Liban : la frontière s’échauffe, l’Europe s’alarme

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Au Liban-Sud, le quotidien de la frontière est redevenu celui des détonations brèves et des alertes. Ces derniers jours, plusieurs frappes de précision ont visé des véhicules et des sites logistiques du Hezbollah dans la région de Nabatieh, notamment près de Harouf et de Taoul. Les médias locaux ont rapporté la mort d’un cadre du mouvement chiite touché en voiture, tandis que l’armée israélienne a revendiqué la neutralisation d’opérateurs impliqués dans la remise en route d’infrastructures militaires. À cela s’ajoute un rythme soutenu de survols de drones et de ripostes ponctuelles, qui entretient une stabilité de façade, mais une nervosité maximale sur le terrain.

Derrière cette mécanique de « frappe-réponse », un constat stratégique s’impose : Israël entend empêcher le Hezbollah de reconstituer dépôts, postes d’observation et chaînes d’acheminement vers le Sud-Liban, en particulier après les coups portés à ses structures depuis un an. Côté libanais, les autorités politiques évoquent un processus de désarmement progressif au sud du Litani, placé sous l’égide de l’armée, mais sans confrontation ouverte avec le Parti de D’ — une ligne rouge pour éviter un embrasement intérieur. Or, les réalités du terrain démentent ce calendrier : les reconstructions clandestines se multiplient, et des émissaires iraniens sont régulièrement cités par les médias comme superviseurs de ces « remises en état ».


Sur le plan régional, la température diplomatique monte d’un cran. Des sources européennes, relayées par la presse arabe, estiment qu’une offensive israélienne d’envergure « n’est plus qu’une question de temps » si les provocations persistent. L’évaluation renvoie à un calcul classique : empêcher une consolidation militaire adverse aujourd’hui pour renégocier, demain, à partir d’un rapport de force plus favorable et d’un espace tampon plus profond. En d’autres termes : si la dissuasion échoue, la manœuvre préventive redevient une option.

La partie se joue aussi dans les salles de réunion. Washington et Paris poursuivent leurs efforts pour ancrer une architecture post-crise : mécanisme de surveillance des violations, rôle accru de la FINUL, et surtout responsabilisation explicite de l’armée libanaise. À ce titre, l’activisme américain s’est intensifié : l’émissaire Morgan Ortagus multiplie les allers-retours entre Beyrouth, Jérusalem et les capitales régionales pour consolider le cessez-le-feu, prévenir le réarmement au Sud-Liban et pousser un plan libanais de « monopole des armes » par l’État. Objectif affiché : tarir l’accès du Hezbollah à des plateformes de tir proches de la frontière et réduire l’attrition quotidienne qui use les populations des deux côtés.


Reste la question des « violations », chacune des parties accusant l’autre de saboter l’accalmie. Des analystes proches des mécanismes de suivi soulignent que, lorsque des doléances ne sont pas traitées rapidement par les médiateurs, Israël agit unilatéralement contre ce qu’il qualifie de cibles militaires, au risque de relancer l’engrenage. Le Hezbollah, de son côté, brandit l’argument de la « résistance » pour justifier des déploiements et tirs de harcèlement. Dans cette configuration, chaque frappe ciblée vise autant une capacité qu’un message : il s’agit de fixer des lignes rouges, de perturber les reconstructions et de rappeler que l’« équilibre de la dissuasion » ne se discute pas seulement dans les chancelleries, mais aussi sur les routes secondaires de Nabatieh.

Trois paramètres détermineront la suite :

1) Le tempo des frappes ciblées. Tant que celles-ci restent chirurgicales et centrées sur des acteurs ou infrastructures à haute valeur, l’escalade peut demeurer contenue. Mais une bavure majeure ou une frappe symbolique (cadre très haut placé, site « sanctuarisé ») peut faire basculer la logique vers une campagne plus large.


2) La capacité du Liban à « tenir » son plan. La doctrine d’un désarmement gradué au sud du Litani ne vaut que si l’armée peut contrôler les axes, démanteler des caches et répondre aux pressions locales. Sans effet tangible, la rhétorique perdra toute crédibilité auprès des médiateurs — et Israël considérera que la fenêtre diplomatique s’est refermée.

3) L’alignement transatlantique. L’Europe et les États-Unis craignent l’ouverture d’un nouveau front, mais leur message se durcit : le Hezbollah doit s’éloigner de la frontière et renoncer à la reconstitution immédiate de ses capacités. À défaut, un « coup de torchon » israélien deviendrait plausible, avec tous les risques de débordement régional que cela implique.

La priorité d’Israël est claire : empêcher un Hezbollah réarmé de menacer durablement sa population du Nord. Dans ce cadre, des frappes de précision au service d’une dissuasion crédible, combinées à une pression diplomatique pour faire respecter le désarmement au sud du Litani, répondent à un impératif de sécurité légitime. La solution la plus responsable passe par une application stricte des engagements : retrait des moyens offensifs du Hezbollah de la frontière, contrôle effectif du terrain par l’État libanais, et liberté d’action d’Israël contre toute menace imminente. C’est la condition pour éviter une guerre ouverte — et créer, enfin, un espace de stabilité au Nord.

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