L’Europe ferme ses portes aux Israéliens
Le Mirage des Passeports Européens : Israël Face à un Refus Collectif
Dans les cafés branchés de Tel-Aviv ou les quartiers résidentiels de Haïfa, une fièvre discrète anime les conversations familiales : la quête d’un deuxième passeport, ce sésame vers un horizon plus serein. Depuis l’escalade des tensions sécuritaires en 2023 et la flambée des prix immobiliers – où un appartement moyen avoisine les 2 millions de shekels –, des milliers d’Israéliens redécouvrent leurs ascendances européennes. Descendants de Séfarades chassés d’Espagne en 1492 ou de Juifs ashkénazes fuyant les persécutions nazies, ils affluent vers les consulats pour transformer un héritage généalogique en document tangible. Mais cette ruée, multipliée par cinq depuis l’attaque du 7 octobre, heurte un mur : l’Europe, jadis généreuse en réparations historiques, durcit ses exigences, transformant un droit en labyrinthe administratif.
L’Allemagne, porte d’entrée privilégiée pour les victimes du nazisme, a vu ses demandes bondir à 50 000 en 2024, contre 10 000 l’année précédente. Les archives de Yad Vashem et les synagogues locales croulent sous les dossiers, mais Berlin impose désormais des entretiens obligatoires et des traductions certifiées, allongeant les délais à trois ans. « C’était fluide avant ; aujourd’hui, c’est un parcours du combattant », soupire Yoav Stern, expert en naturalisations germaniques, dont le cabinet traite 2 000 cas annuels. L’Italie, via la loi « jus sanguinis », exige une présence physique de six mois sur son sol, repoussant les espoirs d’une procédure à distance. Le Portugal et l’Espagne, qui offraient depuis 2015 des voies express aux Séfarades – avec 200 000 bénéficiaires cumulés –, ont pivoté en 2024 : Lisbonne requiert une validation par un tribunal rabbinique, tandis que Madrid scrute les liens culturels via des tests linguistiques en ladino.
Cette vague n’est pas un exode, mais une assurance-vie pragmatique. Noga Ben-Ari, quadragénaire de Tel-Aviv gérant une start-up tech, incarne ce phénomène : « Pour mes trois enfants, c’est une porte ouverte vers des études abordables en Europe, pas un abandon d’Israël. » Avec un coût de la vie en hausse de 15 % depuis 2023 – carburant à 7 shekels le litre, éducation privée exorbitante –, le passeport européen promet des visas Schengen illimités et un filet contre l’instabilité. Daniel Levy, ingénieur à Haïfa dont les aïeux fuirent l’Allemagne en 1938, y voit un cercle vertueux : « Reprendre ce qu’on nous a volé, c’est réparer l’histoire sans renier notre présent. » Les statistiques du Bureau central des statistiques confirment : 160 000 Israéliens expatriés en 2025, dont 40 % en Europe, un record dopé par les conflits régionaux.
Pourtant, ce balancier identitaire oscille avec les revirements européens. La Roumanie, généreuse pour ses 3 000 descendants juifs annuels, aligne ses critères sur l’UE en exigeant des preuves notariées. Même les États-Unis, via la loi pour les victimes de génocides, voient leurs quotas se resserrer, avec des délais doublés à 18 mois. Les motifs invoqués ? Une « instrumentalisation » des lois mémorielles : des familles sans lien direct gonflent les files, et des fraudes – comme des généalogies falsifiées – ont émergé, menant à 500 annulations en Espagne en 2024. Résultat : des files d’attente virtuelles de 100 000 demandes au Portugal, et une frustration palpable chez les candidats, qui déboursent jusqu’à 5 000 euros en frais légaux.
Ce resserrement reflète un glissement profond dans la diaspora israélienne. Moins dogmatique que les pionniers sionistes, cette génération millennial – 70 % des demandeurs ont moins de 40 ans – marie attachement à la Terre promise et ouverture globale. Des sondages internes à des agences comme EuroPassport révèlent que 80 % des bénéficiaires n’envisagent pas de quitter Israël définitivement, utilisant leur nouveau statut pour des voyages familiaux ou des opportunités professionnelles. À Jérusalem, des ateliers généalogiques fleurissent, mêlant recherche d’arbres familiaux sur Ancestry et consultations rabbiniques pour valider les conversions séfarades. Mais face à ces obstacles, certains pivotent vers des options alternatives : la citoyenneté chypriote via investissement, ou des visas dorés en Grèce, moins scrutés.
Cette quête, loin d’être une fuite, souligne la maturité d’une société confrontée à l’adversité. Elle interroge l’équilibre entre héritage traumatique et avenir proactif : comment honorer les racines sans diluer l’identité nationale ? En 2025, avec une économie tech florissante – 10 % du PIB en exportations high-tech – et une natalité record de 3 enfants par femme, Israël démontre sa vitalité intrinsèque.
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