Il existe un débat, superficiellement abordé dans les médias, car il relève du droit international, pour savoir qui peut décider de reconnaître la Palestine comme nouvel Etat membre de l’ONU. Est-ce l’Organisation des Nations Unies, le Conseil de sécurité ou l’Assemblée générale ?
Au cours du débat, vous n’entendrez jamais que l’ONU a voté une résolution, la résolution 80 de sa charte*, qui lui interdit d’approuver la demande de l’Autorité palestinienne.
Lorsque cette résolution fut votée, elle fut officieusement appelée la «clause du peuple juif», car elle conserve intacts tous les droits accordés aux Juifs par le Mandat britannique pour la Palestine, même après l’expiration dudit mandat les 14/15 mai 1948.
De quoi s’agit-il ?
La résolution 80 de la charte de l’ONU a force de traité international, car la Charte des Nations Unies dans son entier est un traité international. Appliquée au cas de la Palestine, elle explique que les Droits qui ont été donnés aux Juifs sur la terre d’Israël ne peuvent être modifiés d’aucune façon, sauf si un accord de tutelle entre les États ou parties concernées avait transformé le mandat en tutelle, ou en «territoire sous tutelle».
En vertu du chapitre 12 de la même Charte, l’ONU avait une fenêtre de trois ans pour ce faire, entre le 24 octobre 1945 (date où la Charte des Nations Unies est entrée en vigueur) et le 14/15 mai 1948, date où le mandat a expiré, et l’Etat d’Israël a été proclamé.
Comme aucun accord de ce type n’a été passé pendant ces trois ans, les droits donnés aux Juifs dans le mandat britannique sur la Palestine ont force exécutoire, et l’ONU est bloquée par cet article 80. Elle n’est même pas autorisée à le modifier.
L’ONU n’a donc aucune possibilité de transférer une partie des Droits qui ont été donnés au peuple juif sur la Palestine à une entité non-juive, l’Autorité palestinienne en l’occurrence. Tous les juristes de l’ONU le savent, et butent sur cette résolution incontournable.
De quels droits parle-t-on ?
Article 6 du Mandat: le droit pour les Juifs d’«immigrer librement sur la terre d’Israël et d’y établir des colonies de peuplement»
Parmi les plus importants des Droits conférés aux Juifs figurent ceux de l’article 6 du Mandat, qui reconnaît aux Juifs le droit d’«immigrer librement sur la terre d’Israël et d’y établir des colonies de peuplement».
Sous le mandat britannique, toute la Palestine était réservée à l’établissement du foyer national juif et du futur Etat juif indépendant, en confirmation de ce qui avait été décidé lors de la conférence de paix de San Remo en avril 1920.
Aucune partie de la Palestine concernée par le mandat britannique n’a été donnée pour la création d’un Etat arabe, car les droits des Arabes à l’autodétermination leur ont été accordés ailleurs : en Syrie, en Irak, en Arabie, en Egypte et en Afrique du Nord, et il fut créé 21 Etats arabes contemporains à cet effet, sur une immense masse terrestre qui va du golfe Persique à l’océan Atlantique. Contre un seul Etat pour les Juifs, en Palestine historique.
Il n’y a donc, d’un point de vue juridique pour l’ONU, aucune possibilité de créer encore un Etat arabe indépendant sur le territoire spécifique de l’ex-Palestine mandataire réservé à l’autodétermination juive, et plus particulièrement en Judée, en Samarie et à Gaza.
Créer un tel Etat sur les terres juives serait illégal en vertu de l’article 80 de la Charte des Nations Unies, et outrepasserait l’autorité juridique que l’ONU s’est elle-même donnée. L’ONU est totalement bloquée, quelle que soit sa volonté politique actuelle.
D’une manière plus générale, il est bon de rappeler qu’aucun article de la Charte des Nations Unies ne donne ni au Conseil de sécurité, ni à l’Assemblée générale, ni au Conseil de tutelle, le pouvoir de créer un État indépendant. Si ce pouvoir avait existé, l’ONU serait un pouvoir législatif universel qui pourrait faire ou défaire les États par sa propre volonté, et elle mettrait en péril l’ordre mondial.
L’ONU n’a donc aucun pouvoir légal pour créer un Etat, ou confisquer une partie du territoire d’un autre Etat.
Ileana Ros-Lehtinen, élue républicaine de Floride d’origine cubaine et responsable du comité des Affaires étrangères du parlement américain avait d’ailleurs demandé au Congrès, en août 2011, de voter des sanctions punitives contre l’ONU s’il s’obstine à donner droit à la demande des Palestiniens à la création d’un Etat.
Conclusion
Si quelqu’un veut vous expulser de chez vous, et que vous ne lui mettez pas sous le nez votre titre de propriété pour dire à l’intrus de passer son chemin, il ne faut pas se plaindre ensuite qu’il s’incruste.
C’est hélas ce que l’Etat d’Israël fait depuis 1967 jusqu’à présent. Lorsque la Russie a annexé la Crimée dans le silence de la communauté internationale, Israël aurait dû, dans les 24 heures, annexer la Judée Samarie. La communauté internationale n’aurait pas pu réagir à l’un en faisant silence sur l’autre.
Lorsque vendredi 23 décembre, 14 Etats ont condamné les « colonies » israéliennes au Conseil de sécurité, le Premier ministre israélien devait rappeler les droits d’Israël, il ne l’a pas fait. Il devait aussi dénoncer l’hypocrisie des Etats parmi les 14 à qui l’ONU a demandé de libérer leurs colonies, qui n’ont pas obtempéré, et qui condamnent Israël :
- La France avec ses colonies de Polynésie française et de Nouvelle Calédonie,
- la Russie avec la Crimée et l’occupation d’une partie de l’Ukraine,
- la Chine avec le Tibet et les Îles en mer de Chine,
- la Grande-Bretagne et ses 10 colonies,
- la Nouvelle-Zélande avec Tokelau,
- les Etats-Unis avec les Îles Vierges, Guam, et Samoa.
Ceux-là ont droit d’enfreindre les résolutions de l’ONU concernant leurs colonies, et de voter pour qu’un autre Etat se retire des siennes ? Lesquelles ne sont même pas, au regard du droit international, des colonies ?
Mais si le principal intéressé ne dit rien, ce ne sont pas les Palestiniens qui vont le lui rappeler. Comme on fait son lit on se couche.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour
* Article 80 de la Charte des Nations Unies :
1. Except as may be agreed upon in individual trusteeship agreements, made under Articles , , and , placing each territory under the trusteeship system, and until such agreements have been concluded, nothing in this Chapter shall be construed in or of itself to alter in any manner the rights whatsoever of any states or any peoples or the terms of existing international instruments to which Members of the United Nations may respectively be parties.
2. Paragraph 1 of this Article shall not be interpreted as giving grounds for delay or postponement of the negotiation and conclusion of agreements for placing mandated and other territories under the trusteeship system as provided for in .
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