Que reste-t-il de l’économie iranienne ? À première vue, peu de choses, et la guerre de 12 jours avec Israël n’a fait qu’aggraver une situation déjà fragile, avec la fuite des capitaux, l’exode des cerveaux, l’effondrement de la monnaie. Un Iranien doit aujourd’hui débourser 42 000 rials pour obtenir 1 dollar, soit quatre fois plus qu’au début des sanctions. Il existe un autre taux, le taux libre, proche de 100 000 rials. Corollaire de cette dégringolade : le pays est en hyperinflation depuis fin 2018. Les revenus ne suivent évidemment pas. Selon les chiffres officiels du régime, près d’un Iranien sur trois vit sous le seuil de pauvreté, tandis que des sources non officielles internationales avancent le chiffre de 80%. Le taux de chômage chez les jeunes frôle les 25%, le solde commercial déficitaire depuis des années, et le FMI prévoyait, avant le conflit, une croissance inférieure à 0,5% pour 2025.
Un potentiel de croissance pourtant élevé
Pourtant, établir un état des lieux d’une économie qui s’est construite dans la multiplication des sanctions occidentales depuis 15 ans ne peut se réduire à l’alignement d’indicateurs conjoncturels. Cela nécessite une analyse plus approfondie des fondamentaux du pays. Sa démographie. Trois points sont à retenir. Avec plus de 86 millions d’habitants, l’Iran fait partie du top 20 des pays les plus peuplés au monde, et occupe la 2è place régionale, entre l’Égypte et la Turquie. Sa population est jeune, près d’un Iranien sur deux a moins de 30 ans, mais vieillit. La cause ? La chute du taux de fécondité, qui est tombé à moins de 1,7 enfant en moyenne par femme, en dessous du seuil de renouvellement des générations.
Le niveau d’éducation de la jeunesse est un autre aspect méconnu. Le taux d’alphabétisation des 15-24 ans est proche de 99% chez les hommes comme chez les femmes. Le système éducatif iranien excelle dans les domaines des mathématiques, de l’informatique et de la médecine. En termes économiques, cela se traduit par : un vaste marché domestique, une population en âge de travailler nombreuse et formée, donc un potentiel de croissance élevé, mais à terme des problèmes inhérents au vieillissement de ses habitants à gérer.
Un équilibre industriel précaire
L’exploitation de ce dividende démographique a longtemps été une réussite parce que la rente pétrolière réinvestie dans le développement des infrastructures et d’une industrie manufacturière performante dans les secteurs traditionnels (textile, pétrochimie) mais aussi les IAA, l’automobile, l’électronique grand public, l’armement. Les sanctions occidentales ont, dans un premier temps, cassé cette dynamique, révélant l’extrême dépendance du pays aux marchés américains et européens : pour écouler son pétrole ; pour trouver des investisseurs ; et des fournisseurs d’équipements essentiels à l’industrie. Mais des parades ont vite été trouvées.
Pour le pétrole, la Chine s’est substituée aux marchés occidentaux, ce qui a permis à la production et aux exportations de bruts iraniens de se redresser assez rapidement. Les entreprises iraniennes ont aussi réorganisé leur chaîne d’approvisionnement en se tournant vers des fournisseurs chinois, turcs, russes et indiens en remplacement des Américains et des Européens. Et pourtant, l’industrie iranienne vacille, voire est en voie de démantèlement. En cause : la pénurie chronique de gaz et d’électricité qui pénalise les grands complexes industriels, mais aussi la gestion catastrophique de la campagne de privatisation, gangrenée par la corruption dont la conséquence est la multiplication des faillites. L’économie iranienne se trouve dans une nouvelle impasse, mais le mal vient de l’intérieur beaucoup plus que des sanctions.
Alexandre Mirlicourtois
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