régulation n’est envisagée.
Dans l’ensemble, l’Égypte semble vouloir équilibrer ses alliances sans rompre avec ses partenaires traditionnels. Si les États-Unis restent essentiels sur le plan militaire, la Chine s’affirme comme un partenaire stratégique incontournable, capable d’offrir à la fois financement, technologie et influence. Le Caire tente ainsi de tirer parti de la compétition sino-américaine pour renforcer sa marge de manœuvre diplomatique et sécuritaire.
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