Les Turcs à la frontière : Erdogan prend pied à Gaza
Le scénario se complexifie au Moyen-Orient : le rôle de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan à la frontière de la bande de Gaza devient plus tangible que jamais. Selon plusieurs observations récentes, la Turquie aurait déjà établi un « pied à terre » à Gaza, dans le cadre de la phase II de l’accord de cessez-le-feu entre Israël, les États‑Unis et Qatar. Des images diffusées montrent des équipements d’ingénierie arborant le drapeau turc sur le territoire gazéen.
La Turquie a annoncé son intention de participer à un groupe de surveillance de l’accord, aux côtés d’Israël, des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte. Cet accès inédit place Ankara dans une position centrale dans la diplomatie post-conflit de Gaza, ce que Jérusalem n’avait jusqu’alors pas envisagé.
Sur le plan financier, le plan de reconstruction de Gaza est estimé à près de 50 milliards de dollars, selon l’envoyé américain Steve Witkoff. Il indique que le financement « sera levé rapidement », et que la « partie la plus facile » est de réunir les fonds, alors que la vraie difficulté sera le « plan directeur global ». Des gouvernements du Moyen-Orient — Turquie incluse — sont pressentis pour apporter une contribution importante.
Or, cette montée en puissance turque ne se fait pas sans tensions. Certains représentants israéliens s’élèvent contre la présence d’Ankara à leur frontière, estimant que la Turquie, qui finance depuis des années des ONG et groupes islamistes liés à la bande de Gaza, contribue en fait à affaiblir les intérêts d’Israël.. La ministre israélienne des Implantations, Orit Strock, s’est dite outrée : « Comment se fait-il que nous essayions d’éloigner la Turquie de la Syrie et que nous la laissions entrer à notre frontière par la grande porte ? Je ne veux voir aucun Turc à Gaza ».
Du côté israélien, cette décision d’impliquer la Turquie et le Qatar suscite un sentiment fortement négatif. Yael Sabrigo, nièce d’un soldat israélien enlevé à Gaza, a accusé le gouvernement de « façonner le Hamas aux dépens de ses propres citoyens », en laissant intervenir des « forces internationales financées par les mêmes entités qui aident le Hamas ».
Pour la Turquie, ce rôle est une victoire diplomatique. Ankara a toujours entretenu des canaux de communication avec Hamas — non reconnu comme organisation terroriste en Turquie — et cette position unique lui permet aujourd’hui d’être considérée par Washington comme un « médiateur crédible ». Grâce à ce rôle, Erdogan cherche à faire passer son pays d’un statut de critique d’Israël à celui d’acteur incontournable de la reconstruction et de la gouvernance de Gaza.
Cependant, cette stratégie comporte des risques. D’une part, la Turquie reste très hostile sur le plan rhétorique à Israël : elle a qualifié son offensive de « génocide », et ses relations bilatérales sont en nette détérioration. D’autre part, Ankara ne contrôle pas totalement les structures militaires du Hamas — souvent liées à l’Iran — ce qui fragilise son influence réelle sur le terrain.
Pour Israël, laisser la Turquie s’installer dans la bande de Gaza revient à accepter un changement de la donne stratégique à sa frontière : ce qui était jusqu’à présent un périmètre sous contrôle israélien se trouve désormais ouvert à un acteur qui a des antécédents conflictuels avec Israël. Cela pose des questions de sécurité, de souveraineté et d’équilibre régional.
En parallèle à ce jeu diplomatique, la situation humanitaire à Gaza reste dramatique. Hôpitaux à moitié fonctionnels, épidémies potentielles et reconstruction urgente forcent l’intervention internationale. Israël reste prêt à reprendre les opérations militaires si le Hamas ne respecte pas ses engagements, ce qui rend l’engagement turc encore plus sensible.
Dans ce contexte, Israël doit veiller à préserver ses intérêts de sécurité tout en gérant un rôle turc désormais inscrit dans l’équation. Il est essentiel pour Israël de rester ferme sur les garanties autour du cessez-le-feu, du désarmement du Hamas et de la tenue d’une gouvernance palestinienne fiable — sans laisser Ankara imposer ses conditions à la frontière israélienne. En ce sens, Israël doit exiger un cadre clair, transparent et strict pour toute implication turque, afin que la sécurité israélienne, la libération des otages et le retour à une normalité durable dans la région ne soient pas compromis.
Pour Israël, l’insertion de la Turquie à Gaza doit être encadrée avec vigilance. Si Ankara peut apporter un soutien humanitaire utile, Israël ne peut pas renoncer à sa primauté en matière de sécurité à sa frontière. Il est impératif que Tel-Aviv impose des conditions claires : pas d’affaiblissement de sa posture militaire, pas de mainmise turque sur les mécanismes de surveillance du cessez-le-feu et une responsabilité partagée dans la neutralisation du Hamas. Israël doit rester le garant de sa propre défense tout en participant à une reconstruction qui vise la paix, non l’expansion d’influence turque à ses dépens.
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Il faut identifier ses ennemis, les reconnaître, les designer, pour eviter les mauvaises surprises. La Turquie est un pays dont les dirigeants n’aiment pas Israel, ce sont des islamistes.
Le Qatar également évidemment.