Paris exige qu’Israël protège son consulat
La demande est inhabituelle dans le ton, mais révélatrice de la tension actuelle entre Paris et Jérusalem. La France a officiellement demandé à Israël de renforcer la protection de son consulat général à Jérusalem, après une série de manifestations hostiles et un incident impliquant un député israélien devant les locaux de la mission. Paris rappelle, en arrière-plan, qu’en vertu de la Convention de Vienne, il appartient à l’État hôte de garantir l’intégrité des bâtiments consulaires et la sécurité du personnel qui y travaille.
Installé depuis 1843 dans la partie ouest de Jérusalem, le consulat général de France occupe une place singulière dans le dispositif diplomatique français. Il est chargé des relations avec les Palestiniens de Jérusalem-Est, de Cisjordanie (ou Judée-Samarie, selon la terminologie israélienne) et de Gaza, et assure les services consulaires pour plusieurs dizaines de milliers de Français de la région, dont environ 25 000 résidents dans la partie ouest de la ville. Au-delà des formalités administratives, il soutient des projets culturels, éducatifs et humanitaires dans les territoires palestiniens, ce qui en fait un symbole visible de l’engagement français en faveur d’une solution politique au conflit.
Depuis plusieurs mois, ce rôle lui vaut des critiques croissantes dans certains milieux politiques israéliens. L’annonce par Emmanuel Macron de son intention de reconnaître un État palestinien, désormais concrétisée sur la scène internationale, a provoqué une vive réaction à Jérusalem. Des responsables de droite et d’extrême droite ont évoqué la possibilité de fermer purement et simplement le consulat français, présenté comme une « quasi-ambassade » auprès des Palestiniens. Dans la presse israélienne, le nom du ministre des Affaires étrangères Gideon Sa’ar a été cité parmi ceux qui soutiennent cette option, perçue en France comme une ligne rouge diplomatique.
C’est dans ce climat déjà tendu qu’est survenu l’incident de la semaine dernière. Lors d’une visite de membres de la Knesset dans la capitale, le député Ohad Tal, élu du parti Sionisme religieux, s’est approché d’un employé du consulat qui se tenait devant le bâtiment. Selon le témoignage français, il lui a lancé qu’il n’avait rien à faire là s’il représentait les Palestiniens, rappelant que « ici, c’est Israël », et promettant de faire en sorte que la mission ne puisse plus fonctionner à cet endroit pour « représenter nos ennemis ». La scène, filmée et largement relayée, a choqué Paris.
Une source diplomatique française a réagi avec fermeté, dénonçant un « acte clairement hostile envers un représentant français » et rappelant que les campagnes visant le consulat durent « depuis longtemps ». Pour Paris, cet épisode confirme la nécessité de garanties concrètes. D’où la demande adressée au ministère israélien des Affaires étrangères pour que des mesures supplémentaires soient prises : sécurisation accrue des abords, prévention des débordements lors de manifestations et intervention rapide des forces de l’ordre en cas de harcèlement du personnel.
Sur le plan juridique, la France s’appuie sur la Convention de Vienne sur les relations consulaires, qui impose à l’État de résidence un devoir particulier : protéger les locaux de la mission contre toute intrusion ou dommage, et veiller à la sécurité des agents. Ces obligations ne disparaissent pas lorsque les désaccords politiques s’intensifient. Pour Paris, il s’agit moins d’un bras de fer que d’un rappel de principe : la critique politique est légitime, la mise en danger de diplomates ne l’est pas.
Pour Israël, le dossier est plus sensible qu’il n’y paraît. Une partie de la classe politique considère que le consulat de France, par son champ de compétence et ses contacts avec les autorités palestiniennes, entérine de facto une séparation entre Jérusalem-Ouest et Jérusalem-Est, à rebours de la revendication d’« Jérusalem capitale unifiée ». Dans ce contexte, la décision de la France de reconnaître un État palestinien est perçue par certains comme une remise en cause directe de la souveraineté israélienne sur la ville.
L’avenir du consulat devient ainsi un baromètre de la relation franco-israélienne. Sa fermeture unilatérale par Israël constituerait une rupture diplomatique majeure, difficilement réversible. Son maintien, au contraire, imposera des garanties de sécurité claires et une capacité des deux partenaires à gérer leurs désaccords sans franchir certaines limites. Entre ces deux scénarios, Paris comme Jérusalem doivent décider s’ils veulent laisser la logique de confrontation l’emporter, ou préserver ce canal historique de dialogue au cœur d’une ville déjà saturée de tensions.
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