Mark Zuckerberg a un cœur d’artichaut. Après le métavers, voilà qu’il s’est pris de passion pour le « fédivers » : son nouveau réseau social Threads va progressivement s’intégrer à cette sphère. Une marotte qui mérite qu’on s’y attarde car elle représente un virage à 180 degrés pour le groupe Meta. Alors que le réseau social Facebook a toujours fonctionné en vase clos, le « fédivers » est en effet construit de manière diamétralement opposée.
L’idée est que l’utilisateur d’un réseau A puisse interagir avec celui d’un réseau B sans pour autant s’inscrire à ce dernier. D’où le nom « fédivers », contraction de l’expression « fédération d’univers ». Cela nécessite de s’accorder sur des standards techniques communs. Mais derrière, les bénéfices sont vastes : les utilisateurs d’un réseau peuvent communiquer et consulter aisément ce qui est publié sur des plateformes concurrentes.
Dans le paysage numérique actuel, le concept semble d’une modernité folle. Il n’est pourtant pas neuf. L’idée d’interopérabilité a gouverné la construction d’Internet et a incroyablement accéléré son développement. C’est grâce à cela, par exemple, que les utilisateurs de Gmail peuvent communiquer avec ceux d’Outlook ou de Yahoo sans que cela ne pose le moindre problème. Dans les années 2010 et 2020 des plateformes comme Facebook, Twitter puis TikTok ont cependant acquis une telle popularité qu’elles ont pu imposer leurs modèles fermés. Leur âge d’or touche à sa fin. Au gré des scandales, les utilisateurs mesurent de mieux en mieux à quel point les grands réseaux fermés et leur modèle gratuit adossé à la publicité ne sont pas construits pour eux, mais pour les annonceurs. L’intérêt grandissant pour des réseaux alternatifs ouverts comme BlueSky (lancé par le fondateur de Twitter Jack Dorsey) ou Mastodon le prouve : les internautes sont avides de nouveaux modèles. Meta a compris qu’il lui fallait changer son fusil d’épaule s’il ne voulait pas se retrouver dans le club des ringards.
Ce n’est pas la seule volte-face du groupe sur ses fondamentaux. Alors que Meta avait jalousement gardé secrets les algorithmes de Facebook ou d’Instagram, il est contre toute attente devenu le fer de lance du mouvement open source dans l’intelligence artificielle qui prône le partage des développements de chacun au nom de la transparence et du progrès collectif. Si l’IA open source a fleuri de manière incroyable en 2023, c’est en effet largement grâce à Meta qui a rendu public son grand modèle de langage Llama 2. Yann LeCun, directeur de la recherche sur l’IA du groupe, est également devenu l’un des porte-paroles les plus actifs et influents de ce mouvement.
Cette stratégie de la volte-face est payante. En 2022, l’image de Meta était écornée. Facebook avait de plus en plus de mal à retenir les plus jeunes internautes. L’affaire Cambridge Analytica puis les révélations de Frances Haugen avaient laissé des traces. Et l’opération ripolinage autour du métavers n’avait pas suffi à rendre au groupe son aura d’antan. Le pari sur les univers immersifs n’était pourtant pas idiot, mais ses effets ne seront pas palpables avant longtemps.
La stratégie de Meta en 2023 est beaucoup plus maligne et a bien replacé le groupe dans l’air du temps. Elle fonctionne d’autant mieux que le rachat de Twitter/X par Elon Musk, qui avait suscité beaucoup d’espoir au départ, est désormais source de déception. A peine trois jours après son arrivée en Europe mi-décembre, Threads, le nouveau réseau social de Meta qui s’en veut un concurrent direct, a d’ailleurs enregistré plus de 2,6 millions de téléchargements dans la zone. Même si le combat de catch entre Zuckerberg et Musk n’a pas eu lieu, le créateur de Facebook a tout de même amoché l’adversaire.
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