Pourquoi la distribution de l’aide à Gaza est-elle si complexe ?
Aide humanitaire sous tension
Alors que la crise humanitaire à Gaza ne cesse de s’aggraver, la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), soutenue par les États-Unis, se retrouve au centre d’une vive controverse. Créée début 2024, cette organisation privée est rapidement devenue un acteur central dans la distribution de vivres aux civils, sur fond d’effondrement des infrastructures, d’exode massif et de famine croissante. Mais son mode opératoire, étroitement lié à l’armée israélienne, suscite une opposition croissante des agences de l’ONU et d’ONG internationales.
Un dispositif hors normes
La GHF s’est donnée pour mission d’intervenir rapidement et efficacement là où les acteurs traditionnels rencontrent des obstacles logistiques ou politiques. Pour cela, elle a établi quatre centres de distribution majeurs dans le sud et le centre de Gaza, mobilisant à la fois des bénévoles internationaux – parmi lesquels d’anciens militaires américains – et des travailleurs locaux.
Ses dirigeants affirment vouloir contourner les blocages bureaucratiques et sécuritaires afin d’apporter directement l’aide aux populations en détresse. Mais cette volonté d’efficacité s’accompagne de pratiques controversées, notamment une coordination logistique et sécuritaire avec les forces israéliennes, ainsi que la présence de personnel armé sur certains sites.
La neutralité humanitaire remise en question
Cette militarisation partielle des opérations a provoqué une levée de boucliers. Le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), l’UNRWA et d’autres organisations ont exprimé leur inquiétude. L’ONU refuse toute coopération avec le GHF, dénonçant un modèle qui enfreint les principes fondamentaux de l’aide humanitaire : neutralité, impartialité et indépendance. Certains pays donateurs ont même suspendu leur financement aux projets soutenus par la Fondation.
Shai Grunberg, porte-parole de Gisha, une ONG israélienne de défense des droits humains, est l’une des voix les plus critiques. Selon elle, le modèle centralisé du GHF force les civils à parcourir de longues distances et à se rassembler dans des zones exposées, parfois en plein champ de tir. « Ce ne sont pas des centres d’aide, ce sont des pièges mortels », déclare-t-elle, évoquant des centaines de morts et des milliers de blessés dans ces déplacements forcés.
Des scènes de chaos sur le terrain
Des témoins ont confirmé la présence de tirs à proximité immédiate des bases de distribution, renforçant les craintes d’une insécurité chronique autour des points d’aide. La confusion entre espace humanitaire et zone militaire crée un environnement instable, où les civils se retrouvent au cœur des affrontements.
Défense du modèle par ses partisans
Malgré les critiques, certains défendent fermement le travail de la GHF. Le colonel Richard Kemp, ancien officier britannique récemment revenu de Gaza, a décrit les centres comme étant essentiels à la survie de nombreuses familles. « Les Gazaouis m’ont dit que c’était la première aide gratuite qu’ils recevaient depuis le début du conflit », témoigne-t-il.
Pour Kemp, les structures classiques comme l’ONU ou les ONG historiques sont dépassées par la situation actuelle, notamment en raison des détournements d’aide par le Hamas. Il insiste sur le fait que l’armée israélienne protège les sites des attaques terroristes, et non des civils. « Pourquoi Israël viserait-il un système qu’il contribue lui-même à sécuriser ? », interroge-t-il.
Le nord de Gaza toujours isolé
Une autre critique adressée au GHF concerne la distribution inégale de l’aide. Les centres étant situés dans le sud et le centre, le nord de Gaza reste largement sous-desservi, malgré les appels répétés des ONG et de la population. Les difficultés d’accès, les routes détruites et l’insécurité constante freinent toute tentative d’extension vers ces zones critiques.
Une fracture humanitaire persistante
Le cas du GHF met en lumière les tensions croissantes entre efficacité logistique, exigences sécuritaires et principes humanitaires. Pour ses détracteurs, la fondation incarne une dérive vers la politisation et la militarisation de l’aide. Pour ses partisans, elle représente une alternative pragmatique, dans un contexte où les structures classiques peinent à répondre aux urgences.
À Gaza, où les besoins humanitaires atteignent des sommets, le débat ne fait que commencer. Et pendant que les institutions se divisent sur la méthode, des milliers de civils attendent simplement de quoi survivre au lendemain.
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