Les micro-ondes changent l’équation des drones
Dans la nouvelle grammaire des conflits, un drone à 2 000 dollars peut obliger la défense à tirer un missile à 2 millions. Cette absurdité économique est devenue l’un des talons d’Achille des armées modernes, confrontées à des essaims de drones iraniens, houthis ou russes capables de saturer les défenses classiques. D’où l’engouement pour une famille d’armes longtemps fantasmée : les systèmes à micro-ondes de haute puissance, ou HPM, qui promettent de griller l’électronique d’une nuée entière d’engins en une fraction de seconde.
Pour des responsables de l’industrie israélienne, ces HPM représentent tout simplement le « Saint Graal » des intercepteurs de drones. Ils sont considérés comme l’étape supérieure de la lutte anti-UAS, au-delà de la guerre électronique (brouillage, piratage), des projectiles cinétiques et même des lasers. L’idée est simple : plutôt que de viser un drone après l’autre, on projette un cône d’énergie électromagnétique capable de neutraliser simultanément tous les systèmes électroniques présents dans une zone donnée.
En Israël, cette réflexion n’est pas théorique. Lors de la récente guerre de douze jours contre l’Iran, connue sous le nom d’« Opération Lion ascendant », plus d’un millier de drones ont été lancés vers le territoire israélien. La plupart ont été interceptés, mais au prix d’un recours massif à des intercepteurs coûteux, conçus à l’origine pour des missiles bien plus dangereux que des quadricoptères explosifs. Quand chaque engin low-cost oblige à dégainer un missile haut de gamme, même un pays technologiquement avancé finit par parler de modèle « insoutenable ».
C’est précisément là que les armes HPM changent la donne. Contrairement aux missiles ou aux lasers, qui frappent des cibles individuelles, un système HPM émet une impulsion d’énergie qui perturbe – voire détruit – les composants électroniques de plusieurs drones à la fois. Pour contrer un essaim, il n’est plus nécessaire d’aligner autant de tirs que de cibles : une seule « salve » peut balayer tout un nuage d’engins bon marché. Le coût par tir chute, la logistique s’allège, et la défense redevient soutenable dans la durée.
La course à cette technologie est désormais mondiale. Aux États-Unis, le système Leonidas développé par la société Epirus a déjà démontré sa capacité à mettre hors d’état de nuire des essaims entiers, lors d’essais où des dizaines de drones ont été neutralisés en une impulsion. Au Royaume-Uni, un démonstrateur à haute fréquence testé par l’armée a réussi à faire tomber un ensemble de drones pour un coût par tir de l’ordre de quelques centimes, preuve qu’on peut allier efficacité opérationnelle et sobriété budgétaire. Le Japon, de son côté, finance à hauteur de centaines de millions de yens un programme HPM présenté comme un futur « game changer » pour la défense de ses îles face aux drones et missiles de croisière.
Israël, déjà pionnier en matière de défense multi-couches, ajoute progressivement ce maillon à sa chaîne. Après Iron Dome pour les roquettes, puis David’s Sling et Arrow pour les menaces plus lourdes, le pays a développé Iron Beam, un laser de haute énergie conçu pour intercepter drones, roquettes ou mortiers à très faible coût. Ce système laser a récemment achevé une campagne d’essais réussie et doit entrer en service opérationnel, avec un coût par interception proche de zéro et une « réserve de munitions » virtuellement illimitée, limitée surtout par l’alimentation électrique et les conditions météo.
Les HPM, eux, n’offrent pas la précision chirurgicale d’un laser : ils frappent une zone plutôt qu’un point. Mais c’est précisément ce qui en fait l’arme idéale contre les essaims, lorsque les drones sont nombreux, petits et proches les uns des autres. Dans une architecture de défense bien pensée, chaque technologie trouve sa place : missiles pour les menaces lourdes et lointaines, lasers pour les cibles individuelles précieuses ou isolées, micro-ondes de haute puissance pour les nuages de drones bon marché qui cherchent à saturer le système.
Pour Israël, confronté aux arsenaux iraniens, aux drones du Hezbollah et aux attaques répétées des Houthis en mer Rouge, la combinaison de ces moyens à énergie dirigée n’est plus un luxe futuriste, mais une nécessité stratégique. La prochaine bataille ne se jouera pas seulement à qui aura le plus de drones, mais à qui saura les neutraliser au meilleur coût. Sur ce terrain, les micro-ondes à haute puissance s’imposent déjà comme l’un des atouts les plus prometteurs de la défense aérienne du XXIᵉ siècle.
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