Obama tend la main à Mamdani
À l’approche du scrutin municipal du 4 novembre à New York, un geste rare a électrisé la campagne : Barack Obama a appelé Zohran Mamdani pour saluer sa dynamique et lui proposer un appui personnel si celui-ci l’emporte. Pour un ancien président, s’aventurer ainsi dans une course municipale relève de l’exception ; le signal est clair : la trajectoire de Mamdani dépasse les frontières de la ville et intrigue tout l’establishment démocrate.
Âgé de 34 ans, député de l’Assemblée de l’État de New York, Mamdani s’est imposé en juin lors d’une primaire bousculant l’ordre attendu. Son pari : se présenter comme l’ingénieur d’un « coût de la vie soutenable » dans une métropole étouffée par les loyers, les transports et l’alimentation. Le cœur de son programme — gel des loyers régulés, bus gratuits, épiceries municipales dans les déserts alimentaires, investissement massif dans le logement — a nourri une coalition hétéroclite : classes moyennes fragilisées, jeunes locataires, travailleurs des services, et une part non négligeable d’électeurs lassés de promesses sans effets.
Le geste d’Obama intervient alors que le duel de novembre s’organise face à Andrew Cuomo, ex-gouverneur devenu indépendant après sa défaite aux primaires, et à Curtis Sliwa côté républicain. L’ancienne architecture électorale — un démocrate modéré face à un républicain — a volé en éclats : le centre cherche son porte-voix, tandis qu’une gauche revendicative occupe le terrain. Dans ce contexte, la parole d’Obama, même mesurée, vaut adoubement : elle ne transforme pas Mamdani en candidat « obamien », mais normalise sa stature de leader municipal potentiel aux yeux d’un électorat plus large.
La participation valide ce frémissement. L’early voting bat des records, bien au-delà des niveaux de 2021. Ce n’est pas qu’un chiffre : c’est l’indice d’un match qui captive, d’un électorat mobilisé par l’enjeu concret — sécurité, prix des loyers, qualité des services — et par la dimension symbolique d’un candidat qui serait le premier maire musulman de New York. Les files aux bureaux de vote disent une chose simple : l’élection n’est pas une formalité et chaque camp a trouvé des raisons solides de se déplacer.
Reste l’angle le plus inflammable : l’international qui s’invite dans la politique municipale. Mamdani, démocrate socialiste et soutien du mouvement BDS, est violemment critiqué pour ses positions sur Israël et Gaza. À droite, et jusqu’en Israël, certains l’accusent d’indulgence vis-à-vis du terrorisme ; à gauche, ses partisans rétorquent qu’il condamne les violences contre les civils et plaide pour une lecture en droits humains du conflit. La polémique n’est pas anecdotique : à New York, ville au tissu juif profondément ancré et à la mémoire vive, la ligne israélo-palestinienne pèse sur les alliances, les soutiens et les soupçons. Mamdani, lui, tente un numéro d’équilibriste : assumer ses convictions internationales tout en ramenant la conversation à la promesse municipale — loyers, bus, police, propreté — qui structurera son mandat.
Dans ce climat, l’appel d’Obama agit comme un stabilisateur. L’ancien président ne valide pas chaque mesure ni chaque prise de position ; il reconnaît une campagne efficace, une énergie d’organisation, et laisse entendre que la ville a besoin d’un maire capable de coaliser large. Autrement dit : si Mamdani gagne, il devra transformer une vague protestataire en gouvernement de résultats. Le message sous-jacent parle autant au candidat qu’à ses adversaires : New York ne se dirige pas depuis Twitter, mais par des compromis, des budgets, des nominations et des échéances incessantes.
Du côté Cuomo, l’argumentaire se concentre sur la faisabilité : les bus gratuits, qui paie ? le gel des loyers, avec quels garde-fous pour l’offre ? la sécurité, avec quels moyens et quelle doctrine ? Ces questions n’épargneront pas Mamdani s’il entre à l’hôtel de ville. Mais elles ne neutralisent pas, à elles seules, une campagne qui a su raconter une histoire de pouvoir d’achat, de dignité urbaine et d’efficacité publique. Le scrutin dira si cette histoire a rencontré, au-delà de sa base, l’inquiétude diffuse d’un grand nombre de New-Yorkais.
À quarante-huit heures du verdict, tout indique que l’élection de 2025 redéfinit les codes politiques de la ville. Un ancien président en « sounding board », une participation dopée, un débat municipal aimanté par l’inflation et l’international : New York rejoue son éternelle spécialité, l’inédit. Reste au vainqueur à prouver que l’audace de la campagne peut se convertir en gouvernance lisible, responsable et mesurable — l’unique terrain où se jugera, au final, la promesse de « rendre la ville à ceux qui y vivent ».
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