Rapprochement pragmatique américano-pakistanais
Les relations entre les États-Unis et le Pakistan, longtemps marquées par des hauts et des bas stratégiques, connaissent un nouveau tournant. Le 26 juin dernier, un échange téléphonique entre le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif et le secrétaire d’État américain Marco Rubio a acté une volonté commune de renforcer la coopération bilatérale, notamment sur les plans économique et commercial. Cet élan diplomatique s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, mais il reflète un changement d’approche : un partenariat pratique plutôt qu’un pacte militaire ou idéologique.
Une coopération centrée sur l’économie
Les deux pays souhaitent désormais recentrer leur relation sur des intérêts mutuellement bénéfiques, en particulier dans le domaine économique. Un communiqué officiel du gouvernement pakistanais souligne l’objectif d’élargir les échanges commerciaux et les investissements croisés. Islamabad espère notamment réduire les lourds droits de douane américains — atteignant jusqu’à 29 % — pesant sur ses exportations, en contrepartie d’une augmentation des importations de pétrole brut américain et de l’ouverture de son secteur minier aux capitaux étrangers.
Cette dynamique s’est illustrée par l’organisation conjointe d’un webinaire mettant en valeur le potentiel minier du Pakistan, avec en vedette le projet Reko Diq, un gisement de cuivre et d’or estimé à 7 milliards de dollars. Parallèlement, des négociations commerciales sont en cours entre le ministre pakistanais des Finances, Muhammad Aurangzeb, et le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, avec une finalisation attendue dans les prochains jours.
Sécurité et diplomatie en toile de fond
Au-delà de l’économie, des signaux montrent que les liens sécuritaires sont également en cours de réactivation. L’invitation du chef d’état-major pakistanais, le maréchal Asim Munir, à un déjeuner à la Maison-Blanche par le président Trump, suivi d’une rencontre confidentielle avec de hauts responsables américains, illustre cette volonté de renouer un dialogue stratégique discret mais significatif.
Ce réchauffement survient après un geste apprécié par Washington : la remise par le Pakistan d’un suspect clé lié à l’attentat de l’aéroport de Kaboul. Ce transfert, perçu comme un signe tangible de coopération dans la lutte contre le terrorisme, rappelle les liens sécuritaires profonds qui ont parfois uni les deux pays, en dépit de tensions récurrentes.
Médiation régionale et ambitions diplomatiques
Shehbaz Sharif a également affirmé l’engagement du Pakistan à jouer un rôle constructif dans la région, notamment dans le contexte du conflit irano-israélien. Islamabad maintient des canaux de dialogue avec l’Arabie saoudite, l’Iran, la Chine et le Qatar, espérant contribuer à un apaisement durable.
Lors des tensions récentes entre l’Inde et le Pakistan, Donald Trump s’est impliqué personnellement pour favoriser un cessez-le-feu, un geste salué par Islamabad qui l’a même proposé pour le prix Nobel de la paix 2026. Si New Delhi a minimisé l’implication américaine, cette intervention a néanmoins été perçue comme une relance de la diplomatie américaine dans le sous-continent.
Des intérêts divergents, une volonté de dialogue
Les spécialistes interrogés, comme Shabana Fayyaz, ancienne présidente du département de la Défense à l’université Quaid-i-Azam, soulignent la complexité persistante des relations américano-pakistanaises. Selon elle, si les objectifs stratégiques restent parfois opposés, une coopération pragmatique demeure possible, à condition que Washington ne réduise pas l’Asie du Sud à un simple théâtre de rivalité avec Pékin.
Fayyaz met aussi en garde contre un éventuel soutien logistique du Pakistan à une action militaire américaine contre l’Iran, qui pourrait susciter une opposition interne. Elle plaide plutôt pour une diplomatie active et des coalitions durables, fondées sur le respect mutuel plutôt que sur des accords circonstanciels.
Une relance mesurée, mais porteuse d’espoirs
Les États-Unis et le Pakistan semblent s’engager sur une voie nouvelle, non pas pour recréer une alliance stratégique du passé, mais pour construire une relation fondée sur le pragmatisme, l’économie et un certain réalisme géopolitique. Ce changement de ton, s’il se confirme, pourrait redessiner certains équilibres régionaux, tout en offrant aux deux pays une plateforme de coopération plus stable et moins soumise aux aléas des tensions internationales.
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