« Montréal sombre dans le chaos » : le témoignage choc d’un médecin juif

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 Canada aussi, les juifs assistent à une résurgence de l’antisémitisme. Lior Bibas, cardiologue juif québécois, témoigne sur l’ampleur de ce phénomène.

Dans les semaines qui ont directement suivi le 7 Octobre, 132 crimes et incidents haineux ont visé la communauté juive à Montréal. © Graham Hughes/AP/SIPA

Comme le racontait Deborah Lyons, envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, dans les colonnes du en mai : « Il est clair, d’après les données que nous voyons, en particulier celles provenant des unités de police à travers le Canada, qu’il y a une énorme augmentation de l’antisémitisme […]. Je dirais que le niveau d’antisémitisme au Canada n’a jamais été aussi élevé. Il est sans précédent. » Selon l’organisation juive canadienne B’nai Brith, 5 791 incidents de violence, de harcèlement et de vandalisme visant la communauté juive ont été enregistrés en 2023 au Canada. C’est deux fois plus qu’en 2022.

Au Québec, l’antisémitisme est au cœur des inquiétudes des 90 000 Juifs qui y vivent. Face à cette haine qui frappe la province francophone et particulièrement Montréal, « quel avenir pour nos plus jeunes ? » s’émeut Lior Bibas.

« Le chaos, avec la loi et l’ordre apparemment abandonnés »

Dimanche, sur son compte Twitter, 48 heures après des manifestations pro-palestiniennes théâtre de violents débordements,, Lior Bibas a publié un thread sur ses inquiétudes du moment. « Je suis un Juif québécois et canadien de première génération, et en observant ma ville natale, Montréal, sombrer dans le chaos, avec la loi et l’ordre apparemment abandonnés pour apaiser des lâches masqués et haineux, je ressens l’urgence de partager mon point de vue », écrivait-il. Son témoignage poignant a été lu plus d’un million de fois.

« La communauté juive de Montréal est l’une des plus remarquables au monde », raconte au Point le médecin. Communauté soudée, quartiers juifs sécurisés, écoles communautaires prestigieuses, colonies de vacances organisées, esprit de solidarité… « Comparé à Toronto, nous avons une communauté très chaleureuse », se satisfait Lior Bibas. Cet enfant de deux parents marocains ayant immigré à Montréal se réjouit par ailleurs de l’« hétérogénéité » et des mélanges culturels au sein de la communauté grâce à une vague d’immigration juive séfarade francophone dans les années 60 au Québec.

« Et on doit vivre avec… Mais ce n’est pas normal ! »

Mais tout a changé après le 7 Octobre. « J’ai été profondément choqué quand, dès le 8 octobre 2023, j’ai vu des militants pro-palestiniens célébrer les attaques et distribuer des bonbons », se souvient Lior Bibas. Dans les semaines qui ont directement suivi les massacres perpétrés par le Hamas, 132 crimes et incidents haineux ont visé la communauté juive à Montréal. Des écoles juives ciblées par des tirs, des synagogues visées par des cocktails Molotov, des affiches antisémites relayées sur les réseaux sociaux, un chargé de cours de l’université de Montréal insultant publiquement des étudiants juifs de « putes » et leur lançant : « Retournez en Pologne »… La liste des récents heurts antisémites est bien trop longue pour être exhaustive.

Face à cette résurgence de l’antisémitisme, Lior Bibas se fait du souci pour la sécurité et l’avenir de ses trois enfants, âgés de 6, 4 et 2 ans. Autour de l’école de son fils aîné, des compagnies de sécurité privée et des bénévoles d’un réseau de sécurité formé par la communauté juive, le Community Security Network, se relaient pour veiller sur les jeunes et notamment pendant les fêtes juives. Des forces de l’ordre font aussi régulièrement des rondes autour des lieux communautaires. « Nous ne pouvons plus organiser des événements religieux sans sécurité, c’est tout simplement impossible. Et on doit vivre avec… Mais ce n’est pas normal ! » s’agace le Québecois.

Lior Bibas regarde aussi d’un œil inquiet le climat parfois antisémite que l’on peut retrouver dans certaines universités à Montréal. « Je ne veux pas que mes enfants aillent dans une école où ils auront peur de dire qui ils sont. Alors, s’il le faut, je paierai pour qu’ils aillent ailleurs. » Il résume le fond de sa pensée en une question : « Mes enfants pourront-ils vivre dans cette ville jusqu’à leurs 90 ans ? »

Une banalisation de l’antisémitisme comparable à la France

La communauté juive montréalaise vivant beaucoup dans les mêmes quartiers et villes de la région métropolitaine de recensement de Montréal (RMR), comme à Côte Saint-Luc – près de 20 000 résidents juifs sur 34 000 habitants –, il règne toujours, à ce jour, un sentiment de sécurité dans la plupart des zones d’habitations, selon Lior Bibas. « Je n’ai pas entendu parler de Juifs cachant leur mezouzah ou leurs étoiles de David par exemple. Par contre, il y a des quartiers peu fréquentables où, oui, on les cacherait. »

« Je discutais récemment avec des collègues Français juifs qui ont immigré à Montréal il y a 10 ou 20 ans et qui me disaient que ce qu’ils voient aujourd’hui à Montréal est exactement la raison pour laquelle ils avaient quitté la France », confie avec amertume Lior Bibas.

« C’est le moment de se montrer fort, fier et de se battre »

Le cardiologue dénonce aujourd’hui une forme d’absence de soutien de la maire de Montréal Valérie Plante et du gouvernement fédéral de Justin Trudeau. En juin, le Centre for Israel and Jewish Affairs demandait à la maire « des actions fortes afin de rétablir la paix et sécurité sur nos campus, et de restaurer la paix et la sécurité dans nos rues, face aux manifestants aux discours antisémites et aux radicaux qui y sèment le désordre et qui y intimident la communauté ».

Cependant, le médecin québécois ne veut pas baisser les bras et conclut sur une note d’espoir : « Malgré la montée d’antisémitisme, parallèlement, la communauté s’est renforcée autour de ses principes et de sa volonté de rester pour se battre. La communauté ici est devenue encore plus tissée-serrée [expression québécoise qui signifie soudée, NDLR]. Sur Twitter, certains me conseillaient de partir, mais non, je crois que c’est le moment de se montrer fort et fier, de se battre et de dire : “Nous sommes là depuis 250 ans et nous ne partirons pas.” »

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