Marseille est sous le choc, une semaine après la mort de Mehdi Kessaci, frère du militant engagé contre le narcotrafic Amine Kessaci. Alors que le sujet a pris une ampleur nationale et qu’une marche blanche s’annonce suivie ce samedi, Martine Vassal, la candidate DVD aux élections municipales pour la droite et le centre, a répondu aux questions de 20 Minutes.
Coiffant tour à tour sa casquette de présidente du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille, elle défend son bilan et appelle à une « guerre contre l’insécurité ».
Ce samedi a lieu à Marseille une marche blanche en hommage à Mehdi Kessaci. Serez-vous présente ?
Oui. Cet assassinat a touché la France entière. On est monté d’un cran. Il n’y a pas de mots quand on perd un enfant et surtout dans de telles conditions. C’est innommable.
De nombreuses personnalités politiques prévoient d’assister cet hommage, les ministres de l’Intérieur et la Justice étaient là jeudi. Est-ce encore une fois beaucoup de bruit pour peu d’effets, comme à chaque drame marseillais ?
Je n’ai pas fait d’annonces, mais des demandes. J’avais proposé en février au garde des Sceaux de mettre à disposition un lieu à Marseille pour accueillir le Pnaco, le Parquet national anticriminalité organisé qui va entrer en fonctionnement en janvier. L’option n’a pas été retenue puisqu’il va s’installer à Paris. Mais compte tenu de l’actualité, j’ai demandé aux ministres d’ouvrir une antenne locale, toujours en proposant de mettre à disposition des locaux. J’ai également demandé un renforcement de la police scientifique, de la PJJ, des magistrats… Gérald Darmanin a accepté de renforcer les effectifs, je l’en remercie.
Je pense qu’il faut aussi avoir une action forte sur les consommateurs, avec aussi une évolution qui va dans le bon sens puisque désormais la police municipale a la possibilité de vérifier les identités. Je propose de pouvoir encore élargir leurs pouvoirs. Sur le volet des usagers, il faut travailler sur la non-banalisation des addictions. Il faut soigner ces personnes, et pas simplement en ouvrant une halte de soin ici ou là. L’idée est également de travailler sur l’aide aux victimes, il y a tout un travail d’accompagnement à faire, comme pouvoir déplacer les familles qui le souhaitent par exemple.
Amine Kessaci plaide pour une « révolution sociale » dans les quartiers touchés par le trafic. L’action sociale est une compétence départementale. Quel est votre bilan sur ce point ?
On fait un travail remarquable, mais l’immensité de la tâche est telle qu’il faut tous les acteurs sur le pont. Jeudi, on a encore reçu des menaces sur la maison départementale de la solidarité (MDS) aux Flamants [située dans le 14e arrondissement, la structure subit la pression d’un point de deal installé à proximité, les agents sont en grève]. C’est un point sur lequel j’insiste : il faut de la présence policière pour qu’on ne recule pas sur les services sociaux. Si on s’en va, les trafiquants prennent la place. C’est une des demandes que je fais : mettre des moyens dans l’action sociale pour aider. Aujourd’hui, j’ai des femmes et des hommes très courageux, des éducateurs qui se rendent dans des familles, mais qui ne sont pas suffisamment protégés. Il faut une concorde de la totalité de la chaîne.
Les acteurs de la protection de l’enfance sont mobilisés localement depuis plusieurs semaines. Ils alertent sur un manque de moyens et des situations complexes sur le terrain, que pouvez-vous leur répondre ?
On ne lésine pas sur les moyens au niveau du département, après c’est un problème sociétal global qu’il faut prendre dans son ensemble avec des moyens supplémentaires pour les éducateurs, une reconnaissance de leur travail, un travail main dans la main avec les juges, la police… C’est un travail commun. Jeudi, j’étais à la MDS de la Belle-de-Mai, dans le 3e arrondissement. Je peux tripler le nombre de personnes, mais quand les assistantes sociales sont dans la rue, il y aura toujours des trafics de drogue à proximité. Est-ce que c’est normal ? C’est une guerre contre l’insécurité qu’il faut mener aujourd’hui, à tous les niveaux et avec tous les partenaires. Il y a urgence de prendre le problème dans sa globalité et tous ensemble, et ne pas penser uniquement aux prochaines élections municipales, législatives ou présidentielles.
Après toutes ces années, est-ce qu’il n’y a pas un constat d’impuissance ?
Je suis présidente de deux institutions. Au conseil départemental, j’aide la police, je refais des gendarmeries, j’ai sécurisé des collèges : 90 % des collèges sont sécurisés avec des caméras, des clôtures, des portails d’entrée. Tout ce qu’il était possible de faire au niveau de mes délégations, je l’ai fait. Au niveau de la métropole, j’ai créé un Groupe d’assistance et de protection (GAP) dans les transports, passé de 40 personnes à 99, en les faisant former pour qu’ils puissent avoir des armes non létales. On va aussi mettre des caméras-piéton. A mon niveau, je fais tout ce que je peux et pas depuis hier ni depuis que je suis candidate. La sécurité est notre première liberté.
Dans le passé, Emmanuel Macron avait dénoncé les chicayas locales. Lundi, il convoque une réunion sur la situation marseillaise à l’Elysée. Est-ce un camouflet pour les institutions locales ?
Je suis Marseillaise, je suis née ici, je suis une mère et une grand-mère et je me suis engagée pour Marseille parce que j’aime ma ville et que la façon dont Marseille était traitée m’a toujours choquée. Quand vous avez l’honneur de devenir présidente d’institutions, vous pouvez changer les choses. Ma volonté a été de faire et de changer, sur tout le département des Bouches-du-Rhône. On a tendu les mains à tout le monde. Après il est normal qu’il y ait des choses sur lesquelles je ne sois pas d’accord avec Benoît Payan, car nous n’avons pas la même vision politique. Pour preuves : nos programmes électoraux en 2020 étaient complètement différents.
Mais Paris vient siffler la fin de la récré…
Mais est-ce que la fin a vraiment été sifflée ? Regardez l’état dans lequel est la ville. Aujourd’hui j’ai mal de voir ma ville décliner. Vous pensez que c’est normal quand on propose un contrat de 200 millions pour Marseille sur la base de l’aide aux communes, et que le maire Benoît Payan refuse et veut plutôt 400 millions ? Est-ce que c’est normal quand on me propose des projets, alors que la seule chose que je demande c’est qu’ils soient réalisés dans les trois ans pour avancer, que la ville de Marseille ne propose que des études ? Je vois que ma ville change, mais pas dans le bon sens. Ce que j’ai fait pour le département et la métropole, je veux le faire pour Marseille. Les uns contre les autres, je ne connais pas ça. On a toujours vécu les uns avec les autres. Je suis passé du choc d’autorité à la guerre contre l’insécurité. Je ne lâcherai rien sur ça.
Le député Rassemblement national, et candidat à la mairie, Franck Allisio propose d’instaurer l’état d’urgence à Marseille, qu’est-ce que ça vous inspire ?
Ça m’inspire la privation de liberté. On va punir tout le monde. Le candidat Allisio se réveille aujourd’hui, mais avez-vous vu une loi Allisio sur l’immigration ou sur l’insécurité ? C’est de l’opportunisme électoral. C’est tellement facile d’enfoncer les portes. Moi j’ai des résultats, de l’engagement, une volonté, une détermination et du courage pour arriver à surnager dans ce monde de brutes.
Comment qualifiez-vous le bilan de Benoît Payan ?
« Un mandat pour rien. Et même moins que pour rien, puisque c’est un mandat où la ville a décliné. »
La ville a quand même accueilli le pape François, les Jeux olympiques, elle n’a jamais été autant visitée…
Les Jeux olympiques, c’est l’ancienne équipe municipale qui les a fait venir. Benoît Payan a voté contre au conseil municipal. La visite du pape, nous la devons à Jean-Marc Aveline et Jean-Claude Gaudin. Quel est le prochain évènement que Benoît Payan a lancé pour attirer autant de monde et avoir autant de concordes ? Quels sont les projets réalisés pour cette ville, en dehors des projets métropolitains qu’il s’approprie ?
Et sur les transports en commun, un dossier épineux pour Marseille, les chantiers ont-ils avancé ?
La sécurité a été ma priorité sur le département, le transport a été ma priorité sur la métropole. Et ça sort : au mois de janvier, on inaugure l’extension du tramway T3 à Marseille, de Gèze à la Gaye. Sur l’extension du tramway entre le quartier Saint-Charles et la Belle-de-Mai, il y avait un tracé, mais qui ne convenait pas à la ville de Marseille. On a été obligé de repartir de zéro. J’espère qu’on finira en même temps que la gare Saint-Charles [dont la livraison est prévue pour 2035]. Mais où vous avez vu une ville qui bloque des projets alors qu’une institution veut faire et donner de l’argent ? Maintenant, je veux faire pour Marseille ce que j’ai fait pour le département et la métropole. Je rêve d’avoir des transports en commun sur la totalité de cette ville et de ne pas avoir des quartiers qui soient isolés comme les quartiers Sud ou Est. Quand on veut être maire, on veut être maire de tous les Marseillais et les Marseillaises. Benoît Payan évoque l’abandon des quartiers Nord. Mais dans les quartiers Sud, il y a des gens en grande précarité, qui ont aussi besoin de transports en commun. Qu’on commence par un quartier parce qu’on ne peut pas tout faire, je peux l’entendre. Mais qu’on ne mette pas des bâtons dans les roues pour empêcher les autres de se déplacer en toute liberté. Il faut arrêter de perdre du temps et mettre en place des personnes compétentes qui ont un passé, qui ont prouvé qu’elles étaient capables de faire. Et pas simplement pour avoir un poste ou pour se mettre dans un fauteuil d’élu.
Qu’est-ce qui vous a manqué en 2020 pour l’emporter ?
L’union.
Êtes-vous encore un soutien d’Emmanuel Macron ?
J’ai appelé à voter Macron en 2022 dans des conditions très particulières où l’on se demandait si on n’allait pas entrer en guerre. Je voyais qu’à droite, l’offre faite n’était pas à la hauteur de la France. J’ai fait le choix du local plutôt que du national. Quand un président vous dit : « Je vais donner de l’argent pour Marseille », vous dites : « Merci », vous prenez l’argent et vous le dépensez. Aujourd’hui, le milliard qui nous a été concédé par l’Etat, dont 500 millions de subventions, il est dépensé, et programmé. Il faut vraiment que les électeurs marseillais fassent le distinguo avec le national.
« Ici, ce n’est pas Paris. C’est Marseille. On a une fierté, une appartenance. On veut que cette ville soit vraiment la deuxième ville de France. »
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