La plus belle femme du XXe siècle avait eu le courage d’affronter le temps et ses blessures. Elle avait quitté le cinéma il y a près de cinquante ans et depuis avait consacré toute son énergie à la défense des animaux.
Bardot ! La Bardot ! Brigitte Bardot ! Qui prétendra qu’il y eut femme plus belle qu’elle au XXe siècle ?
Femme plus sensuelle, plus rayonnante, femme à la démarche de sylphide – la danse classique lui avait donné une aristocratique silhouette -, femme au corps idéal, tout en courbes et déliés voluptueux, femme au port de reine, femme magnétique réveillant d’instinct hommes comme femmes – car les femmes aimaient Brigitte Bardot et des générations l’imitèrent. Femme enfant avec son minois de chat – à la fin de sa vie, elle ressemblait à un très beau persan, visage large, nez court, regard pénétrant -, femme irrésistible avec sa moue boudeuse et son éclat de rire malicieux. Femme de rêve qui fit chavirer bien des hommes de Roger Vadim à Serge Gainsbourg en passant par Jean-Louis Trintignant, Sami Frey, Jacques Charrier, Günter Sachs, tant d’autres. Jusqu’au moment où elle trouva le calme d’une vie loin des flashs ou des caméras auprès de Bernard d’Ormale qu’elle épousa en 1992. Heureuse avec des moments de doute, jusqu’aux crises et au désespoir. Mais vaillante, battante, pugnace et hyperactive dans la défense de la cause animale. Elle est alors infatigable et d’un courage jamais en défaut.
Brigitte Bardot avait quitté le cinéma en 1973. En 2010, une exposition d’une grande ampleur lui avait été consacrée au Musée des années trente à Boulogne-Billancourt. N’en déplaise aux grincheux qui déversèrent des sarcasmes sans même avoir franchi le seuil des salles, cette manifestation montée par Henry-Jean Servat et Tristan Duval dut être prolongée et attira non seulement les nostalgiques de sa génération, mais toute une foule de jeunes gens et de jeunes filles approchant enfin cette légende dans la rayonnante splendeur de sa beauté et dans l’énergie de ses engagements. Car les sections consacrées à sa lutte contre le massacre des bébés phoques comme à la Fondation pour les animaux furent parmi les plus fréquentées.
C’est forte d’une filmographie très intéressante qu’elle avait fermé sans regret le chapitre «cinéma» de sa vie. Elle tournait Colinot Trousse-Chemise sous la direction de Nina Companeez. Turban sur la tête, elle avait accueilli son agent, sa marraine attentive, Olga Horstig, et lui avait dit : «Qu’est-ce que je fais là avec ce machin sur la tête ? Je suis ridicule. Je ne tournerai plus.»
Et plus jamais elle ne refit du cinéma. On était donc en 1973 et elle avait tourné 46 films. Elle n’avait pas quarante ans…
Il fallut des années pour évaluer à sa juste mesure ce chemin et comprendre la particularité de son jeu. Dans les années 1970, malgré son parcours, il était encore de bon ton de moquer son jeu, sa voix traînante, sa candeur. Elle s’en moquait comme d’une guigne. Elle avait entamé une carrière de chanteuse après son torride 68 passé à la Maison des arts, sur les quais de la Seine à Paris, avec son amoureux et Pygmalion d’alors, Serge Gainsbourg.
Celle qui n’avait pas craint de jouer dans un film intitulé Une ravissante idiote savait, elle, où elle allait. Elle n’avait pas conscience de ce qu’elle laisserait dans l’histoire du cinéma. Elle y était tombée toute petite, au fond, et n’y avait pas été franchement heureuse. Libre, elle se moquait pas mal de ce que l’on pouvait dire d’elle. Sans doute se souvenait-elle, et cela lui suffisait, du regard de Jean Anouilh couvant la jeune première de L’Invitation au château, la seule escapade de Brigitte Bardot sur les planches.
Une beauté sidérante à l’influence extraordinaire
Belle, belle, c’est tout simplement d’abord parce qu’elle était d’une beauté sidérante que Brigitte Bardot a exercé, au cœur de la société française, et du monde, une influence extraordinaire. Malgré elle souvent, mais aussi en toute conscience parfois. Dans l’avant-propos du livre que lui avait consacré Henry-Jean Servat au moment de l’exposition, Brigitte Bardot : la légende (Éd. Hors Collection), elle écrivait : « Portée par un courant que je n’ai pas maîtrisé, ma vie a basculé bousculant tout ce qui fut mon enfance et mon éducation. » Ce courant, c’est celui d’une époque. Elle n’est pas venue trop tard dans un monde trop vieux. C’est comme si on l’avait attendue et que, dès les premières couvertures des Veillées ou d’Elle, quelque chose avait frappé chacun : elle n’était pas comme les autres. Elle irradiait. Elle dégageait. La danse avait exalté son allure de déesse, son port de reine. Elle avait dès ce moment-là un sourire éclaboussant, un visage plein et des lèvres sensuelles. Belle, mais pas seulement.
Née le 28 septembre 1934, elle grandit dans une famille bourgeoise des beaux quartiers : très bien élevée, Brigitte Bardot. Il faut se replacer dans l’époque. Avant guerre, à un moment où les femmes se libèrent un peu – «les Garçonnes», la mode souple – mais où elles demeurent pour l’essentiel soumises au destin, d’ailleurs le plus souvent heureux, de se marier et d’avoir des enfants. Chez les Bardot, l’éducation est sévère. Et les deux filles, Brigitte et sa sœur Mijanou, sont soumises à rudes punitions dès qu’elles font une bêtise. En même temps, ces parents, pour bourgeois soient-ils, aiment le monde du spectacle et le fréquentent. Papa Pilou, industriel, taquine la muse et sa mère rêve d’ouvrir une maison de couture. Brigitte présente les modèles. Cette maman a pour amie Hélène Gordon-Lazareff. C’est cette dernière qui sera déterminante dans le chemin que va prendre la jolie Brigitte, par-delà les défilés de mode «maison» !
Elle a les cheveux châtains. Elle fait de la danse. Une des plus jolies photographies de la jeune Bardot la représente en jeune danseuse, entre opéra et cabaret… loin du petit rat dont existent aussi des images. Et bientôt, tout naturellement, des photos de mode.
Son père, quelques années plus tard à peine, voulut faire interdire les affiches de Manina, la fille sans voiles… film qu’elle tourna dès 1952, la même année que le charmant Trou normand de Jean Boyer avec Bourvil ! D’un côté, une gentille petite fille, de l’autre, une pin-up en Bikini blanc ! Apocalypse des bonnes familles. Mais au fond, les Bardot sont, eux aussi, autant que B.B., représentatifs d’une évolution de la société française, dans les années 1950. Et c’est en famille qu’elle passe ses vacances à Saint-Tropez. Le village est encore celui de Colette et non celui de la jet-set.
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