Le rapport du Ministre Smotrich : un shekel fort, de fortes réserves en devises, la Bourse de Tel Aviv en hausse, etc…

Vues:

Date:

EDITORIAL ECONOMIQUE DE JACQUES BENDELAC. À défaut de pouvoir présenter au public le budget 2025 qui traîne à la Knesset, le ministre des Finances publie un rapport sur l’économie israélienne.

Faute de budget 2025, le ministre des Finances fait appel au Tout Puissant pour faire avancer l’économie israélienne. Début février, Bezalel Smotrich a publié un document (en hébreu uniquement) intitulé « L’économie d’Israël pendant la guerre 2024-2025 », dont le sous-titre précise « rapport au citoyen, vous méritez de savoir ce qui est fait avec votre argent » et qui promet qu’ « avec l’aide de Dieu, nous vaincrons ».

L’intention est excellente, le contribuable israélien a le droit de savoir comment ses impôts sont utilisés ; il doit aussi avoir connaissance des mesures économiques prises tout au long de la guerre, comme des projets d’avenir.

Il n’empêche que le document présente de nombreuses singularités, inexactitudes et sous-entendus, qui déforment une réalité déjà complexe.

Trompe-l’œil

La première anomalie du document est qu’il n’est pas publié sur le site officiel du ministère des Finances. Bezalel Smotrich a ouvert un site privé à cet effet ; curieuse façon de communiquer officiellement avec les électeurs, adversaires ou partisans du ministre en fonction.

Sous la signature et le nom de Bezalel Smotrich figure d’abord la mention « Président du Sionisme religieux » ; sa qualité de « Ministre des Finances » ne vient qu’après. Autrement dit, un document qui s’avoue d’abord idéologique et ensuite économique.

Soyons clair : le document en ligne ne contient pas de mensonges flagrants ni d’erreurs grossières. En revanche, il est bourré d’approximations et d’inexactitudes qui enjolivent une réalité moins rose.

Bien sûr, un ministre a le droit (et le devoir) de présenter le bilan de ses actes, quitte à enjoliver les résultats. En revanche, le citoyen doit être en mesure de distinguer un bilan de propagande personnelle en trompe l’œil, d’un rapport circonstancié.

Singularités

Par exemple, le rapport présente des données erronées sur le déficit budgétaire qui a atteint 6,9% du PIB en 2024, contre la promesse maintes fois réitérée par Smotrich de ne pas dépasser les 5% du PIB.

Le rapport nie aussi l’importance des fonds de la coalition destinés notamment au secteur ultraorthodoxe et partis religieux (« l’une des fausses campagnes qui ont eu lieu ici » précise-t-il), en comparant leur existence aux budgets des universités et des théâtres.

Bezalel Smotrich s’enorgueillit de l’action du gouvernement qui « continue de travailler pour réduire le coût de la vie », notamment en accusant la guerre actuelle des hausses de prix ; un argument qui ne convaincra pas le consommateur qui sait qu’Israël est le pays de l’OCDE où le coût de la vie est le plus élevé depuis plus d’une décennie.

Le rapport rejette en bloc les avis pessimistes des agences de notation financière : « elles sont influencées par les agendas politiques et les pressions internationales, ce qui se reflète dans leurs décisions ». Le rapport Smotrich conclut que l’avenir de l’économie israélienne ne se joue pas dans les salles de conseil des agences de notation mais sur le terrain, dont acte.

Providence

Bien sûr, les bons indicateurs financiers sont largement mentionnés dans le rapport Smotrich : un shekel fort, de fortes réserves en devises, la Bourse de Tel Aviv en hausse, etc…

Ce que Bezalel Smotrich évite de rappeler, c’est qu’en devenant ministre des Finances en décembre 2022, il a hérité – du gouvernement précédent (Bennett-Lapid) – de finances publiques dans un très bon état : excédent budgétaire de +0,4% du PIB, dette extérieure contenue à 60% du PIB, excellent niveau de réserves en devises.

Si le rapport donne une image idyllique de l’économie israélienne, il feint d’ignorer les véritables difficultés financières comme les nombreuses dégradations de notation de crédit, la rapide augmentation de l’endettement extérieur public, la chute des investissements étrangers et l’inflation qui s’envole.

Pour convaincre davantage le lecteur médusé de la « résilience étonnante de l’économie », la page de présentation du rapport signée par Bezalel Smotrich s’achève sur cette phrase : « Ensemble, avec l’aide de Dieu, nous vaincrons ».

Ce n’est pas la première fois que Smotrich fait référence à la Providence dans le cadre de ses fonctions ministérielles. En décembre dernier par exemple, il déclarait à la tribune de la Knesset : « Ensemble, avec l’aide de Dieu, nous gagnerons la guerre et ferons avancer l’économie israélienne vers un avenir prometteur ».

Bezalel Smotrich devrait faire sien le vers qui conclut une fable de La Fontaine et qui est devenu un proverbe : « Aide-toi, le ciel t’aidera ».

à propos de l’auteur

Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.

La source de cet article se trouve sur ce site

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

PARTAGER:

spot_imgspot_img
spot_imgspot_img