Si l’on met de côté l’épisode exceptionnel de la crise sanitaire, il ne s’agit plus de se demander si le déficit commercial de la France battra un record en 2025 : cela est acquis, même en dépit du reflux du prix du brut qui allège la facture pétrolière. La vraie question est plutôt de savoir quelle sera l’ampleur de ce nouveau record d’ici la fin de l’année. En fait, jamais le commerce extérieur français n’a connu une telle Bérézina, ni lors du premier et du deuxième choc pétrolier, ni lors de la grande récession de 2008-2009 et des crises à répétition qui ont suivi. Même rapporté au PIB, pour tenir compte de l’évolution de la taille de l’économie dans le temps, l’histoire reste la même, preuve s’il en est de l’ampleur du décrochage.
Les bastions industriels tombent les uns après les autres
C’est tout un symbole, mais, pour la première fois de son histoire, le pays est devenu déficitaire sur les médicaments. Un bastion de plus qui tombe. Signe de notre perte de souveraineté dans ce secteur, les importations de produits pharmaceutiques ont atteint un record historique, essentiellement en provenance de Chine. Les importations de produits pharmaceutiques en provenance de Chine ont plus que doublé en valeur, à 1,3 milliard d’euros entre janvier et juillet de cette année, contre moins de 600 millions sur les sept premiers mois de 2024.
Autre forteresse prise d’assaut : le « pétrole vert » de la France, l’agroalimentaire. Hors boissons et tabac, le déficit se creuse et dépasse désormais la barre symbolique de 10 milliards d’euros. Il est toujours possible de se rassurer : grâce à la puissance de son secteur vinicole, la France parvient encore à afficher de larges excédents dans les boissons, qui comblent le déficit des autres filières ; mais, même dans ce domaine, elle cède du terrain.
Il est possible, ad nauseam, de multiplier les exemples de décrochages qui se traduisent finalement par une perte de parts de marché à l’international, le poids du « made in France » dans les exportations mondiales pesant de moins en moins. Les causes sont multifactorielles : désindustrialisation, atrophie de l’appareil exportateur, positionnement géographique défavorable, rapport qualité-prix médiocre. Sur ce dernier point, une étude menée conjointement par Rexecode et Skema Business School auprès de 480 importateurs de biens intermédiaires et d’équipement met en évidence un déficit de compétitivité-prix des produits français, alors même que la compétitivité « hors prix » (qualité perçue, design, services associés, notoriété) est jugée solide.
La balance courante révèle une dépendance inquiétante
Le commerce extérieur est alarmant, mais ce n’est pas tout : la balance courante l’est aussi. Cet indicateur plus large, qui intègre, outre les échanges de biens, ceux des services (comme le tourisme) et les transferts de revenus avec le reste du monde, est en chute libre sur les sept premiers mois de l’année. L’amélioration observée en 2024 n’a été qu’un feu de paille : la France est, de façon quasi systématique, déficitaire depuis plus de vingt ans. C’est bien là le plus alarmant pour l’économie française.
La France vit au-dessus de ses moyens
L’accumulation des déficits courants a entraîné une détérioration de la position extérieure nette du pays, qui mesure la différence entre ses avoirs et ses engagements, tous secteurs confondus, vis-à-vis du reste du monde. Encore positive au début des années 2000, elle est désormais négative et le redressement de 2024 fera long feu. La position extérieure nette mesure finalement notre dépendance financière globale, bien plus importante que la seule dépendance des administrations publiques vis-à-vis des non-résidents. Cela signifie que la France vit au-dessus de ses moyens. Cela signifie qu’elle est débitrice nette vis-à-vis du reste du monde.
À force de se focaliser sur le déficit public, on fait l’impasse sur l’essentiel : notre déficit commercial, puis, par enchaînement, celui des transactions courantes. Or, sans leur redressement, nul espoir de restaurer un jour les comptes publics.
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