C’était sans compter sur les révélations de L’Incorrect. Vendredi soir, le magazine diffuse deux vidéos de Thomas Legrand. Ce dernier apparaît dans un petit bistrot du 7e, Le Coucou. Il est attablé en compagnie de Patrick Cohen, un autre sociétaire du service public. Face à eux, Pierre Jouvet, eurodéputé PS chargé de la stratégie électorale, et de Luc Broussy, président du conseil national du PS. Rien de choquant en soi que ce café entre politiques et journalistes si les extraits dévoilés par L’Incorrect ne trahissaient que deux figures du service public menaient campagne avec l’argent des contribuables pour tenter de faire élire les candidats de leur choix.
Pour la présidentielle, Raphaël Glucksmann a leur faveur. L’affaire n’est pas simple. L’eurodéputé n’est crédité, au mieux, que de 10 % dans les sondages. Mais Thomas Legrand a son idée : une alliance qui irait, avec la bénédiction des socialistes, de François Ruffin à Pascal Canfin pour qualifier au second tour leur candidat. Exit Olivier Faure, le premier secrétaire du PS. Chargé de la stratégie électorale du parti, Pierre Jouvet acquiesce : « On est d’accord sur cette idée d’un candidat commun non-mélenchoniste. » Et pour convaincre au second tour les électeurs du bloc central de voter pour le patron de Place publique plutôt que Marine Le Pen ? « Le marais centre-droit centre-gauche, on ne les entend pas beaucoup, mais ils écoutent France Inter. Et ils écoutent en masse », explique benoîtement Legrand.
« Des propos graves et contraires à la déontologie »
Les municipales à venir sont également au cœur de leurs échanges. Notamment Paris, bastion socialiste depuis 2001. La réforme du mode de scrutin peut profiter à Rachida Dati, l’actuelle ministre de la Culture, qui n’a jamais fait mystère de ses ambitions dans la capitale. « Ça va changer la donne » affirme Jouvet. « Patrick et moi, on fait ce qu’il faut pour Dati », assure Thomas Legrand avec l’air de dire qu’à leurs micros respectifs, ils s’emploient sans relâche à empêcher cette perspective. En d’autres termes, Thomas Legrand et Patrick Cohen utilisent France Inter et l’audiovisuel public comme une arme par destination pour tuer politiquement leurs adversaires. À commencer par leur ministre de tutelle.
Sollicitée par le JDD, la ministre de la Culture s’est refusée à commenter d’avantage qu’elle ne l’a déjà fait sur X cette affaire. Vendredi soir, Rachida Dati s’indignait que des journalistes du service public puissent affirmer « faire ce qu’il faut » pour l’éliminer : « Des propos graves et contraires à la déontologie qui peuvent exposer à des sanctions. Chacun doit désormais prendre ses responsabilités. » Elle n’était pas la seule à réagir face à ce scandale qui fait apparaître au grand jour la partialité de certains journalistes de France Télévisions et Radio France. Jean-Luc Mélenchon évoque « deux journalistes essentiels de l’officialité PS [qui] complotent pour valoriser un axe “de Ruffin à Canfin” et Glucksmann ». Marine Le Pen s’insurge du fait que le service public puisse être « la succursale du PS ». Éric Zemmour, qui explique depuis des années que l’audiovisuel public est un outil de propagande au service de la gauche qu’il convient de privatiser, n’a plus qu’à ramasser la mise. Il en a désormais la preuve en images. Des « images volées » tentent d’absoudre ceux qui veulent défendre à tout prix l’audiovisuel public. On les a connus moins soupçonneux lorsque Mediapart et Le Point diffusaient des enregistrements sonores clandestins du majordome de Liliane Bettencourt pour tenter d’attaquer l’entourage de Nicolas Sarkozy. Dans son jugement, en 2016, le tribunal correctionnel de Bordeaux avait souligné alors le « caractère sérieux du travail d’enquête » et l’intérêt « général et sociétal » des articles ayant diffusé les enregistrements Bettencourt, et relaxé les journalistes.
Pourquoi devrait-il en être autrement de l’enquête de nos confrères de L’Incorrect ? Le simple fait que certains le présentent comme « un magazine d’extrême droite fondé par des proches de Marion Maréchal-Le Pen », comme le fait le parti socialiste dans son communiqué, suffirait-il à désamorcer la bombe médiatique ? Rien n’est moins sûr.
Depuis ces révélations, la polémique enfle. L’Arcom a été saisie. Et les murs de Radio France et de France Télévisions tremblent. Pour tenter de circonscrire l’incendie, la direction de France Inter s’est décidée à suspendre Thomas Legrand à titre conservatoire. En d’autres termes, la radio publique sacrifie le soldat Legrand, qui n’était présent à l’antenne que le dimanche, pour sauver Patrick Cohen et ne pas mettre en péril sa grille de rentrée. Et pour cause ! Le journaliste a son édito politique quotidien dans « La Grande matinale » de France Inter. Et comme si ce n’était pas assez, il présente une émission sur LCP et intervient tous les soirs de la semaine dans « C à vous » sur France 5. À croire qu’il a presque privatisé le service public pour y faire entendre ses sermons.
Une parole démonétisée
Reste que c’est désormais vers Patrick Cohen que la pression se fait jour. Déjà épinglé au moment du drame de Crépol par l’Arcom, celui qui se faisait fort de donner des leçons de journalisme et de déontologie à la terre entière voit désormais sa parole totalement démonétisée. Comment pourrait-il être crédible quand il parle de la gauche, de la droite ou du Rassemblement national ? Et pourtant, selon nos informations, Delphine Ernotte, la grande patronne de France Télévisions, n’entend pas le sanctionner. « Un choix idéologique assumé », assure un fin connaisseur de la directrice générale du groupe audiovisuel. Au risque d’affaiblir encore davantage le service public et de rendre plus urgente sa réforme portée par Rachida Dati. Voire sa privatisation…
Legrand-Cohen, payés par nos impôts, semblent soutenir ouvertement le Parti Socialiste.
Ceux qui se présentent comme les garants de la démocratie apparaissent aujourd’hui comme prenant parti, en faveur du PS, l’allié de LFI, bien connu pour ses positions extrêmes. Ils entendent orienter leur discours contre Rachida Dati. Ce journalisme, complaisant envers certains alliés politiques de gauche, n’interroge plus.
On peut légitimement s’inquiéter quand une certaine gauche, bien que minoritaire en France, s’arroge le droit de représenter la nation tout entière, et ce en utilisant dans le cas d’espèce des fonds publics pour diffuser ses idées. Cette posture moralisatrice, souvent dirigée contre ceux qui ne pensent pas comme elle est partisane, ce qui est inadmissible dans le cadre du service public.
Par ailleurs, la gauche a une immense responsabilité dans l’état actuel de la France, notamment par les réformes dites sociales mises en place et qui ont contribué à une situation économique difficile. Par ces réformes la France aujourd’hui dépense plus qu’elle ne produit. Pourtant, la solution avancée reste souvent l’augmentation de la pression fiscale, ce qui pèse lourdement sur les classes moyennes. Ces procédés sont un affront à la démocratie.
Le JDD et JForum.Fr
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