Merci d’avoir survécu Dr Borlant

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Merci d’avoir survécu Dr Borlant

Quentin Haroche 

Paris – Seul enfant français rescapé de la Shoah, le Dr Henri Borlant, généraliste, est décédé ce mardi.

Henri Borlant – Éditions du Petit PavéIl s’appelait Hirsch Borlant. Hirsh est un drôle de nom, pas très français, avait fait remarquer son frère Léon, qui avait donc décidé que tout le monde l’appellerait Henri. Ses parents, en effet, n’étaient pas très français. Rachel et Aron, juifs d’Odessa, avaient fui les pogroms de la Russie tsariste, convaincus que la France, patrie des droits de l’Homme, était comme immunisée contre le fléau de l’antisémitisme. L’avenir allait malheureusement leur donner tort.

Henri Borlant a 12 ans quand la guerre éclate en 1939. Lui, ses parents et ses neuf frères et sœurs quittent Paris pour la campagne. Pour échapper aux lois antisémites, toute la famille se convertit au catholicisme. Henri reçoit le baptême, fait sa première communion et songe à se faire prêtre. Mais l’antisémitisme racial des nazis et de leurs alliés de Vichy n’a que faire de cette conversion. Comme des millions de familles juives en Europe, la famille Borlant va bientôt être pris dans un engrenage mortel.

La vie d’Henri Borlant bascule le 15 juillet 1942 quand la police allemande vient l’arrêter lui, sa mère, son frère Bernard et sa sœur Denise, pour les emmener au séminaire d’Angers transformé en camp d’internement. Le père d’Henri obtient finalement d’être échangé avec sa mère. Avant de monter dans le train qui les envoie vers l’Est, Henri laisse un mot à sa mère : « maman chérie, il parait que nous partons en Ukraine pour faire les moissons ».

Rendre sa fierté à sa mère

Trois jours plus tard, ce n’est pas en Ukraine, mais en Pologne, dans le camp d’extermination d’Auschwitz, qu’Henri et sa famille arrivent. Sur les 827 passagers de ce convoi n°8 parti le 20 juillet 1942, seulement 14 personnes reviendront de cet enfer. Le père, le frère et la sœur d’Henri ne feront pas partie de cette poignée de survivants. Assassinés, envolés par la cheminée.

Henri n’a pas le temps de s’apitoyer sur leur sort : il a faim. « La faim de quelqu’un qui mange peu pendant des semaines, c’est une faim qui l’envahit tout entier » racontait-il.« On n’est pas malheureux, on est affamés, on n’est qu’une faim. Le désespoir, c’était pour ceux qui étaient bien nourris ».

Solide gaillard de 15 ans, il est affecté à un commando de maçonnerie. Pendant près de trois ans, il va parvenir à survivre, malgré les privations, malgré la maladie (il contracte le typhus et la dysenterie), malgré les mauvais traitements et les exécutions sommaires, passant entre les gouttes des sélections vers la chambre à gaz. « J’ai vu des gens mourir le crâne fracassé, j’ai vu des gens pendus, étranglés, des gens mourir de faim » se souvenait-il.
Au cours des terribles marches de la mort de 1945, alors qu’il a été transféré dans un camp dans le centre de l’Allemagne, il parvient à s’évader et trouve refuge chez un Allemand, militant antinazi. De quoi retrouver un peu foi en l’humanité.
Revenu à Paris, il fait comprendre à sa mère que son mari et ses enfants ne reviendront pas, sans pouvoir lui raconter l’horreur. Après avoir échappé à la mort, Henri doit se construire un avenir. Avant la guerre, il hésitait entre devenir prêtre ou garagiste. Mais il voulait « rendre sa fierté » à sa mère, « humiliée par le destin comme ce n’est pas possible, en exerçant un métier socialement considéré ». Alors qu’il n’avait que le certificat d’études en poche, il reprend ses études, jusqu’à décrocher son doctorat en médecine en 1956.

Le seul survivant des 6 000 enfants juifs déportés

Installé comme généraliste à Paris en 1958, il décide de se consacrer aux patients délaissés : les pauvres, en participant à l’assistance médicale gratuite (sorte d’ancêtre de la CMU) et les femmes, en collaborant avec le Planning Familial. « Mon attention aux patients en détresse a-t-elle fait écho à mon histoire de déporté ? Je serais bien incapable de répondre à cette question » confiait-il à nos confrères du Quotidien du Médecin en 2015.
Pendant des décennies, le Dr Borlant ne parlera jamais des atrocités dont il a été témoin, sauf avec ses « copains de déportation ». Il faudra attendre les années 1990, avec l’éclosion des discours négationnistes, pour que le généraliste sorte de son silence. Il se souvient notamment de son premier retour à Auschwitz, en 1995, en visite scolaire avec des adolescents.

L’historien Serge Klarsfled lui apprend alors que des 6 000 enfants juifs français de moins de 16 ans déportés durant la guerre, il est le seul survivant. « J’ai eu comme un vertige, c’est très impressionnant de se dire que sur 6 000 enfants, on est le seul à pouvoir parler, je n’ai donc pas le droit de me taire ».

Alors le Dr Borlant, désormais retraité, est devenu un « passeur » d’Histoire, « pour que tout le monde sache », convaincu du « devoir sacré de témoigner de ce crime inouï, inimaginable ». Inlassablement, Henri Borlant témoigne, dans des écoles, des universités, des prisons, en France et à l’étranger et participe à des documentaires, des conférences… Un jour, alors qu’il vient de raconter son récit à une classe de 3ème, un adolescent lui laisse un mot : « merci d’avoir survécu ». Ce sera le titre de ses mémoires, publiés en 2012.
Plus de 82 ans après être monté dans un train qui devait l’envoyer vers la mort, Henri Borlant est décédé ce mardi à l’âge de 97 ans. Le Mémorial de la Shoah a salué « une mémoire de la Shoah en France, profondément humble et engagé ».

JForum.fr avec  www.jim.fr

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