La fin d’une impunité longtemps tolérée
Un tournant judiciaire majeur vient d’être franchi en Israël dans la lutte contre le racket. Pour la première fois, une modification récente de la loi a été appliquée de manière concrète, aboutissant à des peines de prison ferme contre des auteurs d’extorsion opérant dans le sud du pays. Le tribunal de district de Be’er Sheva a condamné trois hommes originaires du village bédouin de Hura, dans le Néguev, à des peines allant de 12 à 36 mois d’incarcération pour des faits de racket visant des entrepreneurs locaux.
Cette décision marque une étape inédite dans la jurisprudence israélienne. Elle repose sur l’application d’un amendement adopté en 2023, destiné à renforcer les outils juridiques face à un phénomène devenu endémique dans certaines régions. Jusqu’alors, la loi exigeait de prouver une menace explicite et directe pour caractériser le racket. Désormais, la simple insinuation de conséquences négatives en cas de refus de paiement suffit à constituer une infraction pénale.
Le principal condamné, Abed Abu-Sbit, âgé de 39 ans, est ainsi le premier justiciable à être sanctionné sur la base de cette définition élargie. Les juges ont estimé que les méthodes employées relevaient clairement de l’extorsion, même en l’absence de menaces verbales formelles. Cette évolution répond à une réalité bien connue des forces de l’ordre : les racketteurs opèrent fréquemment sous couvert de sociétés de sécurité, présentant leurs exigences financières comme de simples « services de protection ».
Selon l’acte d’accusation, la zone industrielle d’Emek Sarah était divisée entre différents clans bédouins, chacun contrôlant un secteur précis. Les propriétaires d’usines et d’ateliers étaient approchés et invités à verser des sommes régulières en échange d’une prétendue protection. Entre 2017 et 2025, les montants exigés variaient de 1 500 à 12 000 shekels, en fonction de la taille et de l’activité des entreprises concernées.
Dans la majorité des cas, les victimes s’acquittaient des sommes demandées sans discuter, parfois même sans avoir été explicitement menacées. Cette absence de violence immédiate rendait les poursuites particulièrement complexes. Beaucoup d’entrepreneurs redoutaient des représailles indirectes, telles que des incendies criminels ou des dégradations, s’ils refusaient de coopérer. C’est précisément cette zone grise juridique qui a conduit le législateur à revoir la loi.
Des données policières relayées par Ynet montrent l’ampleur du phénomène. Sur les dix-huit mois précédant décembre 2024, 78 % des 160 dossiers de racket ouverts concernaient le nord du pays, contre 12 % dans le sud. Le centre d’Israël, pourtant le plus dense en entreprises, ne représentait que 10 % des affaires. Cette répartition géographique met en lumière des déséquilibres profonds et persistants.
Dans le nord, certaines localités comme Tuba-Zangaria sont régulièrement citées par les autorités pour des pratiques d’extorsion anciennes et structurées. Fusillades, incendies volontaires et intimidations ciblant hôtels, restaurants, exploitations agricoles et usines ont durablement fragilisé l’activité économique locale, dissuadant les investissements.
En appliquant pour la première fois la loi amendée, la justice israélienne envoie un signal clair. L’objectif est de briser un sentiment d’impunité longtemps ancré et de rétablir un climat de sécurité indispensable au développement économique. Pour les autorités, cette condamnation pourrait ouvrir la voie à d’autres procédures similaires et marquer le début d’une réponse plus ferme face à un fléau qui affecte directement la stabilité sociale et économique de certaines régions du pays.
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