Les limites planétaires sont-elles un indicateur fiable pour mesurer les crises environnementales ?

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C’est une alerte de plus qui vient d’être lancée : la septième limite planétaire, l’acidification des océans, a été franchie. Ce sont les conclusions du dernier bilan annuel de l’Institut de recherche sur le climat de Potsdam (PIK), publié cette semaine. Au nombre de neuf, ces limites planétaires sont des « processus […] identifiés scientifiquement comme clés dans la régulation de la stabilité, la résilience et la capacité du système Terre à maintenir la vie », décrit le rapport. En bref, les limites à ne pas dépasser pour continuer à vivre sur Terre de manière durable et sûre. 20 Minutes fait le point sur cette notion, centrale dans l’étude de l’environnement, mais parfois critiquée.

Ces neuf limites planétaires sont introduites par une trentaine de chercheurs dans un article publié en 2009 dans la revue Nature. Ces scientifiques étudient la Terre de façon pluridisciplinaire et mettent en évidence son fonctionnement complexe, dans lequel les crises environnementales sont multiples. Une approche nouvelle qui permet d’appréhender ensemble les menaces qui pèsent sur la planète, du changement climatique à la perte de biodiversité en passant par la pollution, la couche d’ozone ou le cycle de l’eau.

Des seuils subjectifs ?

Pour chaque limite identifiée, les scientifiques ont défini différents seuils, en majorité chiffrés, au-delà desquels les conditions de vie de l’humanité seraient menacées. Mais ces seuils font l’objet de controverses parmi la communauté scientifique. Laurent Bopp, directeur de recherche au CNRS à l’Institut Pierre-Simon-Laplace, estime notamment que « la manière dont sont définies les limites est largement subjective et pas toujours basée sur une science très solide ».

Pour la dernière limite franchie, à savoir l’acidification des océans, dont le chercheur est spécialiste, « ils ont choisi une valeur qui ne correspond pas à un seuil géophysique, biologique ou écosystémique », estime-t-il. Des chiffres qui laissent penser « qu’à une limite planétaire correspond une sorte de seuil au-delà duquel les choses seraient très graves mais qu’en dessous, on peut s’en accommoder assez facilement. Or, l’acidification avait déjà des effets avant que le seuil soit atteint ».

Laurent Bopp pointe aussi le fait que parler de seuil ouvre la porte à des propositions qui, sous couvert d’essayer d’éviter de franchir ces limites planétaires, sont en réalité « des fausses solutions ». Le risque est également de relâcher les efforts une fois une limite jugée atteinte : « Si on franchit le 1,5 °C de hausse des températures globales, l’objectif, après, est de rester le plus proche possible de cette valeur, pas de laisser tomber ou de trouver des solutions extravagantes pour faire redescendre ces températures. »

Mettre en évidence l’urgence

Pour Nathanaël Wallenhorst, chercheur membre de l’Anthropocene Working Group et auteur de 2049 – Ce que le climat va faire à l’Europe (Ed. Seuil, 2025), ces critiques sont normales et saines : « Dans les systèmes complexes, il y a forcément de la complexité, et dès qu’il y a de la complexité, il y a du hasard, donc de l’incertitude », développe le chercheur, pour qui « la controverse scientifique est très importante ».

D’autant que ces incertitudes ne viennent en rien brouiller les conclusions et le message principal derrière la notion de limites planétaires, à l’image « du lait qu’on laisse sur le feu alors qu’on sort de la cuisine », illustre Nathanaël Wallenhorst. « On ne sait pas exactement quand le lait va sortir de la casserole, mais une chose est sûre, c’est qu’il va finir par déborder. » Pour le climat, le constat, quelles que soient les valeurs des seuils, est sans appel : « Si on continue sur la même trajectoire, la vie humaine en société ne sera pas possible, ou alors elle sera d’une difficulté sans nom, caractérisée par des famines, une pénurie d’eau, des guerres, du chaos », tranche le chercheur.

« Interpeller les sociétés »

Une conclusion que partage Laurent Bopp, qui voit tout de même un intérêt à cette notion de limites planétaires. Il reconnaît volontiers que « mettre dans un même cadre conceptuel l’ensemble des grandes crises environnementales est une très bonne idée, alors qu’elles sont souvent discutées de façon séparée ». Dans le même temps, ce concept permet de mettre sur le devant de la scène des crises environnementales dont on parle moins, comme l’acidification des océans. « Cela met un coup de projecteur sur cette crise et permet de discuter de ses principes, ses causes et ses conséquences, voire des solutions potentielles. »

Notre dossier Planète

Et si les critères et seuils choisis font l’objet de controverse, « le modèle sur les limites planétaires a ceci de très puissant : que des chercheurs s’appuient sur leur expertise pour interpeller les sociétés, montrer l’ampleur du risque et inciter à l’action », poursuit Nathanaël Wallenhorst, qui conclut que les « articles appellent les sociétés à se saisir de ces seuils pour définir eux-mêmes leurs propres limites, ce qu’on peine à faire pour l’instant ». En clair, selon Laurent Bopp : « Ce sont des limites pour lesquelles on a besoin d’une discussion collective qui va alimenter une discussion publique et politique pour la mise en place de limites, qui vont ensuite conduire à des politiques publiques. »

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