Post 7 octobre ; La révolution culturelle au sein du renseignement
L’attaque du 7 octobre a profondément ébranlé l’appareil sécuritaire israélien. Ce jour-là, les services de renseignement furent pris de court par une offensive d’ampleur du Hamas, révélant une faille dans l’évaluation des intentions réelles de l’organisation. Depuis, une réforme majeure est en marche : le renseignement israélien s’oriente à nouveau vers l’humain, l’apprentissage de l’arabe et la compréhension fine des idéologies régionales, après avoir longtemps privilégié les technologies de surveillance.
Un diagnostic sévère : l’ennemi mal compris
Selon un rapport récent, plusieurs officiers admettent qu’avant l’attaque, le Hamas avait clairement affiché ses ambitions militaires. Des entraînements à ciel ouvert et des projets d’assauts contre des localités israéliennes avaient été observés, mais largement sous-estimés. Les analystes, persuadés que l’organisation se satisfaisait de son contrôle sur Gaza et de ses avantages économiques, n’avaient pas envisagé un scénario d’attaque d’une telle envergure.
Un officier cité anonymement parle même d’une « incompréhension fondamentale » de l’idéologie du Hamas et de sa détermination à mener le djihad. Cette erreur d’appréciation a laissé Israël vulnérable, marquant l’un des plus grands échecs de son histoire du renseignement.
La fin du tout-technologique
Ces dernières années, les services israéliens avaient massivement investi dans les technologies de pointe : images satellites, drones, systèmes automatisés de surveillance le long des frontières. Cette stratégie s’est révélée insuffisante. Le 7 octobre a démontré que la technologie seule ne permet pas toujours de percer les motivations profondes d’un adversaire déterminé.
Désormais, l’accent est remis sur le renseignement humain (HUMINT). De nouvelles unités d’enquête voient le jour, des agents sont déployés sur le terrain, et l’objectif est d’infiltrer plus efficacement les réseaux hostiles pour comprendre leurs plans avant qu’ils ne se concrétisent.
Une révolution culturelle au sein du renseignement
La réforme engagée ne se limite pas à la collecte d’informations. Elle vise une transformation de fond dans la formation des futurs analystes et agents. Tous les soldats du Corps du renseignement recevront désormais un apprentissage intensif de la langue arabe et des doctrines islamiques, avec un focus sur les dialectes régionaux : palestinien, yéménite, irakien. L’idée est simple : penser comme l’ennemi pour mieux le comprendre.
Un programme de recrutement en arabe pour lycéens, abandonné depuis six ans, est relancé. L’armée fait appel à des experts, parfois issus de familles originaires du Yémen ou d’autres pays arabophones, pour affiner l’analyse linguistique. Unité fermée jusque-là, la cellule dite Ifkah Mitsabara est réactivée pour remettre en cause les conclusions traditionnelles et encourager une pensée non conventionnelle dans l’évaluation des menaces.
Une évolution sociétale nécessaire
Cependant, cette refonte se heurte à un défi plus large : l’évolution de la société israélienne. Historiquement, une part importante de la population venait de pays arabophones et contribuait naturellement aux services de renseignement. Aujourd’hui, la majorité des Israéliens se tourne vers l’anglais et rêve d’Occident. Le nombre de locuteurs arabes natifs a chuté, et les citoyens arabes israéliens, souvent non soumis au service militaire, restent sous-représentés dans les unités de renseignement.
Des figures comme le colonel (réserviste) Michael Milstein estiment qu’une meilleure maîtrise de la culture et de la langue ennemie aurait permis d’anticiper l’attaque. À l’inverse, l’ancien ministre Dan Meridor nuance : selon lui, l’échec du 7 octobre n’est pas uniquement lié à un manque de connaissances linguistiques, mais à une vision biaisée des voisins arabes, perçus uniquement sous l’angle de l’hostilité, sans véritable dialogue.
Reconstruire la culture du renseignement
Pour le colonel Ofer Guterman, expert en méthodologie du renseignement, Israël doit renouer avec une tradition d’analyse approfondie. « Nous savons découvrir des caches d’armes, mais pas toujours comprendre les projets qui s’y préparent », explique-t-il. L’avenir du renseignement israélien passera par une combinaison d’espionnage humain, de sciences humaines et d’une compréhension culturelle poussée, afin de ne jamais répéter l’aveuglement tragique du 7 octobre.
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