
Selon un récent rapport du Wall Street Journal, l’Iran aurait commandé à la Chine plusieurs milliers de tonnes de substances essentielles à la fabrication de missiles balistiques, dans un contexte où le pays cherche à renforcer ses capacités militaires tout en restant engagé, au moins en façade, dans des discussions nucléaires avec les États-Unis. Cette révélation éclaire les ambitions régionales persistantes de Téhéran, en dépit des pressions occidentales.
Le composant principal de ces cargaisons est le perchlorate d’ammonium, un oxydant indispensable à la fabrication du propergol solide, utilisé comme carburant pour les missiles balistiques. Des spécialistes estiment que la quantité prévue pourrait suffire à produire environ 800 missiles, ce qui constituerait une reconstitution significative de l’arsenal iranien.
Réseaux d’approvisionnement opaques
D’après les sources citées, l’entreprise iranienne Pishgaman Tejarat Rafi Novin Co. serait à l’origine de la commande. Les produits chimiques proviendraient de Lion Commodities Holdings Ltd., une société basée à Hong Kong. Ni cette dernière, ni les représentants iraniens aux Nations Unies n’ont souhaité commenter l’affaire. De son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères a nié toute connaissance de cet accord, en rappelant que la Chine impose des restrictions strictes à l’exportation de matériaux à double usage.
Malgré ces dénégations, des précédents existent : plus tôt cette année, des navires iraniens avaient déjà récupéré en Chine plus de 1 000 tonnes de perchlorate de sodium, un autre agent chimique utilisé dans la production d’explosifs et de carburants solides. Cette livraison aurait permis à elle seule la fabrication de plus de 250 missiles à courte portée.
Renforcement de l’« Axe de la Résistance »
Au-delà de la reconstitution de ses propres stocks, l’Iran entend également fournir ses alliés régionaux. Une partie des matériaux devrait ainsi être expédiée aux milices pro-iraniennes telles que les Houthis au Yémen. Ces derniers continuent de viser Israël par des tirs sporadiques, malgré les pertes infligées par les frappes américaines et israéliennes. L’Iran aurait également transféré des missiles balistiques à des groupes armés chiites basés en Irak, qui ciblent régulièrement des positions américaines ou israéliennes.
Cette dynamique s’inscrit dans un objectif plus large : reconstruire l’influence régionale de Téhéran par le biais de son « Axe de la Résistance », constitué de groupes armés affiliés ou soutenus par les Gardiens de la Révolution. Plusieurs revers récents, notamment l’élimination de figures clés comme Qassem Soleimani ou de hauts dirigeants du Hezbollah et du Hamas, avaient porté un coup à ce réseau. La nouvelle stratégie iranienne semble donc viser une reconstitution rapide de ces capacités, en s’appuyant sur des partenaires régionaux éprouvés.
Enjeux de sécurité et accidents industriels
Le stockage de produits chimiques de haute dangerosité dans des installations peu sûres constitue une autre dimension préoccupante de cette relance militaire. Une explosion survenue en avril dans le port de Shahid Rajaee aurait été causée par une mauvaise manipulation de matières explosives, imputée à une unité des Gardiens de la Révolution. Cet incident aurait entraîné la perte d’une partie des cargaisons récemment importées, ainsi que des dizaines de victimes.
Selon Fabian Hinz, analyste à l’Institut international d’études stratégiques, « ces substances présentent un haut risque d’incendie ou d’explosion, et l’industrie iranienne de défense n’a pas un historique rassurant en matière de sécurité ». L’importation continue de matières propulsives étrangères révèle aussi les limites de la production domestique iranienne, tributaire de fournisseurs extérieurs pour maintenir ses chaînes de fabrication opérationnelles.
Une politique de sanctions renforcée
Face à ces développements, les États-Unis ont réagi en élargissant leur régime de sanctions. Le 29 avril, le département du Trésor a placé six individus et six entités, basés en Iran et en Chine, sur sa liste noire. Deux semaines plus tard, d’autres sociétés chinoises et hongkongaises ont également été visées. En parallèle, le perchlorate de sodium a été ajouté à la liste des substances suspectées d’usage militaire.
Cette politique vise à empêcher l’Iran de renforcer son arsenal balistique tout en cherchant à maintenir une pression maximale sur son programme nucléaire. Celui-ci continue de progresser, malgré les avertissements américains : Téhéran enrichit désormais l’uranium à des niveaux très proches de ceux requis pour une arme nucléaire, tout en refusant de discuter de son programme de missiles lors des négociations internationales.
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