Le Mossad et le calcul erroné : deux semaines avant le 7 octobre

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Le Mossad et le calcul erroné : deux semaines avant le 7 octobre

À peine quinze jours avant qu’éclate l’attaque dévastatrice du 7 octobre 2023, un document interne du Mossad tirait un diagnostic étonnamment modéré de la position de la direction du Hamas. Selon ce rapport, la direction gazaouie ne souhaitait pas immédiatement provoquer une guerre avec Israël, mais plutôt favoriser des échanges civils et un apaisement contrôlé. Ce positionnement stratégique, mis en lumière ensuite, s’est révélé être une fausse lecture cruciale dans la préparation au conflit.

Une stratégie fondée sur le statu quo
Le document — intitulé « Augmentation de la pression populaire – Une politique calculée de la part des dirigeants du Hamas à Gaza » — affirmait que les leaders de l’organisation ne cherchaient pas une confrontation militaire immédiate, mais que face à la pression, ils ne reculeraient pas non plus. Le rapport soulignait que la direction militaire craignait de pointer directement Israël du doigt, ce qui obligerait à riposter, et qu’elle vivait dans un état d’alerte permanent, redoutant d’être contrée. L’intérêt général, selon le Mossad, visait à maintenir une escalade limitée afin de préserver les marges de manœuvre.

Ce document s’insérait dans un contexte de tensions croissantes : des attaques au ballon incendiaire depuis Gaza, des échanges de tirs sporadiques, et des initiatives civiles au sein de la population gazaouie. Le Hamas cherchait ainsi à jouer un équilibre, ne souhaitant pas déclencher la guerre, mais demeurant prêt à répondre si provoqué.

Un plan de paix ou une illusion stratégique ?
Quatre mois plus tôt, le directeur du Mossad avait exprimé son soutien à une aide sociale importante pour Gaza. Il l’inscrivait dans une démarche visant à favoriser une paix de long terme, en établissant des mesures indirectes de stabilisation. L’idée consistait à renforcer les liens civils plutôt qu’à militariser le conflit — un pari politique et sécuritaire.

Mais dans sa réponse officielle au document, le Mossad a rappelé qu’il n’était pas responsable du volet « alerte stratégique » concernant la scène palestinienne — une tâche incombait à d’autres agences. Il précise qu’il n’était pas engagé opérationnellement à Gaza : pas d’agent sur le terrain, pas d’infiltration directe, ni d’opérations spéciales. Ce cloisonnement institutionnel aurait restreint l’influence réelle du rapport sur les décisions politiques ou militaires.

L’erreur d’analyse : un aveuglement fatal
À la lumière de l’attaque d’octobre, cette lecture du Hamas comme acteur prudent paraît aujourd’hui erronée. Le mouvement a lancé une offensive d’envergure, brisant le statu quo, causant plus d’un millier de morts en Israël et prenant des otages. L’ampleur du raid a surpris non seulement la population israélienne, mais aussi ses propres services de renseignement.

Par la suite, une enquête interne menée par l’armée israélienne a dénoncé des failles d’analyse graves : l’armée disposait d’informations quant aux préparatifs de Hamas, mais celles-ci n’ont pas été correctement interprétées ou hiérarchisées. Un sentiment de surconfiance dans la protection physique de la frontière et dans la capacité de dissuasion de l’État a également affaibli la vigilance. Des alertes antérieures, estimant que Hamas préparait une attaque majeure, avaient circulé, mais elles ont été minimisées en raison d’une croyance – largement répandue – en la modération forcée du Hamas.

L’échec n’est pas né de l’absence de données, mais d’une incapacité à connecter les indices, à franchir le seuil d’alerte. Le Mossad lui-même, influencé par ses propres limites fonctionnelles, avait placé cette « position modérée » dans le lot d’analyses — peu de poids pour les décideurs.

Enseignements et perspectives
L’erreur d’évaluation du Mossad illustre les risques d’un paradigme trop rigide dans l’analyse stratégique. Quand l’ennemi est capable de dissimuler ses intentions, l’hypothèse de la retenue ne peut pas être systématiquement privilégiée. L’équilibre entre la diplomatie, la pression populaire et la menace militaire est instable — et il suffit d’un faux jugement pour déclencher le pire.

En fin de compte, ce document interne, confidentiel, est devenu un révélateur posthume : il montre qu’à la veille du chaos, une lecture restrictive de l’adversaire peut coûter très cher. L’explosion du 7 octobre a mis en lumière combien, dans les conflits modernes, l’anticipation dans le renseignement vaut autant, sinon plus, que la capacité de réaction.

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