Plans pour Gaza : Israël a-t-il encore son mot à dire ?

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Plans pour Gaza : Israël a-t-il encore son mot à dire ?

Au Conseil de sécurité de l’ONU, la bataille ne se joue plus seulement sur les mots, mais sur l’architecture même du futur de la bande de Gaza. Washington et Moscou ont désormais chacun leur projet de résolution pour encadrer l’après-guerre : deux textes qui affichent, en apparence, le même but – stabiliser Gaza et pérenniser le cessez-le-feu – mais qui traduisent des visions très différentes du rôle de la communauté internationale, du Hamas et de l’Autorité palestinienne.

Le projet américain vise à donner une couverture onusienne au plan de paix en 20 points présenté par Donald Trump fin septembre 2025, devenu la base du cessez-le-feu actuel entre Israël et le Hamas. Ce plan, soutenu par plusieurs capitales arabes et musulmanes, prévoit un arrêt complet des hostilités, la libération des otages israéliens et de prisonniers palestiniens, la démilitarisation de Gaza et la mise en place d’une administration transitoire technocratique sous supervision internationale. Le projet de résolution américain annexe ce document et en fait le socle d’un « règlement global » du conflit.

La pierre angulaire de la proposition américaine est la création d’un « Conseil de paix » (souvent décrit comme un Board of Peace) chargé de piloter la reconstruction et la gouvernance de Gaza pendant au moins deux ans. Ce Conseil disposerait de larges pouvoirs : coordination de l’aide, supervision de la future police palestinienne, contrôle des postes-frontières et suivi de la démilitarisation des groupes armés. Pour imposer ce nouvel ordre, Washington plaide pour le déploiement d’une force internationale de stabilisation forte d’environ 20 000 soldats, recrutés parmi des pays volontaires comme l’Indonésie, l’Égypte, le Qatar, la Turquie ou encore les Émirats arabes unis, mais sans troupes de combat américaines sur le terrain.

Face à ce dispositif ambitieux, la Russie avance un contre-texte beaucoup plus prudent. Moscou reprend certains éléments du projet américain, notamment le soutien à la poursuite du cessez-le-feu, l’importance de l’aide humanitaire et la référence à une solution politique à long terme. Mais le projet russe ne mentionne ni le « Conseil de paix » ni l’endossement explicite du plan Trump. Il se contente de demander au secrétaire général de l’ONU d’« étudier des options » pour une éventuelle force internationale de stabilisation, sans en définir la taille, le mandat ni la chaîne de commandement.

L’une des divergences les plus sensibles concerne le Hamas. Le texte américain, via le plan Trump, insiste sur la démilitarisation de Gaza, le démantèlement des tunnels et des infrastructures militaires, et l’exclusion du Hamas de toute fonction de gouvernance, même si une amnistie est envisagée pour les combattants qui déposeraient les armes. Le projet russe, lui, ne parle ni de désarmement ni de dissolution du mouvement islamiste, renvoyant de fait cette question aux négociations futures. Pour Israël, dont l’objectif de guerre officiel demeure l’éradication des capacités militaires du Hamas, cette omission est loin d’être anodine.

Les deux textes convergent en revanche sur un point : à terme, c’est l’Autorité palestinienne qui est appelée à administrer la bande de Gaza, dans le cadre d’une perspective de solution à deux États. Mais là encore, les modalités diffèrent. Moscou affirme clairement que l’Autorité palestinienne est l’unique autorité légitime, et insiste sur l’unité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie. Washington propose un scénario par étapes : d’abord une administration transitoire technocratique contrôlée par le Conseil de paix, puis un transfert progressif de responsabilités vers une Autorité palestinienne réformée, sous conditions. Autrement dit, la Russie entérine la structure palestinienne existante, là où les États-Unis veulent la remodeler en profondeur.

Une autre différence majeure touche à la souveraineté et au territoire. Le projet russe inclut une clause explicite interdisant tout changement démographique ou territorial dans la bande de Gaza, reprenant une revendication clé de l’Autorité palestinienne, du Hamas et de plusieurs pays arabes. Le texte américain ne contient pas ce verrou. Il met plutôt l’accent sur la coopération sécuritaire avec Israël et l’Égypte pour le contrôle des frontières, ce qui alimente, côté arabe, la crainte d’un statu quo sécuritaire prolongé au bénéfice d’Israël.

Pour Israël, les deux approches présentent des angles morts. D’un côté, la proposition russe ignore la question du désarmement du Hamas et risque, aux yeux de nombreux responsables israéliens, de figer une réalité dangereuse. De l’autre, le projet américain consacre noir sur blanc la solution à deux États et fait de l’Autorité palestinienne le pivot de la gouvernance future de Gaza, deux options auxquelles une grande partie de la classe politique et de l’opinion israéliennes restent farouchement opposées. Le débat au Conseil de sécurité n’est donc pas seulement une querelle de chancelleries : il engage directement la manière dont seront pris en compte – ou non – les intérêts de sécurité d’Israël comme les aspirations nationales palestiniennes.

Au final, cette « bataille des résolutions » illustre un paradoxe familier au Proche-Orient : tout le monde se dit d’accord sur l’urgence de la stabilisation de Gaza, de la protection des civils et d’un horizon politique, mais les grandes puissances divergent sur qui doit tenir les rênes, avec quels moyens et selon quelles lignes rouges. Pendant que Washington et Moscou affûtent leurs textes, la population de Gaza, elle, attend surtout que les décisions prises à New York se traduisent en sécurité réelle, en reconstruction concrète et en perspectives claires pour l’avenir.

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