Les Juifs entrés au Panthéon depuis 10 ans. Jean Zay (2015), Simone Veil (2018), Robert Badinter (2025) et bientôt Marc Bloch ».

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L’article ci-dessous (ledevoir.com) est intéressant car il révèle fidèlement l’ère du temps sur l’antisémitisme en France.

Selon www.ledevoir.com: « Depuis le massacre du 7 octobre 2023, on estime que 5000 Juifs ont quitté la France, une augmentation de 100 % comparée aux années précédentes. Après la Russie et les États-Unis, la France est le pays qui fournit chaque année le plus de nouveaux immigrants à Israël. En septembre, plus de 3000 familles se sont inscrites au Salon de l’Alyah qui se tient chaque année à Paris.

Cette progression va de pair avec celle des actes antisémites déclarés, qui ont progressé de 284 % entre 2022 et 2023 pour atteindre le record de 1676, selon le ministère de l’Intérieur. Loin devant les catholiques, eux-mêmes suivis des musulmans, les Juifs sont l’objet de 50 % des actes antireligieux, alors qu’ils représentent moins de 1 % de la population (450 000).

Une époque bénie aujourd’hui terminée

« J’ai mal à ma France », dit Maurice Dahan, qui songe à partir. « Je m’y prépare, mais ce n’est pas si simple », dit-il, ne serait-ce que pour faire reconnaître ses diplômes de dentiste. Son frère qui était radiologiste à Marseille travaille aujourd’hui par imagerie de Jérusalem pour des laboratoires français. Président du consistoire israélite du Bas-Rhin, qui représente les 20 000 Juifs de la région, Maurice Dahan est arrivé avec ses parents à l’âge de cinq ans de la petite ville de Béni Mellal, au Maroc. « L’école israélite venait de fermer. Mes parents ne voulaient pas aller à Casablanca ni à Marrakech. Ils cherchaient une école juive. L’une des meilleures se trouvait à Strasbourg. C’est ici qu’on a décidé de s’intégrer. »

« J’ai vécu l’époque bénie de la Ve République. Dans le club de sport, on avait de bons rapports avec les Maghrébins. Plusieurs sont encore mes patients et, même depuis le 7 octobre, ne craignent pas de venir prendre un café en terrasse avec moi. » Mais, avec les plus jeunes, ce n’est plus la même chose, dit-il. « Ils ne savent même pas où se trouve la Palestine. Intoxiqués par un discours d’extrême gauche, ils se sont mis à importer un conflit qui se déroule à 4000 kilomètres d’ici. La cause palestinienne est devenue leur aphrodisiaque. Si j’entre dans une manifestation palestinienne, je ne survis pas plus de trois minutes. »

M. Dahan n’ose plus porter sa kippa à Paris ni au-delà d’un certain périmètre à Strasbourg. Récemment, deux Tchétchènes armés d’un couteau ont vandalisé le mécanisme du mât de sa synagogue parce qu’y flottent en permanence les drapeaux français et israéliens.

Maurice Dahan a toujours été proche de ces penseurs strasbourgeois qui, comme André Neher, Claude Vigée et Beno Gross, ont animé la vie intellectuelle juive d’après-guerre. À Paris, il a fréquenté l’ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre, Benny Lévy, devenu un fervent défenseur du judaïsme. Avant, on disait « heureux comme un Juif en France », rappelle-t-il. « J’aimerais que ce soit encore vrai ! » Mais, il ne désespère pas pour autant. « Je reste plein d’espérance. La France peut se ressaisir. »

« Protéger mes enfants »

Rares sont ceux qui, dans la communauté juive, pardonnent au président Emmanuel Macron de ne pas avoir participé à la grande marche contre l’antisémitisme qui s’est déroulée à Paris le 12 novembre 2023. « On s’est sentis trahis », confirme Sarah Koskas, qui attend la fin de l’année scolaire pour partir. « C’est pour mes enfants que je pars. Je ne veux pas qu’ils vivent en cachant leur identité. Je veux les protéger de l’antisémitisme. » Kinésiologue à Versailles, elle ne devrait pas avoir trop de difficulté à ouvrir un cabinet en Israël. Ce sera plus difficile pour ses trois enfants, qui devront quitter leurs amis.

Même dans la commune bourgeoise de Saint-Germain-en-Laye, ils ont dû subir les remarques de plus en plus virulentes de leurs camarades. Le plus jeune, Sacha, s’est entendu dire par l’une de ses camarades que, s’il était juif, c’est donc que ses parents avaient tué des Palestiniens. Depuis, il évite de parler d’Israël et ne porte plus aucun signe qui pourrait laisser croire qu’il est juif.

Le problème, dit sa mère, « c’est l’islamo-gauchisme qui s’empare de la jeunesse, même dans les quartiers favorisés. Les plus virulents sont souvent de jeunes Français issus de milieux bourgeois. On a vécu jusqu’ici dans une sorte d’insouciance, mais, quand des jeunes de 13 ou 14 ans vous disent qu’Israël ne devrait pas exister, ça suffit ! »

Selon un sondage de l’Ifop réalisé pour l’American Jewish Committee et la Fondapol l’an dernier, 57 % des Français juifs affirmaient qu’ils quitteraient la France si un candidat de La France insoumise était élu à la présidence en 2027. Ils sont aussi 92 % à considérer que son candidat à la présidence, Jean-Luc Mélenchon, contribue à faire monter l’antisémitisme.

« La nation la moins antisémite du monde »

Face à la montée de l’antisémitisme, Didier Meïr Long et Dov Maïmon ont entrepris de sillonner la France pour en mesurer l’ampleur (La fin des Juifs de France ?, Éditions du Cherche midi). Leur conclusion est pour le moins pessimiste. Selon eux, « les Français juifs sont les canaris de la mine républicaine. L’indicateur de température d’une république malade. Depuis le 7 octobre 2023, ils ont cessé de chanter ».

Tous ne sont pas de cet avis. « Pourquoi diable devrions-nous renoncer à notre pays, alors que l’antisémitisme ne touche que 10 % de la population ? » déplore l’homme d’affaires Denis Olivennes. Pour l’auteur du Dictionnaire amoureux des Juifs de France (Plon) qui dirige le deuxième groupe d’édition français, Editis, la France est « la nation la moins antisémite du monde ».

Les premières traces de Juifs en Provence remontent à deux millénaires, rappelle-t-il. De Montaigne à Proust en passant par Bergson, ils n’ont cessé d’influencer ce pays qui fut le premier en Europe à leur offrir la citoyenneté à la Révolution. Dès la IIIe République, des Juifs accèdent aux plus hautes fonctions de l’État jusqu’à Léon Blum, qui devint président du Conseil de la IIIe République en 1936, époque où le nazisme triomphait en Allemagne. Malgré Pétain, la France demeure le pays occupé qui a sauvé le plus de Juifs (75 %) durant la Seconde Guerre.

« La France a une histoire et un modèle d’intégration extraordinaires qui n’existent nulle part ailleurs », dit Denis Olivennes. Si elle a pu vaincre « l’antisémitisme chrétien du peuple déicide », celui des « socialistes qui considéraient les Juifs comme les rois du capitalisme » et celui des nazis, dit-il, il est convaincu qu’elle pourra venir à bout du « nouvel antisémitisme » qui se cache derrière l’antisionisme. Celui-ci « rend tous les Juifs comptables du gouvernement d’Israël et fait du peuple juif un peuple impérialiste, colonialiste et génocidaire ».

L’homme d’affaires déplore qu’on ne parle plus des « Français juifs », mais des « Juifs de France ». Cela est dû au mouvement d’après-guerre « d’exaltation des différences où toutes les minorités se sont mises à glorifier leur identité ». D’autres diront que c’est la prolifération de l’antisémitisme qui les renvoie à leur identité. En 2014, le philosophe Michaël Bar-Zvi, élève d’Emmanuel Levinas, parlait d’une « alliance égarée » entre deux nations aux destins exceptionnels.

Il est intéressant de remarquer que jamais autant de Juifs ne sont entrés au Panthéon : Jean Zay (2015), Simone Veil (2018), Robert Badinter (2025) et bientôt Marc Bloch. Mais il faudra plus que ces symboles pour convaincre tous ceux qui songent à faire leurs valises ».

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