Le nom de Populous n’est jamais loin quand émerge l’idée d’un nouveau stade majeur. Dernièrement, le cabinet d’architecte basé à Kansas City a déjà été cité à plusieurs reprises comme futur porteur du projet du PSG, dont le futur semble désormais s’inscrire loin du Parc des Princes. Un thème qu’a refusé d’aborder le président de Populous France, François Clément, en interview à 20 Minutes. « Nous ne pouvons faire aucun commentaire à ce sujet. » Plutôt que de nourrir les spéculations, ce dernier préfère aborder les projets actés : ceux des stades des Coupes du monde 2030 et 2034, mais aussi et surtout la rénovation de la Meinau, à Strasbourg. Avec le souci de repenser constamment l’expérience football.
L’Arabie saoudite et le Maroc viennent d’être nommés respectivement pays hôtes des Coupes du monde 2034 et 2030. Populous porte des projets dans ces deux pays. Comment les définiriez-vous ?
En Arabie saoudite, nous intervenons sur trois enceintes : le stade du roi Salmane, le stade Prince Mohammed ben Salmane et le stade Aramco, des stades d’assez grande importance qui participent de la politique globale du royaume pour un développement de sa société. Le stade Aramco est en bord de mer et sa composition architecturale tourne autour de ça (voir plus bas). Le stade Mohammed bin Salman de Qiddya, est en promontoire face à une vallée. Il sera multifonctionnel pour des offres de type e-sport ou digitalisation des espaces pour autre chose que du football. Vous allez avoir des compétitions de drones, notamment. Enfin, le stade King Salmane apparaît comme sortant du sol et intégré au territoire.
L’intégration sur le marché saoudien a-t-elle été sujette à débat ? Cela ne pose-t-il pas un problème en termes d’image ?
Non, cela fait un certain nombre d’années qu’on travaille là-bas et la seule chose que l’on puisse dire c’est que nous avons affaire à une société en évolution avec un véritable engouement pour le football. Il faut accepter le fait que l’engouement du vieux monde pour ce sport puisse être attendu ailleurs, non seulement en Arabie saoudite, mais aussi au Maroc. Nous sommes au Maroc toutes les semaines, venez à Rabat, venez à Casablanca, voir ce qu’il s’y passe. Venez voir la mise à disposition des espaces publics pour la pratique sportive.
Est-ce que le projet du stade de Casablanca est dimensionné pour accueillir une finale de Coupe du Monde comme le souhaiterait le Maroc ?
Pour le stade Hassan II, Populous a conçu un stade qui permet d’accueillir 115. 000 places, avec les services attendus nécessaires pour l’organisation de la finale de la Coupe du Monde FIFA 2030 et ça, en conformité avec le cahier des charges de la Fifa. C’est aussi le cas du stade Moulay Abdellah à Rabat qui, lui, est calibré pour pouvoir recevoir les demi-finales. Les autres stades du Maroc, du Portugal ou de l’Espagne sont des stades qui sont rénovés. Et qui dit rénovation ou overlay (ajout temporaire de marques ou de messages publicitaires) sur un stade, dit concessions à faire par rapport au cahier des charges, alors que les deux stades cités sont conçus pour recevoir soit la finale, soit la demi-finale à Rabat et à Casablanca.
Au-delà des stades des futures Coupes du monde, vous travaillez à la rénovation et la création de nouveaux stades de football pour les clubs. En 2024, que recherchent vos clients, en France ou à l’étranger ?
D’abord, au-delà des stades nationaux et internationaux, il faut rappeler la spécificité de la France, où les stades de clubs étaient jusqu’à présent des stades communaux, donc loués par les clubs, avec des marges de manœuvre dans leur proposition d’évolution qui sont extrêmement limitées. On s’occupe de la rénovation du stade de la Meinau à Strasbourg [fin des travaux prévus pour juillet 2026], et on a là un très bel exemple de partenariat entre le club et la ville, afin de pouvoir mettre à disposition du club le meilleur outil pour leur permettre un développement économique pérenne.
Concrètement, qu’attend-on de l’outil stade moderne ?
Les stades sont des espaces stériles. A part les jours de match, il n’y a rien qui s’y passe, d’où la nécessité d’avoir des conceptions qui permettent des usages multiples en jour de match et en jours de non-match. A Strasbourg, un travail a été réalisé il y a cinq ans entre le club et les collectivités locales pour identifier un programme très clair, à savoir la réactivation de la zone du quartier de la Meinau. Concrètement, on a affaire à un stade qui pour le moment est entouré de barrières, avec un espace tampon non utilisé. Et donc, un des programmes était de faire disparaître cet espace inutile, afin d’ouvrir les portes du stade et de sa nouvelle tribune et mettre à disposition des espaces d’hospitalité.
Sur quelle base de fonctionnement et d’accès ?
En fonction du type de billet que vous allez acheter, vous allez avoir accès à différents types de services, comme, par exemple, des salons où l’on va vous servir à manger. Et ces espaces-là peuvent être réutilisés aussi en dehors des matchs afin de proposer des services de type séminaire, réunion, restaurant qui puissent permettre au stade de continuer à vivre le reste de la semaine.
Un reproche des reproches faits à ces projets modernes concerne la place prise par ces services d’hospitalité, parce qu’ils sont souvent « premium ». Est-ce un problème qui a été identifié et dans quelle mesure pouvez-vous faire en sorte que les nouveaux stades concernent tout le monde, y compris les personnes issues des classes moins aisées ?
C’est une très bonne question. Effectivement, quand on parle d’hospitalité on a tendance à penser à des clientèles aisées de type VIP. A Strasbourg, il y aura 11 niveaux d’hospitalité alors qu’historiquement, vous aviez une offre de type grand public qui concernait beaucoup de monde, une offre de type intermédiaire qui ne concernait pas la majorité et une offre de type loge, extrêmement premium, chère et très restreinte. Là, on est en train de créer des espaces favorables à la mise en place d’offres intermédiaires.
Et les ultras, le Kop ? Comment être moderne tout en garantissant l’identité et la ferveur d’un public ?
Le Kop contribue à l’atmosphère exceptionnelle d’un stade. A la Meinau on l’a fait passer de 3 000 à 5 000 places. J’ai eu l’occasion, avec nos architectes associés sur Strasbourg, de rencontrer des responsables du Kop pour leur présenter en amont le travail préparé pour eux. Ils nous ont fait un certain nombre de commentaires que nous avons pris en compte. J’ai même eu l’occasion de finir dans le Kop sur le dernier derby qui a eu lieu dans son ancienne version. J’étais sur la plateforme avec les kapos pour vraiment entendre et pour comprendre ce qui se passe.
On a mis à leur disposition des vrais locaux pour que le Kop puisse préparer ses tifos. Les accès de ces espaces sur le bas de la tribune ont été identifiés et conçus avec eux pour qu’ils puissent venir mettre en place les tifos et les sortir comme ils le souhaitent. Et il faut souligner qu’on a également fait un gros travail sur l’accueil des supporters de l’équipe adverse.
C’est un point important à aborder. A l’heure où les interdictions de déplacement de supporters sont devenues la norme, les nouveaux stades peuvent-ils changer la donne pour les fans à l’extérieur ?
A Populous, nous avons la chance d’avoir été invités par le Conseil de l’Europe pour participer aux travaux liés à la Convention de Saint-Denis sur la sécurité la sûreté et les services dans les stades, notamment de football. Et tout le monde s’accorde pour dire que quand les services sont mis à disposition, il y a des changements de comportement de l’ensemble des spectateurs et des supporters.
Parmi les autres préoccupations actuelles, comment vous positionnez-vous sur la question environnementale, sachant que construire des monstres de béton n’est jamais anodin ?
C’est non-négociable. On a par exemple récemment installé une toiture entièrement en photovoltaïque sur le stade olympique de Londres. A La Meinau, la rénovation en tant que telle est la proposition environnementale la plus forte du projet. Puisque vous ne reconstruisez qu’une tribune de 10.000 places pour faire un stade de 32.000 places et vous réutilisez toutes les autres tribunes. Vous ne cassez pas le béton. Vous conservez le béton d’avant. Vous conservez les toitures. Ça, c’est la vraie proposition environnementale, et c’est une proposition politique qui a été insufflée par la communauté.
Il a déjà beaucoup été question de la Meinau, mais il faut tout de même parler de ces fuselages d’anciens Airbus A340 qui formeront le grand brise-soleil du stade…
Etant donné que nous sommes venus sur ce projet avec l’intention de l’ « up-cycling », nous en sommes venus à cette idée atypique de réutilisation de portions de fuselage pour le brise-soleil de la Meinau, où nous allons découper une trentaine d’avions et en récupérer des portions de fuselage, en l’occurrence le tube, que nous découperons. Au total, 196 panneaux feront office de ce brise-soleil, qui est à forte valeur symbolique. Car à partir du moment où vous parlez des brise-soleil de la Meinau, vous êtes obligés d’aborder la question environnementale. Et ça, c’est vraiment les deux côtés de la pièce de notre proposition. Désormais, nous essayons autant que possible d’identifier à chaque fois un élément fort qui permette d’incarner notre idée directrice.
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