L’instabilité en Iran fait craindre au Pakistan une montée du terrorisme
Tensions croissantes au Baloutchistan
Alors que la situation sécuritaire se dégrade en Iran, le Pakistan, déjà confronté à des frontières sensibles avec l’Inde et l’Afghanistan, redoute une nouvelle crise à sa limite ouest. L’armée pakistanaise s’inquiète d’un effet domino provoqué par une déstabilisation du régime iranien, qui pourrait offrir un terrain propice à l’expansion de groupes militants séparatistes ou djihadistes le long des 900 kilomètres de frontière commune.
Cette préoccupation a été évoquée en haut lieu lors d’une réunion à la Maison Blanche entre le chef de l’armée pakistanaise, le général Asim Munir, et l’ancien président américain Donald Trump. Les deux dirigeants ont souligné la nécessité de résoudre le conflit régional, alors que les attaques israéliennes contre des installations nucléaires iraniennes ont ravivé les tensions.
Le Pakistan ne cache pas son opposition à ces frappes, qualifiées de violations du droit international. Le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères, Shafqat Ali Khan, a déclaré que ces événements mettent en péril l’équilibre de sécurité régional. « Ce qui se passe en Iran nous affecte profondément », a-t-il souligné.
Sur le terrain, plusieurs groupes armés opèrent dans la région frontalière entre le Pakistan et l’Iran, notamment Jaish al-Adl (JaA), une organisation sunnite djihadiste composée de membres issus de la minorité baloutche. Ce groupe a récemment salué le chaos résultant de l’escalade entre Israël et l’Iran, le présentant comme une occasion de renforcer sa lutte contre Téhéran.
En réponse, Islamabad craint un effet miroir : que ses propres séparatistes baloutches, installés côté iranien, saisissent également cette instabilité pour intensifier leurs actions contre l’État pakistanais. L’ambassadrice pakistanaise à Washington, Maleeha Lodhi, a exprimé sa crainte de voir émerger des « zones non gouvernées » devenant des sanctuaires pour les groupes extrémistes.
La situation est d’autant plus sensible que la minorité baloutche, présente des deux côtés de la frontière, se sent marginalisée tant par Téhéran que par Islamabad. Ce sentiment d’exclusion a alimenté, depuis plusieurs décennies, des mouvements de rébellion appelant à l’indépendance. D’un côté, la province pakistanaise du Baloutchistan, et de l’autre, le Sistan-Baloutchistan iranien, partagent des revendications ethniques et politiques similaires. L’idée d’un « Grand Baloutchistan » indépendant, regroupant ces deux régions, gagne du terrain dans les milieux militants.
Selon l’analyste Simbal Khan, basé à Islamabad, les factions baloutches, jusque-là dispersées, pourraient se fédérer si la crise venait à s’aggraver. « Ils vont tous se battre ensemble si cela explose », a-t-il mis en garde.
Historiquement, les relations entre l’Iran et le Pakistan ont été tendues à cause de ces groupes rebelles. En 2023, les deux pays avaient échangé des frappes aériennes, chacun accusant l’autre de tolérer des militants agissant contre lui. L’Iran avait aussi régulièrement accusé Israël, les États-Unis, et certains pays du Golfe de soutenir les séparatistes baloutches sur son sol, avec la complicité tacite d’Islamabad.
Ce climat régional déjà tendu est aggravé par les ambitions stratégiques. Par exemple, la Chine investit massivement dans les infrastructures pakistanaises, en particulier à travers le corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), centré sur le port de Gwadar. Or, ce dernier se situe en plein cœur du Baloutchistan, une zone d’insécurité chronique. Des groupes rebelles baloutches ont déjà attaqué des ouvriers chinois ou ciblé des projets liés à Pékin, ce qui alimente les inquiétudes de la communauté internationale.
Autre élément géopolitique : l’Inde. Jusqu’à récemment, Téhéran entretenait des relations relativement stables avec New Delhi, rivale historique du Pakistan. Depuis l’attaque israélienne contre l’Iran, l’Inde est restée silencieuse, refusant de condamner ouvertement les bombardements. Cette position renforce l’idée, du point de vue pakistanais, d’un réalignement stratégique régional, qui pourrait laisser Islamabad isolé dans une zone de plus en plus instable.
Dans ce contexte, les autorités pakistanaises s’efforcent de maintenir la stabilité interne tout en se préparant à une éventuelle intensification des troubles à leur frontière ouest. Le défi est double : contenir les aspirations séparatistes à l’intérieur du pays et empêcher que les soubresauts iraniens ne viennent raviver des foyers d’insurrection endormis.
La frontière irano-pakistanaise pourrait ainsi devenir le prochain théâtre d’affrontements indirects où se croisent intérêts régionaux, revendications identitaires et ambitions géopolitiques. Pour le Pakistan, l’objectif reste clair : éviter qu’un effondrement du voisin iranien ne transforme cette bande frontalière en zone de non-droit.
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